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Soupçons de maltraitance dans une crèche : «Les enfants avaient peur»


Les premiers parents de victimes supposées de l’ancienne directrice de la crèche ont témoigné hier.  (photo archives LQ/Fabrizio Pizzolante)

Les premiers parents ont témoigné à la barre, jeudi. Des témoignages chargés de passion, de pudeur ou de regrets. Ils mettent à mal la thèse du coup monté par des employées mécontentes.

«Vous êtes sous la foi du serment. Êtes-vous bien certaines de dire la vérité ? », demande le président de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg aux anciennes collaboratrices de la crèche Léiwe Léiw à Bous appelées à témoigner jeudi.

De nombreux faits de violences sont reprochés à l’ancienne directrice de l’établissement depuis son ouverture en 2014 jusqu’à sa fermeture avec effet immédiat en octobre 2017. Ces faits concernent les enfants ainsi que trois anciennes collaboratrices qui «ont eu des problèmes» avec la prévenue.

Cette dernière nie énergiquement les faits et dénonce une cabale à son encontre. Le tribunal doit donc saisir avec précision l’ampleur réelle des faits dont elle est accusée.

Enfants de moins de quatre ans forcés à manger leur vomi ou à manger tout court en leur enfonçant la cuillère dans la bouche, tirés par les cheveux ou frappés quand ils ne parvenaient pas à faire quelque chose, forcés à rester couchés ou assis sans bouger, lingettes identiques utilisées pour nettoyer le visage et les fesses des enfants, couches réutilisées quand elles n’étaient pas souillées…

Les témoignages des anciennes collaboratrices se suivent et se ressemblent en ce troisième jour d’audience. Certains sont plus virulents que d’autres, mais tous sont parcourus du même «fil rouge» comme l’avait annoncé l’enquêteur de la police judiciaire la veille.

Sur le banc des prévenus, l’ancienne directrice secoue la tête avec véhémence, commente, joue nerveusement avec son stylo et prend des notes. Les unes après les autres, les anciennes employées témoignent avoir démissionné en raison de l’ambiance que la quinquagénaire aurait fait régner au sein de la crèche ou «pour des raisons d’éthique professionnelle», selon Jeanne qui y a travaillé pendant trois jours en intérim.

«Tout devait aller vite. Son comportement était très dur. Elle criait tout le temps. On aurait dit qu’elle voulait que les enfants et moi nous plions à sa volonté», rapporte Elena. «Les repas étaient stressants. Elle voulait que les enfants mangent toute leur assiette. Ils avaient peur.»

L’ampleur des témoignages décrivant les maltraitances peut toutefois laisser dubitatif. De son côté, face aux accusations, la défense cherche à démontrer des erreurs professionnelles pour tenter de justifier l’attitude de la prévenue envers ses anciennes collaboratrices ou des espoirs professionnels déçus pour appuyer la thèse de la vengeance collective et des ressentiments nourris envers elle.

L’avocat de la prévenue cherche notamment à comprendre pourquoi les témoins n’ont pas dénoncé les faits plus tôt. Soit avant l’enquête, dans l’intérêt des enfants. Tous ont leurs propres raisons. L’une d’entre elles est le manque de preuves déploré dans un premier temps par les autorités policières face aux signalements isolés.

«J’attendais une collègue pour confirmer mes propos. Il nous était interdit de garder nos smartphones sur nous et j’étais toujours seule avec elle et les enfants», explique une des anciennes collaboratrices.

Des jeux qui en disent long

Les témoignages des parents des enfants dont la prévenue avait la charge ne sont pas plus élogieux. «J’ai vu des hématomes sur les jambes et les bras. Pour moi, un enfant en bas âge, ça court, ça tombe. Je n’ai pas pensé que les bleus venaient de la crèche parce que je n’ai jamais rien remarqué de spécial concernant ma fille», témoigne un père. «La seule chose qui m’a interpellé, c’est qu’elle jouait à la maison et tout d’un coup, de sa propre initiative, elle allait se mettre au coin.»

Un autre père a constaté des bleus et des rougeurs sur différentes parties du corps de sa fille. «On nous a donné des excuses plausibles quand nous nous sommes plaints. On était bien obligé de les croire», se souvient-il. «Notre fille n’avait pas de rougeurs sur les fesses pendant les vacances ou les week-ends, mais l’ancienne directrice nous a dit que nous nous occupions mal de notre enfant.»

Un autre père raconte que si tout se passait bien «au début», sa fille aurait développé une peur des endroits clos et pleuré en dormant. «Elle jouait à mettre ses poupées au coin et elle leur disait d’être calmes et de ne pas bouger», poursuit le papa. «Elle était aussi tendue au moment des repas et ne se détendait qu’une fois son assiette vide.»

Traumatisés, les enfants se seraient mis à pleurer à l’approche de la crèche. Une maman visiblement très touchée se souvient que sa petite a commencé à faire sous elle quelques semaines après son arrivée à la crèche, «parce que la directrice faisait le nœud de son pantalon tellement serré que ma fille n’arrivait pas à l’enlever à temps». Ce à quoi la prévenue aurait répondu «que ma fille attendait toujours le dernier moment pour aller sur le pot».

Pour autant, comme d’autres parents, elle ne prendra pas immédiatement la décision de retirer sa fillette de la crèche. Ce n’est que quand la petite qui parlait à peine a mimé comment l’ancienne directrice lui aurait tiré les cheveux que la maman a décidé d’agir.

Les témoignages comme ceux-ci reviennent à de multiples reprises, selon l’enquêteur et le président de la chambre criminelle. De nombreux témoins doivent encore être entendus dans les jours à venir. Les questions liées à l’enfance constituent toujours des sujets sensibles et éveillent des passions. Sans compter l’instinct maternel.