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[Séries] Zoom sur les grandes séries de 2025


Des complots, des crises au bureau, des familles dysfonctionnelles de mafieux, de gens d’Église ou immigrés, des trips psychédéliques et un étrange virus qui rend heureux : voici un aperçu des meilleurs moments de télévision en 2025.

Jeunesse à cran

Adolescence / Jack Thorne et Stephen Graham / Netflix

Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, l’a déjà définie comme la série «la plus terrifiante de notre époque» – ce qu’elle est à bien des égards. Ramassée en quatre petits épisodes d’une heure, chacun tourné en un seul plan-séquence étourdissant, Adolescence commence avec l’arrestation d’un garçon de 13 ans, accusé d’avoir tué une camarade de classe au couteau. Pourtant, il refuse de jouer le jeu du polar ou du mystère à résoudre. Les créateurs, Stephen Graham (également magistral dans le rôle du père) et Jack Thorne, évacuent les réponses faciles et les coupables vite désignés, comme les parents, le système éducatif ou encore la société, pour s’attacher à ce que l’on ne voit pas – dans ce cas, les réseaux sociaux et leur influence sur nos enfants. Plutôt que de répondre ou non à la culpabilité du jeune homme, il s’agit d’aborder au-delà de la simple fiction des sujets qui tourmentent notre époque : les attaques au couteau qui font régulièrement la une des journaux (surtout en Grande-Bretagne), l’influence des masculinistes et des discours misogynes, le harcèlement en ligne… Bref, sonder une époque sans filtre, aux codes invisibles et à la popularité vénéneuse. Pour avoir cumulé tant de louanges et récompenses tout au long de l’année, il est certain qu’Adolescence ne laisse personne indifférent.

Malaise au boulot

The Chair Company / Tim Robinson et Zach Kanin / HBO Max

Ron Trosper est un père de famille rangé et aimant, chef de projet pour une société immobilière, résident sans histoire d’un «suburb» anonyme près d’une ville moyenne de l’Ohio. L’Américain blanc moyen, dont Tim Robinson nous rappelle qu’il peut cacher, sous son apparente insignifiance, un être émotionnellement immature et rongé par les névroses. Il suffit d’un bête accident – sa chaise de bureau se brise en mille morceaux devant d’importants collègues – pour que Ron pète un câble. En l’occurrence, en cherchant à contacter Tecca, le fabricant de chaises, pour se plaindre : le point de départ d’un voyage complotiste à lui faire perdre la tête. Car, comme Tecca, le petit monde idéal qui l’entoure n’existe pas vraiment – sinon sous la forme d’un simulacre que jouent les êtres qui l’habitent, tous défaillants à leur échelle. Ron, guidé par son côté obsessionnel, n’est pas exactement l’anomalie que l’on pourrait croire : il n’est, en réalité, qu’un rouage récalcitrant dans un monde aseptisé. La comédie la plus originale de l’année est aussi un excellent thriller paranoïaque, dans la lignée des loufoqueries signées Quentin Dupieux (période américaine) et des films de complot des années 1970. Avec, au centre, le meilleur personnage de «cringe comedy» jamais inventé, qui ouvre à des idées plus profondes sur l’état de notre société esclave du numérique et les rapports humains.

Ogre politique

M – Il figlio del secolo / Stefano Bises et Davide Serino / MUBI

En adaptant le premier tome de M, le «roman documentaire» fleuve d’Antonio Scurati qui retrace l’histoire du fascisme à travers la figure de Benito Mussolini, Stefano Bises (Gomorra) et Davide Serino (1992) transforment le portrait rigoureux d’un homme menteur, traître, narcissique et au naturel dominateur, pour en faire une figure en équilibre entre la caricature et la terreur : un mythe contre le mythe. Ces huit épisodes, qui vont de la création du fascisme en 1919 jusqu’à l’instauration de la dictature en 1925, forment un objet télévisuel baroque comme aucun autre, sous la direction du cinéaste britannique Joe Wright (Pride and Prejudice, Hanna), garant d’une forme immersive qui mélange images d’archives, plans filmés à l’aide de caméras d’époque, influences expressionnistes, bande originale techno et une représentation anachronique du personnage, pour mieux tendre un miroir à notre temps et ses relents autoritaires. Dans la peau du dictateur en devenir, Luca Marinelli, l’un des acteurs italiens les plus en vue du moment, réussit une performance monstrueuse, devenant, par le biais d’une prise de poids conséquente et dissimulé sous une épaisse couche de maquillage, ce prédateur pas encore tout à fait chauve, aussi grotesque que dangereux.

