Le Planning familial luxembourgeois, créé en 1965, célèbre cette année ses six décennies de combats. L’occasion de mesurer le chemin parcouru mais aussi de réaffirmer son engagement en faveur des droits reproductifs et sexuels.
«Dès sa création en 1965, le Planning familial a dû affronter une violente opposition de la part des milieux conservateurs, du corps médical et, bien sûr, de l’Église catholique, très influente alors», a rappelé ce matin la présidente de l’association. Cette phrase, glissée par Ainhoa Achutegui, dans le cadre du lancement des festivités de l’institution désormais sexagénaire, résume bien sa genèse.
Bien loin de l’idée passée dans l’imaginaire collectif où la fin des années 60 est synonyme d’une ribambelle de hippies. La présidente esquisse un sourire en évoquant ce cliché et a vite fait de resituer le contexte luxembourgeois. Toutes les équipes du Planning familial de cette époque, les personnes qui ont eu recours aux services proposés, mais surtout les membres fondateurs ont été attaqués, explique-t-elle.
«Des visionnaires»
Figure emblématique des prémices de l’association, le Dr Marie-Paule Molitor-Peffer a eu maille à partir avec le collège médical pour avoir proposé, dès 1967, des consultations gynécologiques gratuites et avoir défendu le droit à la contraception. La famille était alors le pilier de la société luxembourgeoise, reprend Ainhoa Achutegui, «les milieux chrétiens sociaux et la société avaient peur» qu’il soit attaqué.
Pourtant, les pionniers du Planning familial – 17 hommes et 6 femmes –, «des visionnaires», dira la présidente à plusieurs reprises, ont remporté des victoires importantes : la légalisation de la contraception en 1967, l’introduction de l’éducation sexuelle dans les écoles en 1978, et, bien sûr, celle du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
La domination patriarcale
On est fin des années 70 et profitant de la fin d’une législature inédite du Parti libéral et des socialistes, le débat, houleux, est sur la table. La Chambre n’ira pas aussi loin que le demandent les féministes, mais les députés libéralisent l’IVG sous certaines conditions strictes.
Jusqu’en 2012, l’avortement est encore soumis au bon vouloir d’un médecin, seul à juger si une femme est en «détresse» et peut donc se faire avorter. Avant la modification de la loi, «beaucoup de femmes devaient encore se rendre à l’étranger pour avorter, notamment en Belgique ou aux Pays-Bas, générant des coûts supplémentaires et des inégalités d’accès», rapporte Ainhoa Achutegui.

Fatima Rougi.
«Derrière chaque droit conquis, il y a des femmes et des hommes qui ont dû se battre. Derrière chaque avortement sécurisé, il y a une victoire contre la domination patriarcale», résume à son tour la secrétaire du CA de l’organisation, Fatima Rougi. Autre lutte portée par le Planning familial : l’éducation sexuelle et affective.
Ainhoa Achutegui désigne alors sur son chemisier les motifs en forme de cœur, qui lui évoquent une brochure sortie en 1979 par le Planning familial et intitulée Aimer.
Cette documentation a déclenché «un raz de marée d’insultes et de campagnes contre le Planning, simplement parce que nous osions parler de sexualité de manière ouverte et éducative», explique-t-elle. Mais «on a une ligne, on ne change pas, on ne recule jamais. Et l’histoire nous a montré que nous avons raison de continuer», martèle la présidente.
D’autres exigences
D’autant que «ce qu’une loi fait, elle peut tout simplement le défaire. L’histoire récente en Pologne, en Hongrie, aux États-Unis nous montre combien les droits des femmes sont vulnérables», estime Fatima Rougi. D’où la demande de l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution pour garantir sa pérennité face aux changements politiques.
Autre combat (presque) remporté, celui de l’accès et la prise en charge de tous les moyens contraceptifs prescrits sur ordonnance. Une avancée que le Planning familial salue, mais juge incomplète puisque les préservatifs sont exclus de ce programme. Or ils restent le seul moyen de contraception luttant contre les infections sexuellement transmissibles, en hausse dans le pays.
Le constat est un peu identique face à la précarité menstruelle. Grâce aux actions du Planning, la taxe sur les protections hygiéniques a été réduite de 17 % à 3 % en 2019, mais «malgré cette avancée, le prix des tampons et serviettes reste trop élevé pour une partie de la population, alors que la précarité gagne du terrain», constate Fatima Rougi.
Le Planning familial ne compte pas s’arrêter là : «Nous exigeons une éducation à la sexualité féministe inclusive qui parle de consentement, de plaisir, de diversité des sexualités et de genre. (…) Nous exigeons une réduction des crimes sexuels et l’introduction des termes comme féminicide (…) dans la loi», scande Fatima Rougi. Tout un avenir encore à écrire, malgré un manque de moyens alloués.
Pour ses 65 ans, le Planning familial a prévu de nombreuses manifestations d’avril à novembre. Elles sont à retrouver sur son site internet.