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[Série] Covid long : quatre ans après, des patients toujours suivis au CHL


Le Dr Thérèse Staub est la médecin en charge de l’unité Covid long au Centre hospitalier de Luxembourg.

Malgré une diminution du nombre de consultations, une centaine de patients sont encore accompagnés par l’unité dédiée à la pathologie du covid long.

Depuis la mise en place du projet pilote «Covid long» en août 2021 au Centre hospitalier de Luxembourg, près de 1 500 personnes ont participé à ce programme novateur. Quatre ans plus tard, si certaines personnes sont sorties de la maladie, beaucoup sont toujours suivies, des années après l’infection qui a entraîné leurs symptômes.

Comment se passe une consultation au sein de l’unité « Covid long » ?

Thérèse Staub : Avant de pouvoir consulter chez nous, le patient doit être adressé par son médecin généraliste ou un spécialiste. Il ne peut pas venir de lui-même. Ensuite, il est contacté par une infirmière de notre unité. Avec elle, il va réaliser une batterie de tests, lors d’un entretien téléphonique qui dure en général entre une heure et une heure et demie. Antécédents médicaux, opérations, questions en rapport avec la psychologie, pratique physique ou sportive… C’est quelque chose de très complet. Le but est d’établir le profil du patient. Puis, quelques jours avant la consultation avec le médecin, l’infirmière réalise des tests de mémoire (MoCA), des bilans sanguins, des tests d’effort ou olfactifs. Avec toutes ces données, on peut poser un diagnostic de covid long ou écarter d’autres pathologies.

Le covid long est une pathologie très complexe. Est-ce toujours difficile de poser un diagnostic ?

Les tests que nous effectuons nous aident beaucoup. Il y a aussi des symptômes très fréquents. On peut citer l’essoufflement, l’accélération du rythme cardiaque de manière inappropriée, une fatigue chronique après ou avant un effort physique, les troubles de la santé mentale, comme le burn-out ou la dépression.

Nous voyons beaucoup de femmes être atteintes par cette pathologie

Avez-vous beaucoup de demandes pour des consultations aujourd’hui ?

Depuis quelque temps, nous observons une diminution du nombre de demandes. Nous en avons à peu près 20 par mois. Quand nous avons lancé le projet pilote en 2021, nous en avions des centaines, même de la part de frontaliers qui n’avaient pas encore, chez eux, ce genre d’unité. Les patients devaient même attendre plusieurs mois pour pouvoir obtenir un rendez-vous. Aujourd’hui, face à la diminution du nombre de cas, je suis la seule médecin à me charger de cette unité.

Quatre ans après le lancement du projet pilote, des patients sont-ils toujours suivis ?

Nous en avons encore une centaine qui sont suivis. Certains d’entre eux le sont depuis quatre ans. Pour la plupart, on assiste à une stagnation de la maladie, et pas forcément une aggravation. Et pour d’autres, les symptômes ont complètement disparu. Ils n’ont plus aucune pathologie.

Actuellement, il n’existe pas de traitement médical pour soigner les cas de covid long. Que préconisez-vous aux patients ?

Nous pouvons uniquement les orienter vers la rééducation. Cela peut être au Rehazenter ou en cure thermale à Mondorf-les-Bains. C’est une cure de trois semaines qui est dédiée à la pathologie du covid long. Au Rehazenter, on envoyait surtout des malades qui se plaignaient d’un essoufflement à l’effort ou qui présentaient une baisse importante d’oxygène dans le sang. Ça, on le voyait au début pour des personnes qui ont été hospitalisées pour des formes sévères ou qui ont été en réanimation. Mais aujourd’hui, on n’adresse quasiment plus de patients au centre de rééducation. Car la symptomatologie a complètement évolué.

Pour quelles raisons cette symptomatologie a-t-elle changé ?

On ignore les raisons, on ne sait pas si cela est lié à l’évolution du virus et des variants. Mais nous avons assisté à une diminution du nombre de cas liés à des plaintes respiratoires. Alors qu’au début, 80 % des patients avaient des problèmes d’essoufflement. Aujourd’hui, on voit davantage de patients ayant des troubles neurocognitifs, comme les problèmes de mémoire, de concentration, une fatigue chronique.

Pourquoi certaines personnes sont-elles touchées par cette pathologie ?

La recherche est en cours, nous ne savons pas encore les raisons. Par contre, ici, au sein de notre unité, nous voyons beaucoup de femmes être atteintes par cette pathologie. Soixante pour cent de nos patients sont des femmes et la plupart sont jeunes. Notre moyenne d’âge est de 47 ans. De la même manière, nous ignorons les raisons de ce facteur. Je pense que cela ne veut pas dire que les jeunes sont plus touchés, c’est aussi parce que les personnes âgées sont déjà limitées à cause de l’âge et donc ne viennent pas forcément consulter.

Des enfants ou adolescents sont-ils également atteints par le covid long ?

Le plus jeune de nos patients avait 16 ans. Ce n’est pas très répandu chez les enfants, mais plutôt chez les adolescents. C’est quelque chose qui affecte beaucoup leur moral, certains sont même déscolarisés. Mais c’est très rare, et heureusement.

Qu’est-ce que le covid long?

Il y a cinq ans, la planète faisait face à la pandémie de Covid-19. Plus de 676 millions de cas ont été confirmés dans le monde et 6,8 millions de personnes en sont décédées. Aujourd’hui, plus de 40 % de personnes ayant contracté cette infection continuent de signaler des symptômes ou en développent de nouveaux, et cela, après la phase aiguë de leur infection. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit le covid long comme étant une affection qui survient trois mois après le début de l’infection. Les patients présentent des symptômes qui durent au moins deux mois.