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Série d’été (2) : les mythes et légendes du sud du pays


De nombreuses légendes entourent la Métropole du fer. (photo archives LQ)

Après le nord du Luxembourg, nous vous emmenons à l’extrême opposé à la découverte de nouvelles histoires secrètes et mystérieuses. Cap sur Esch-sur-Alzette et sa région pour la dernière partie de cette série estivale.

Connue pour la richesse de son histoire et de son patrimoine industriel, la ville d’Esch-sur-Alzette possède également un folklore fascinant de mythes et légendes. Ces derniers ont été répertoriés dans plusieurs ouvrages. On peut citer le livre de J. P. Theisen Beiträge zur Geschichte der Stadt Esch an der Alzette, paru en 1937, et celui d’Arthur Hary intitulé Erzland. Luxemburger Heimatbuch, édité pendant la Première Guerre mondiale, en 1917. Les légendes racontées ci-dessous sont, pour la plupart, extraites de ces ouvrages.

Commençons notre voyage dans le temps par deux histoires mystérieuses qui se déroulèrent, selon la légende, dans une rivière bien connue des Eschois, l’Alzette. Il y a fort longtemps, un pont enjambant le cours d’eau aurait été construit par le diable lui-même. Et cela, en une seule nuit. En échange de son aide, les habitants lui promirent l’âme de la première personne qui aurait l’audace de le franchir. Un forgeron eut l’idée de faire traverser un chien pour déjouer le plan du diable. Furieux, celui-ci tenta de détruire le pont qui s’effondra sur lui. Il fut piégé pour l’éternité.

Tous les sept ans, une dame blanche apparaîtrait sur le Mont Saint-Jean à Dudelange. Photo : archives lq/alain rischard

Une autre légende raconte que des lutins malicieux vécurent pendant longtemps sur les rives de l’Alzette. Ces créatures avaient pour habitude de s’amuser à jouer des tours aux passants en leur cachant leurs affaires ou en les chatouillant au moment où ils ne s’y attendaient pas. On raconte qu’ils laissaient parfois des cadeaux, comme des pièces de monnaie ou des bijoux, à ceux qui les traitaient avec gentillesse et respect.

Un gardien invisible

Toujours à Esch-sur-Alzette, voici l’histoire du trésor caché de la comtesse. D’après la légende, cette dame aurait caché son trésor dans les souterrains de l’ancien château d’Esch. Composé de pièces d’or et de bijoux précieux, il n’a jamais été retrouvé. Certains affirment qu’il serait toujours présent au même endroit. Des esprits errants et des lumières fantomatiques hantent parfois ce lieu. Sont-ils attirés par l’espoir de découvrir ce trésor caché ? Sans doute.

Demeurons encore un peu dans l’ancien château d’Esch. Une histoire raconte qu’un gardien invisible aurait pris possession de la forteresse. Ce protecteur bienveillant veillerait sur l’édifice et ses occupants en les défendant des dangers et des ennemis. On dit qu’il se manifeste de temps en temps sous la forme d’une ombre rassurante ou d’une douce brise. Il offre ainsi un sentiment de sécurité aux habitants du château.

Partons maintenant en forêt. Celle qui entoure la ville d’Esch-sur-Alzette serait le domaine d’une dame blanche spectrale et vaporeuse. Vêtue d’une longue robe blanche, elle aurait pris possession de l’esprit d’une jeune femme trahie qui aurait été assassinée. On raconte qu’elle erre dans les bois à la recherche de son amour perdu. Elle pleure parfois des larmes de lune.

Une vie de recluse

Partons de la ville d’Esch pour découvrir d’autres légendes du sud du pays. Antoinette Reuter, une historienne luxembourgeoise, a étudié quelques-unes d’entre elles. Dans la commune de Lasauvage, elle nous raconte qu’une légende aurait donné le nom à ce village bien connu. En effet, une femme sauvage, aux longs cheveux, poussait parfois des cris et se nourrissait de viande crue qu’elle obtenait en chassant des bêtes.

À Dudelange, la demoiselle du Mont Saint-Jean, fille du dernier seigneur du château fort, se retira pendant des années de la société pour se vouer à une vie presque monacale. Il se dit que tous les sept ans, elle réapparaîtrait, tout de blanc vêtue, en tenant une clé dans sa main. Pour protéger cet objet métallique, elle se transformerait en serpent cracheur de feu. Une redoutable adversaire qui ferait fuir le moindre courageux qui souhaiterait se frotter à elle.

Terminons cet ultime numéro de la série des mythes et légendes en mettant le cap sur Rumelange. On raconte qu’une dame blanche viendrait annoncer la mort d’un mineur. Dans le village, cette histoire est peu connue et a sans doute été réinterprétée. Pour autant, elle reste mystérieuse et fascinante.

Pourquoi les légendes fascinent-elles autant ?

Antoinette Reuter, historienne au Centre de documentation sur les migrations humaines de Dudelange, nous en dit plus.

Dame blanche, apparitions fantomatiques, trésor caché… Les légendes abondent au Luxembourg. Mais pourquoi ont-elles traversé le temps et nous sont-elles parvenues jusqu’à aujourd’hui? «Dans le passé, il y avait des formes de sociabilité différentes. Les gens se rencontraient pendant l’hiver. Ils passaient du temps à raconter des histoires, à s’émerveiller», raconte Antoinette Reuter.

Ces histoires étaient à l’époque contées uniquement par des femmes. «J’ai longtemps vécu avec ma grand-mère, qui est décédée à l’âge de 97 ans. Elle racontait de nombreuses histoires qui annonçaient de mauvais présages. Elle ne voulait pas, par exemple, que je me détache les cheveux, car cela lui faisait penser aux sorcières. On voit que cette oralité a transmis pas mal de conceptions.»

À partir du XIXe siècle, les mythes et légendes luxembourgeois prennent une autre dimension. «Les chercheurs ou philologues y trouvent un nouvel intérêt. Mais c’est aussi une question politique. Durant cette période, on assiste à l’émergence des nations avec la création des traditions. Chaque pays essaie de se singulariser à travers des histoires, les langues. On voit donc réapparaître ces légendes en Europe», détaille la chercheuse du Centre de documentation sur les migrations humaines de Dudelange.

Des légendes empreintes d’Histoire

Si la majorité des légendes sont le fruit de l’imagination humaine, certaines sont parfois liées à un contexte historique. «Quand on parle de trésors cachés, on fait souvent référence à la période des chevaliers Templiers. Il y a aussi beaucoup d’histoires liées au passage des troupes napoléoniennes en Europe et au Luxembourg. On y raconte que ces soldats deviennent des revenants et font des apparitions dans les villages», explique l’historienne.

Si l’Histoire prend une place importante dans ces légendes, la religion n’est pas en reste. «L’image de la dame blanche est généralement liée à celle de la Vierge Marie. Par exemple, à Dudelange, elle apparaît dans la nuit du 30 avril au 1er mai, une période sainte. On a aussi fréquemment l’image du chiffre sept, qui est sacré dans la religion», précise Antoinette Reuter.

Aujourd’hui, si l’oralité a disparu, ces légendes continuent à être présentes dans nos sociétés. «Il y a parfois des réinterprétations modernes de ces histoires qui vont par exemple mettre l’accent sur les femmes. Ce sont aussi des objets marketing, touristiques. Je pense ici à Mélusine pour la ville de Luxembourg», souligne l’historienne. Malgré ce temps révolu, l’historienne est certaine d’une chose : les légendes continueront à perdurer. «Il y en aura de nouvelles. Peut-être viendront-elles des réseaux sociaux?»

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