Seule contre tous

Pluribus / Vince Gilligan / Apple TV+

Au même titre que David Chase (The Sopranos) et David Simon (The Wire), Vince Gilligan s’est imposé comme un monument de la télévision en racontant le destin de personnages qui tournent mal. Sans doute lassé des gangsters et magouilleurs qui l’ont rendu célèbre, le créateur de Breaking Bad et Better Call Saul opère un virage à 180 degrés avec Pluribus, véritable ovni entièrement peuplé de gentils. Sauf Carol, une écrivaine de «dark romance» originaire d’Albuquerque (forcément), qui semble être la seule à avoir résisté à ce virus extraterrestre ayant rendu les humains parfaitement gentils, polis, serviables et aimants, et doués d’une intelligence collective. C’est une forme de retour aux sources pour Gilligan, ancien coproducteur, scénariste et réalisateur de The X-Files, qui excelle en mélangeant comédie absurde, concept de science-fiction et tragédie à échelle humaine sur la survie et l’abandon. Déjà héroïne de Better Call Saul, Rhea Seehorn se taille la part du lion dans le rôle de la récalcitrante Carol qui, en refusant simplement de succomber à la gentillesse universelle, nous en dit long sur la condition humaine à l’heure des pandémies et du tout numérique. Quitte à ce qu’un simple mot de travers de sa part cause la tristesse de tout un peuple – ou, pire, un génocide…

Drôle d’industrie

The Studio / Seth Rogen et Evan Goldberg / Apple TV+

«La raison qui m’a poussé vers ce métier est mon amour des films, mais j’ai peur que mon travail soit de les ruiner» : en une seule sentence, lucide et énoncée dès le premier épisode, Matt Remick (Seth Rogen) a résumé la problématique actuelle de toute l’industrie hollywoodienne du divertissement et d’un art soumis aux enjeux (donc aux contraintes) du capitalisme ultralibéral. Ce producteur, un faux candide sincèrement amoureux du cinéma, se retrouve propulsé à la tête d’un gros studio de Hollywood avec son équipe d’«underdogs» déjantée, et pas plus préparée que lui à affronter les exigences et le narcissisme de cet univers impitoyable. Des plateaux de tournage aux cérémonies officielles, des réunions de production aux guerres de bureau, Matt doit jongler avec bien des embrouilles. Malgré son expérience, ce grand stressé, largement méprisé par ses pairs, ne vit à l’évidence son métier qu’à travers le fantasme que lui a renvoyé le cinéma. Et finit donc toujours à côté de ses pompes. Mais derrière les rires gras, bêtes ou gênés, et de jubilatoires numéros de guest stars (de Zoë Kravitz à Martin Scorsese), The Studio analyse le système de fonctionnement de l’usine à rêves et raconte son déclin, elle qui est désormais livrée aux requins de la tech : Apple, c’est bien le premier A dans «GAFA», non?

Fous alliés

Empathie / Florence Longpré / Canal+

Elles sont rares et précieuses, ces œuvres comme Empathie, profondément humaines, qui touchent au cœur et brisent les tabous avec une extrême finesse. Pensée, écrite et interprétée par Florence Longpré, la série suit son personnage, Suzanne Bien-Aimé, la nouvelle psychiatre d’un institut de santé mentale de Montréal, et le duo qu’elle forme avec Mortimer (Thomas Ngijol), un agent d’intervention. On est loin de la tension des séries hospitalières, dans un récit sensible qui ausculte en profondeur les maux des patients, mais aussi ceux des soignants, avec une justesse rarement (jamais?) égalée en fiction. Florence Longpré assure toute seule l’écriture pour un résultat parfait : la comédie est toujours hilarante, le drame toujours sérieux et souvent bouleversant, les touches d’onirisme comme autant de moments de grâce, les dialogues finement ciselés, surtout les plus simples, qui glissent l’air de rien mais qui marquent au fer rouge. En résulte un tourbillon de vies cabossées, de trajectoires dysfonctionnelles, d’énergies contrariées, où sont toujours plus émouvants et addictifs les liens qui unissent Suzanne et Mortimer – surtout ceux qui sont invisibles. Car Empathie donne à ses personnages le temps et le soin qu’ils méritent : tout est dans le titre.

