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SOS Détresse : «L’été, le sentiment de solitude est exacerbé»


Exposées aux récits, vidéos, photos et autres témoignages de vacances heureuses et en bonne compagnie, les personnes souffrant de solitude voient leur mal-être grandir. (Photo : Adobe stock)

Alors que la solitude touche de plus en plus de gens, le psychologue et psychothérapeute de l’ASBL SOS Détresse François Luong constate également que l’été renforce ce sentiment.

Malgré le soleil rayonnant et l’ambiance détendue des vacances d’été, le sentiment de solitude est loin de diminuer à cette période. Bien au contraire puisque François Luong, psychologue et psychothérapeute depuis 2023 pour l’ASBL SOS Détresse, estime que le bonheur des uns peut contribuer au malheur des autres.

Exposées aux récits, vidéos, photos et autres témoignages de vacances heureuses et en bonne compagnie, les personnes souffrant de solitude voient leur mal-être grandir.

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Curieux paradoxe

Est-ce que l’été est une période qui favorise la solitude ?

François Luong : Nous ne remarquons pas vraiment de tendance saisonnière, il y a une constance dans la fréquence des appels. La solitude est un phénomène chronique qui touche les gens tout au long de l’année.

Mais on remarque tout de même que l’été a un impact. Tout comme les gens perçoivent la solitude plutôt sur la période festive de Noël, l’été est aussi perçu comme une période de socialisation, de repos et de vacances. L’été, le sentiment de solitude est exacerbé, mais il existait déjà.

C’est le cas pour ceux qui sont déjà isolés pour des raisons diverses comme une mobilité restreinte, l’âge, une maladie chronique ou le fait de s’occuper de proches dépendants. Ils peuvent ressentir une pression accrue pour être socialement actifs en été, ce qui peut intensifier leur isolement, accentuer le sentiment d’être exclu, générer un certain sentiment de honte.

Comment essayer d’éviter la solitude estivale ?

Pour les gens qui ressentent de la solitude, c’est bien d’essayer de faire des choses qui leur font plaisir, d’oser, afin de rester actif. En même temps, pour les proches de ces personnes qui ont peut-être ce sentiment, il faut aussi leur passer des appels pour qu’elles ne soient pas trop esseulées, surtout en été où beaucoup de gens partent en vacances. Il y a une rupture sociale pour ceux qui vont à l’école, ceux qui travaillent ou pour ceux qui ont une dame de ménage une fois par semaine. Il faut appeler nos proches pour voir comment ils vont. Parfois, un coup de téléphone apporte déjà beaucoup.

La solitude chronique peut augmenter le risque de décès prématuré

Comment se manifeste la solitude ?

La solitude est très associée à une augmentation du stress et à des symptômes corporels comme la perturbation du sommeil, la fatigue, le manque d’énergie. Les études montrent aussi un risque très accru des maladies cardiovasculaires et, avec la chaleur estivale, la santé physique des personnes qui nous appellent peut être affectée.

Forcément, il y a aussi un impact au niveau de leur santé mentale. La solitude non choisie et chronique partage des symptômes communs avec la dépression et beaucoup la considèrent comme une sous-catégorie de cette maladie.

De plus, cela peut induire un déclin cognitif accéléré et augmenter de risque d’Alzheimer. Il y a aussi les sentiments de tristesse, de vide, de pessimisme, de faible estime de soi, d’anxiété, de colère, de sédentarité, ce qui peut faire augmenter la consommation d’alcool, cigarettes ou de substances illicites et la négligence de soi.

Des études démontrent que l’effet de la solitude sur la mortalité est comparable à celui d’autres facteurs de risque bien établis tels que l’obésité, le tabagisme ou le manque d’activité physique. Autrement dit, la solitude chronique peut augmenter le risque de décès prématuré.

La solitude touche-t-elle une catégorie de personnes en particulier ?

