De la drogue, du sexe, des «conditions de vie déplorables» : le centre pour mineurs de Dreiborn est dans la tourmente, après la parution de témoignages d’anciens salariés de l’établissement et une nouvelle mise en garde du Conseil de l’Europe.
Rien ne va plus à Dreiborn, localité qui héberge le Centre socio-éducatif de l’État (CSEE) et l’Unité de sécurité pour mineurs (Unisec). Alors que les deux établissements souffrent déjà depuis plusieurs années d’un manque de place et d’un climat parfois violent, voilà que d’anciens salariés du CSEE ajoutent de l’huile sur le feu en témoignant auprès de nos confrères de RTL. «Les jeunes ont leur joint à la main ou dans la poche, fument devant le personnel et ne se cachent même plus», peut-on lire dans un article publié au début du mois d’août.
D’autres dénoncent même un «trafic sexuel», n’hésitant pas à mentionner qu’«une éducatrice de l’Unisec est tombée enceinte d’un garçon qui y était placé» ou encore qu’une «autre éducatrice aurait eu une liaison avec une jeune fille de 16 ans». Des faits graves, que regrette le ministre de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, Claude Meisch, qui prend position dans une réponse à une question parlementaire du député CSV, Léon Gloden.
«Il est évident que les relations intimes entre le personnel d’une structure sociale et les jeunes qui y sont pris en charge ne sont pas acceptables», assure le ministre DP qui précise que la direction de l’établissement a «pris des mesures disciplinaires et porté l’affaire au parquet».
Toutefois, le ministre souligne que toutes «ces déclarations sont tirées d’expériences personnelles et de perceptions et interprétations subjectives et ne peuvent en aucun cas être acceptées comme des vérités générales. Elles peuvent refléter des situations spécifiques, des moments de conflit et de crise individuels ou même institutionnels, mais certainement pas la réalité quotidienne d’une institution dans son ensemble». Claude Meisch n’hésite pas à déplorer que «le travail dans cette institution soit ainsi dévalorisé et que les jeunes placés (…) soient ainsi stigmatisés».
Des violences répétées
Mais la publication de ces témoignages n’est malheureusement pas la seule polémique qui touche Dreiborn ces dernières semaines : ce jeudi 7 septembre, le Comité pour la prévention de la torture (CPT), du Conseil de l’Europe, a publié les conclusions de son rapport, après sa visite à l’Unisec (ouverte fin 2017), réalisée entre le 27 mars et le 4 avril dernier. Et le constat est sans appel : «les conditions de vie (…) sont déplorables pour des enfants, en raison des conditions matérielles dégradées et du régime appauvri, notamment suite à des incidents de violence répétés.»
Pour rappel, une rébellion avait eu lieu en janvier 2022, blessant au passage plusieurs éducateurs et policiers. Des faits de violence physiques et verbales «pas si rares sur les sites de Dreiborn» si l’on en croit d’autres témoignages diffusés par nos confrères de RTL en août dernier.
Le Conseil de l’Europe rappelle donc que les «autorités doivent poursuivre leurs efforts afin d’améliorer les conditions de vie à l’Unisec, d’étoffer les activités offertes aux enfants et de réduire les incidents de violences entre jeunes.»
De son côté, la direction du CSEE assure s’engager «à adapter continuellement la sécurité et la garde des jeunes à l’évolution des situations et des normes. La sécurité et les contrôles au CSEE répondent aux normes internationales pour ces institutions. Des audits de sécurité sont effectués par des experts étrangers, sur la base desquels les normes de sécurité sont adaptées aux dernières normes internationales. Le centre répond aux normes les plus élevées pour de telles structures».
Rappelons qu’une réforme de la protection de la jeunesse est actuellement en cours, pour permettre notamment au centre de Dreiborn d’accueillir davantage de monde. Le parquet ouvre en moyenne 1 500 dossiers par an concernant des mineurs. Un chiffre en augmentation. Au 1er juillet dernier, on observe une hausse de 40 % des dossiers par rapport à l’an dernier. Ceux concernant la maltraitance ont augmenté de 30 %, tandis que les dossiers relatifs à la criminalité juvénile ont augmenté de 10%.
Le Conseil de l’Europe a encore une fois épinglé le gouvernement luxembourgeois face à la détention de mineurs dans la prison de Schrassig. Pour rappel, en juillet dernier, une mineure de 13 ans avait encore été incarcérée, faute de place à Dreiborn pour l’accueillir.
Dans son rapport, le Comité pointe notamment les conditions de vie des mineurs, « souvent laissés à eux-mêmes », dans le centre pénitentiaire de la capitale, où les mineurs sont surveillés « principalement par caméra ».
Il souligne que le personnel socio-éducatif encadrant les enfants y est « insuffisant », tandis que le soutien « psycho-social » apporté était « quasi-inexistant ».
Il observe également que plusieurs espaces au sein de la prison permettent des interactions entre détenus majeurs et mineurs. «Lorsque des enfants sont exceptionnellement détenus dans une unité au sein d’une prison pour adultes, ils doivent être strictement séparés», martèlent les auteurs du rapport qui regrettent que les autorités luxembourgeoises n’aient toujours pas mis en œuvre leur recommandation «émise de manière répétée depuis sa toute première visite en 1993, demandant à ce que les enfants ne soient plus incarcérés au Centre pénitentiaire».
Le Conseil de l’Europe, qui siège à Strasbourg, est l’organisation internationale qui rassemble les 46 Etats signataires de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. Plusieurs comités thématiques, dont le Comité anti-torture, veillent au respect de cette Convention.