Hugues a été confondu par son mode opératoire. Toujours le même depuis des années. Le multirécidiviste belge a profité d’un congé pénitentiaire pour commettre des braquages au Luxembourg.
Petites lunettes noires, catogan grisonnant et sweat-shirt blanc à capuche, Hugues s’avance calmement à la barre de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. À 54 ans, ce Liégeois est un habitué des tribunaux. Il est principalement connu pour des braquages en Belgique. En 2022, il a élargi son territoire au Luxembourg.
En début d’audience, son avocat a avancé la possibilité qu’il puisse être atteint d’une forme de cleptomanie ou de dépendance qui le pousse de manière irrépressible à commettre des vols et a demandé au tribunal d’accorder une expertise psychiatrique à Hugues. «C’est un toxicomane des braquages», a constaté le juge avant de refuser de donner droit à cette demande et de joindre l’incident au fond.
Sa manière de procéder, toujours la même, n’est pourtant pas celle d’un banal cleptomane. L’homme se fait remettre les cartes de crédit et les numéros de code sous la menace d’une arme et séquestre leurs propriétaires jusqu’à ce qu’il ait retiré l’argent. Il est entendu pour trois faits et une tentative alors qu’il purgeait une peine de prison sous bracelet électronique. Une fois son forfait commis, il relâche ses otages.
Hugues est incorrigible. Le 2 novembre 2017, autorisé à quitter la prison de Lantin à Liège sous surveillance d’un bracelet électronique, il en a profité pour commettre des braquages. «J’ai toujours connu ce style de vie. J’ai essayé de travailler, mais je me suis ancré dans cette délinquance», a affirmé le prévenu hier après-midi.
Trahi par son mode opératoire
Le 14 novembre 2022, il officie dans un cabinet de dentiste de l’avenue Guillaume à Luxembourg ainsi que dans un institut de beauté de la route d’Arlon à Strassen. Il revient au Luxembourg le 30 janvier 2023 et tente à nouveau sa chance dans le même institut de beauté – «Cela s’était bien passé la première fois» – mais en restera à la tentative, avant de s’attaquer à un cabinet de kinésithérapie voisin. «Le choix des endroits était aléatoire», a expliqué Hugues. «Je cherchais juste à avoir des sous pour payer mes factures.» Il a emporté 4 500 euros.
«Il arrivait à chaque fois masqué d’une cagoule et armé d’un pistolet», rapporte un enquêteur de la section répression du grand banditisme de la police judiciaire. «Il prétendait être en contact par oreillette avec un complice plus violent que lui qui l’attendait à l’extérieur.» La liste des faits qui lui sont reprochés va de l’extorsion à la séquestration en passant par le vol avec violence avec la circonstance aggravante que le prévenu a agi dans des maisons. Hugues est en aveux sauf pour les coups portés lors du dernier fait.
Rapidement, les policiers ont fait le rapprochement avec Hugues et des forfaits similaires commis chez nos voisins. «Les braquages avaient lieu les jours de ses congés pénitentiaires», note l’enquêteur. En mai 2023, l’ADN retrouvé sur une des cartes de crédit confirmera son identité qui a été arrêté deux mois plus tard.
«Je l’ai reconnu tout de suite»
«Nous étions terrorisées», s’est souvenue la dentiste. «Il parlait d’une voix calme et assurée. Il n’a pas été violent, mais il était déterminé.» Hugues l’a enfermée avec son assistante et une cliente dans la salle d’attente sans téléphone. Les trois femmes se sont échappées par la fenêtre, ont escaladé un mur pour atterrir chez le voisin et ont cherché de l’aide auprès de passants. «Il nous menaçait avec son arme et nous a demandé de ne pas crier ou faire de bruit en son absence», a-t-elle poursuivi. Son complice à l’extérieur aurait été prêt à intervenir. «Il faisait semblant d’être en relation avec quelqu’un par oreillette.»
Cynthia, elle, a prélevé l’argent elle-même pour Hugues le 14 novembre 2022. «Soit, il nous ligotait toutes les deux, soit il gardait ma cliente en otage», a-t-elle témoigné, encore traumatisée. «Il a ordonné à quelqu’un dans son oreillette de me surveiller.» La jeune femme n’a pas eu d’autre choix que d’obtempérer. «Il m’a demandé d’attendre dix minutes dans l’institut de beauté avant de prévenir la police.» Manque de chance, deux mois plus tard, elle est à nouveau confrontée à Hugues. «Je l’ai reconnu tout de suite.» La jeune femme parviendra à s’échapper par la porte arrière.
«Il m’a frappé au visage quand j’ai refusé de lui donner le code secret de ma carte», rapporte la kinésithérapeute qui lui a donné un faux code avant d’être ligotée avec des câbles, tout comme son patient. «Il a pris ma carte d’identité, comme ça il savait où j’habitais et il a demandé à mon patient de me surveiller sinon il reviendrait pour lui.» La cliente suivante, ne la voyant pas arriver, est intervenue. «Je voulais me libérer, mais mon patient, terrorisé, m’a demandé de ne pas bouger.»
«Il était calme et posé», a noté le patient. «Il nous a dit que les banques nous rembourseraient l’argent. Nous devions nous tenir tranquille. Il a fait semblant de partir et de revenir pour nous tester. Nous nous sommes posés beaucoup de questions.» L’hélicoptère de police tournait déjà au-dessus d’eux.