Entreprise de démolition

Severance (saison 2) / Dan Erickson / Apple TV+

Née dans l’esprit de Ben Stiller et lancée en 2022 sur Apple TV+, Severance fascine avant tout par son concept de départ – dans une société dystopique, il est possible de «dissocier» ses souvenirs au travail et ceux de la vie privée. Pour sa deuxième saison, Mark S. (Adam Scott) et ses collègues poursuivent leur tentative de percer le mystère de Lumon, la grande entreprise qui les emploie – et les manipule. Une nouvelle fournée de dix épisodes qui amène autant de réponses qu’elle pose de nouvelles questions. Contrairement à la saison 1, qui se déroulait essentiellement dans l’environnement stérile du travail, celle-ci donne plus d’importance aux «outies» (les versions des personnages dans leur vie privée) et tire son ampleur aussi de sa capacité à traiter les émotions.

Marty suprême

Mr. Scorsese / Rebecca Miller / Apple TV+

Martin Scorsese a beau être le plus célèbre défenseur du cinéma, il était clair qu’il n’y avait pas assez d’un film pour le raconter. C’est sur sa plateforme de streaming de prédilection, Apple TV+, qu’il détaille sa vie et son œuvre le long de cinq épisodes où chronologie et thématiques avancent main dans la main. Du cinéaste ultime de la masculinité, c’est bien une femme, Rebecca Miller, qui pose un regard inédit sur les origines familiales, l’enfance et l’entourage, comme autant de clefs pour mieux appréhender ses films. Un portrait documentaire dont la générosité n’a d’égale que celle de son sujet, qui ouvre aussi une fenêtre sur son travail de préparation et le tournage de Killers of the Flower Moon (2023), sa dernière fresque criminelle et historique.

En quête de rires

Only Murders in the Building (saison 5) / Steve Martin et John Hoffman / Disney+

Des mystères plutôt malins, des «guest stars» qui se prêtent au jeu (Christoph Waltz, Renée Zellweger…) et un mélange habile de comédie farfelue et de trame policière sérieuse : Only Murders in the Building poursuit la même formule depuis cinq saisons et maintient le plaisir intact. Mabel (Selena Gomez), Charles (Steve Martin) et Oliver (Martin Short) doivent résoudre une nouvelle mort étrange à l’Arconia, plongeant cette fois dans l’histoire même de leur immeuble et les secrets qu’il garde enfouis. Le numéro d’amour vache entre les inséparables Steve Martin et Martin Short fait toujours mouche, prouvant qu’ils en ont encore sous le coude, et cette nouvelle enquête leur permet de dévoiler plus que jamais auparavant leurs propres insécurités.

Les temps sont durs

#1 Happy Family USA / Ramy Youssef et Pam Brady / Amazon Prime Video

Tout près de New York, la vie des Hussein est bouleversée après les attentats du 11 septembre 2001 : cette famille musulmane d’origine égyptienne, au quotidien jusqu’ici tranquille, doit désormais faire face à la paranoïa xénophobe du monde qui l’entoure. Après l’excellente autofiction Ramy, Ramy Youssef puise à nouveau dans son expérience de fils d’immigrés, jugés du jour au lendemain indésirables, et ses propres souvenirs, en jouant cette fois la carte de la sitcom animée complètement déjantée, mais avec une humanité sincère. Peut-être parce que le comique du Queens offre un regard à hauteur d’enfant, qui n’épargne pas moins ses problèmes d’ado naissant que la politique de George W. Bush, dont l’héritage est aujourd’hui toujours plus néfaste.

Affaires de famille

MobLand / Ronan Bennett / Paramount+

Tom Hardy, jamais aussi bon que lorsqu’il est, comme ici, glacial et laconique, Pierce Brosnan à contre-emploi en parrain de la pègre terrifiant et pervers, Helen Mirren en sorcière assoiffée de pouvoir : un casting quatre étoiles pour une plongée dans le banditisme à l’anglaise. À travers le parcours de Harry Da Souza, qui règle les boulots les plus sales pour le compte des Harrigan, et sans poser de questions, MobLand a l’ambition de raconter une saga criminelle et familiale où l’on voit les liens du sang se déliter à coups de couteau dans le dos (métaphoriques) et de corps tronçonnés (littéralement). Sans réinventer les codes du récit de gangsters, elle met pourtant les femmes au premier plan, redessine les dynamiques familiales et étrille le patriarcat.