C’est un peu tout le monde, même si les gens pensent toujours que c’est un phénomène qui frappe uniquement les personnes âgées, alors que ceci n’est plus forcément vrai. Cela peut toucher toute la population, peu importe le niveau socioéconomique ou l’âge.

Dans le monde, je pense que statistiquement un adulte sur quatre souffre de solitude et que les tranches d’âge les plus concernées sont en fait les jeunes adultes entre 19 et 29 ans. Et il y a aussi des adolescents en période de puberté, en période de transition ainsi que des personnes expatriées qui viennent vivre seules au Luxembourg.

Il faut dire aussi qu’il y a des gens qui nous appellent puis nous rappellent parce que beaucoup n’ont pas vraiment de contacts à l’extérieur. Et on les invite à rappeler s’ils en éprouvent le besoin, pour agir en quelque sorte comme une source constante de soutien et de renforcement dans leur quotidien.

On n’impose pas de conseils ou de solutions

Qu’est-ce que vous dites ou conseillez à ceux qui vous appellent ?

On n’impose pas de conseils ou de solutions sans les explorer avec les appelants. Nous essayons vraiment de rencontrer la personne dans le moment, avec sa souffrance, pour essayer d’avoir une discussion positive et bienveillante afin qu’elle se sente mieux après l’appel.

On ne lui donne pas des conseils à proprement parler, mais on essaye d’explorer ce qui pourrait lui faire du bien, quelles activités elle aimait faire mais qu’elle ne fait plus. Et aussi renforcer son désir de créer des liens sociaux, en lui donnant envie de s’engager dans du bénévolat par exemple.

Y a-t-il une augmentation du nombre de personnes qui souffrent de solitude ?

Pendant la période de la pandémie, certes, il y avait une augmentation de la solitude, donc cela nous a donné un autre regard sur ce phénomène. Je ne sais pas s’il y a vraiment une augmentation de la solitude proprement dite, mais je pars du principe que c’est le cas parce que notre société est en train de changer.

Il y a des changements sociétaux avec une dimension familiale plus restreinte. Les gens habitent seuls, les enfants partent à l’étranger, les situations de divorce augmentent et la population vieillit.

Donc, je pense que la solitude est en train d’augmenter. Il y a aussi la technologie, avec l’avènement des médias sociaux et du télétravail qui ont créé une certaine rupture des interactions sociales au quotidien.

L’ASBL SOS Détresse

Fondée en 1975, l’ASBL SOS Détresse propose un service d’aide en ligne par chat et un accueil téléphonique pour les personnes en situation de détresse. Si la solitude représente 15 % des appels, les thématiques abordées sont variées : problèmes familiaux, relationnels, violences domestiques, deuil, problèmes psychiques comme la schizophrénie, abus de substances, dépression ou encore anxiété. Toutes les demandes sont prises en compte, avec comme mot d’ordre pour François Luong : «Il n’y a pas de problème qui soit trop petit ou trop grand pour nous appeler.»

En 2023, l’ASBL a répondu à 3 615 appels et à 865 courriels grâce à 60 bénévoles ayant reçu une formation. Ces derniers sont également supervisés par trois psychologues ou psychothérapeutes professionnels dans chaque service, en ligne et téléphonique. Ces professionnels réalisent également des formations continues, des séminaires et des exposés afin de savoir comment écouter et soutenir une personne en situation de détresse.

Pratique : appel au 45 45 45. Lignes téléphoniques en luxembourgeois, allemand et français ouvertes tous les jours de 11h à 23h et le vendredi et le samedi jusqu’à 3h du matin. Ligne téléphonique en anglais ouverte le mercredi et le samedi de 11h à 23h. Le service de chat est disponible uniquement le lundi et le jeudi de 17h à 21h. L’assistance par courriel peut être sollicitée 24h/24 et 7j/7 en luxembourgeois, allemand, français, anglais et portugais, avec une réponse au premier message dans un délai de trois jours ouvrés.

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