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[Série estivale] Au milieu coule la Mandelbaach


Autour de ce ruisseau est née une forêt alluviale, un type de forêt qui a pratiquement disparu du pays. (Photos : Romain Van Dyck)

Au cœur du pays, là où la vie des bois prend le dessus sur celle des hommes, coule la Mandelbaach. Cette rivière est l’artère principale d’une réserve forestière «à protéger». Visite guidée!

Le pays des forêts… Incontestablement, le Luxembourg mérite son surnom. Sans l’intervention humaine, 90 % de sa superficie serait aujourd’hui couverte d’arbres. Une richesse si abondante qu’elle a longtemps fait du Grand-Duché le pays le plus boisé de l’UE.

Cependant, ce pays des forêts n’est plus que l’ombre de lui-même. Il ne reste que 90 000 hectares boisés, soit 35% de la superficie du pays. Certes, c’est déjà beaucoup : l’équivalent de 127 000 terrains de football. Mais la biodiversité s’en ressent.

Il suffit de s’enfoncer au cœur de ce poumon vert, dans la Vallée des sept châteaux (le nom donné au parcours de la rivière Eisch), pour s’en rendre compte. Notre guide est Danièle Murat. Cette biologiste à l’administration de la Nature et des Forêts nous emmène découvrir la vaste réserve «Mandelbaach», installée entre Reckange et Hollenfels.

Ce territoire de près de 900 hectares est inscrit sur la liste des «zones protégées d’intérêt national à déclarer». Autrement dit, ici, la faune et la flore doivent être chouchoutées.

Danièle Murat en donne la première raison : « Deux rivières parcourent la réserve et rejoignent l’Eisch : la Mandelbaach et la Sengelsbach. On y trouve donc une forêt alluviale, qui se développe autour de cours d’eau. Sa protection est une priorité, car on ne compte plus que 370 hectares de forêts alluviales. » Soit 0,41 % des forêts. C’est peu, en effet.

Il existe donc un projet de restauration et de création de ces forêts. Et la forêt alluviale de Mandelbaach n’est pas seulement là pour faire joli : on y trouve de multiples sources d’eau potable. Elle sert de filtre naturel et de réservoir pour les communes de Tuntange et Mersch.

On y trouve aussi toute la faune et la flore caractéristiques de ces milieux humides : des mousses, des lichens, ainsi que des plantes d’eaux stagnantes qui sont également un paradis pour les amphibiens.

Hiboux grands ducs et chats sauvages

Pour un chat sauvage, ce genre de forêt est le paradis ! (Photo : Lviatour / Wikipédia)

Pour un chat sauvage, ce genre de forêt est le paradis ! (Photo : Lviatour / Wikipédia)

Autre raison importante pour protéger la réserve : « C’est un ancien peuplement de hêtraies et de chênaies. » Des arbres qui nécessitent de bons soins pour prospérer : « Pour le chêne par exemple, sa régénération est difficile, notamment à cause du gibier qui vient brouter les jeunes pousses. »

Mais aussi en raison de certaines pratiques forestières : « L’important, c’est qu’il n’y ait pas de coupes rases au sol, comme on peut en voir ailleurs, car cela empêche les nouvelles générations de pousser. Il faut assurer la relève pour qu’il y ait toujours un couvert forestier (NDLR : l’ensemble formé par la cime des arbres). Regardez, ici, c’est parfait, on a trois générations d’hêtres : à côté de ces grands-pères qui ont plus d’un siècle, on voit les ados qui rejoignent la cime et les petits jeunes encore fragiles… »

On croise aussi des résineux comme les épicéas, qui font grimacer notre guide. « Ces arbres ne sont pas originaires de la région, ils sont davantage faits pour être dans le nord, dans l’Oesling. Mais ils ont été plantés parce que c’est du bois de construction qui pousse vite. Il faudra les remplacer à court ou moyen terme par des feuillus. »

Dernière caractéristique de ce territoire, le grès. Cette roche emblématique du pays affleure çà et là, mais se fait rare : « Le grès a pratiquement disparu là où il était accessible. Il faut désormais creuser. » Il est justement exploité dans une carrière à l’intérieur de la réserve, exploitation qui devrait cesser d’ici un quart de siècle, lorsque la carrière sera rendue à la nature.

Une nature qui enchante promeneurs et cyclistes, qui parcourent ses reliefs bucoliques. Et si vous êtes chanceux, vous croiserez des habitants illustres de ces bois : le hibou grand duc, le faucon pèlerin, et même le chat sauvage. « Le chat sauvage a besoin de grands territoires forestiers pour vivre », nous rappelle Danièle. Et vu l’étendue de cette forêt, sûr que le matou a trouvé, lui aussi, son paradis…

La réserve cache aussi de nombreuses sources d'eau potable pour les communes alentours.

La réserve cache aussi de nombreuses sources d’eau potable pour les communes alentours.

Romain Van Dyck

Fiche d’identité

Réserve : Mandelbaach/Reckenerwald

Communes :Tuntange, Mersch, Boevange/Attert

Superficie : 895 hectares. Environ un cinquième de la réserve appartient à des propriétaires privés, le reste est propriété communale et domaniale.

Intérêt écologique : la réserve «Mandelbaach» présente plusieurs caractéristiques : la présence de forêts alluviales, de peuplements d’anciennes hêtraies et chênaies et d’une faune et d’une flore caractéristiques des milieux forestiers et humides.

Classement : la réserve fait partie des «zones protégées d’intérêt national à déclarer» (listées dans le récent Plan national concernant la protection de la nature 2017-2021). Il est prévu de déclarer au moins 40 sites de ce type d’ici la fin 2021, à un rythme de huit sites par an.

Santé des forêts : l’inventaire phytosanitaire des forêts du Luxembourg réalisé en 2016 montre que l’état de santé de nos forêts est très préoccupant. Seulement 28,6 % des arbres ne présentent pas de dommages, 33,1 % sont légèrement endommagés et 38,3 % sont nettement endommagés. Il y a 30 ans, seuls 3,5 % des arbres étaient nettement endommagés. Seuls 10 % des hêtres, l’essence la plus répandue, sont sains. Deux essences sont en voie de disparition : l’orme et le frêne. En cause, la pollution, les parasites, le changement climatique, la gestion forestière…