Astérix, Obélix et soirée Netflix

Astérix et Obélix : Le Combat des Chefs / Alain Chabat et Fabrice Joubert / Netflix

Plus de vingt ans après le cultissime Mission Cléopâtre (2002), Alain Chabat remet son génie comique au service d’Astérix et Obélix en adaptant l’une de leurs aventures les moins spectaculaires, mais certainement la plus loufoque. Avec, au centre de l’histoire, le druide Panoramix devenu amnésique, et donc dans l’incapacité à préparer la fameuse potion magique qui aide les héros à se protéger de l’envahisseur romain – alors même que César propose, pour s’emparer du village, la tenue d’un «combat des chefs» dans la pure tradition gauloise. Un terrain de jeu formidable pour Chabat et Fabrice Joubert, qui jurent fidélité et bienveillance à l’égard de leurs aînés et modèles respectifs, le tandem Goscinny-Uderzo, tout en se réappropriant leur univers.

Final biblique

The Righteous Gemstones (saison 4) / Danny McBride / HBO Max

Après les génialissimes Eastbound and Down (2009-2013) et Vice Principals (2016-2017), Danny McBride tenait son chef-d’œuvre avec The Righteous Gemstones. Or, le succès de sa nouvelle série HBO a été aussi discret que ses protagonistes sont hystériques, vulgaires, bêtes et méchants. Dans sa quatrième et ultime saison, cette saga monumentale sur une famille dysfonctionnelle de télévangélistes (avec à sa tête un John Goodman génial en patriarche veuf, seul membre de la famille doué de bon sens) plonge jusque dans les racines du mal, tout en délaissant le ton habituel de la comédie noire pour aller vers la lumière. Un dernier acte largement à la hauteur de ses ambitions, généreux en émotions et au summum de son génie comique.

Trip sur ordonnance

Common Side Effects / Joe Bennett et Steve Hely / Adult Swim

Marshall Cuso a découvert l’Ange bleu, un champignon rare aux effets curatifs exceptionnels. Il fait part de sa découverte à Frances, une amie d’enfance qui travaille pour un grand groupe pharmaceutique. Très vite, le duo est pourchassé par les autorités fédérales, des agents de Big Pharma et d’autres groupes mystérieux qui convoitent le champignon. À la fois thriller conspirationniste, comédie noire et trip psychédélique et existentiel, cette nouvelle création de Joe Bennett et Steve Hely, issus de l’écurie Mike Judge (Beavis and Butt-Head), dont ils reprennent le style graphique hachuré, valide l’obsession actuelle pour les complots et les mystères de l’ultracapitalisme – voir The Chair Company et Severance – sur un ton aussi original que captivant.

Anatomie d’un couple

Los años nuevos / Rodrigo Sorogoyen / ARTE

Auteur prodige du cinéma espagnol (El reino, Madre, As bestas), Rodrigo Sorogoyen s’attaque pour sa deuxième minisérie (après Antidisturbios, 2020) à un sujet vieux comme le monde : l’amour entre un homme et une femme. Avec l’idée géniale de convoquer à chaque Nouvel An Oscar et Ana, nés l’un le 31 décembre, l’autre le 1er janvier, pendant dix années (2015-2024) et autant d’épisodes. Sorogoyen dresse le portrait d’un binôme qui s’aime et (parfois) se déteste. En le collant au plus près, il magnifie le banal. Face à ces fragments de vie à deux, c’est au public de reconstituer tout ce qui manque… Le procédé narratif, original, est soutenu par de longs plans-séquences (une spécialité du réalisateur espagnol) au réalisme sidérant de justesse.

Redistribution des richesses

Loot (saison 3) / Matt Hubbard et Alan Yang / Apple TV+

Cette année aura prouvé que, si la plateforme de streaming d’Apple ne produit peut-être pas les plus gros succès d’audience, nombreux sont ses titres qui dépassent en qualité (et de loin) les catalogues de ses rivales. Jusque dans ses séries «doudou», dont Loot, avec son humour doucement déjanté, est l’un des meilleurs exemples. Dans la suite de ses tribulations, Molly Wells (Maya Rudolph), qui a empoché quelques milliards après son divorce d’un prodige de la Silicon Valley, a fini d’être ce personnage certes très stylé mais complètement hors-sol, et utilise désormais son pouvoir pour s’attaquer aux ultrariches et tenter de corriger les inégalités du monde. Une histoire excellente, qui regarde enfin la profondeur émotionnelle de ses improbables héros.

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