L’ancienne tenniswoman Mandy Minella, actuellement députée DP, a été l’une des premières à s’insurger contre la sélection de Gerson Rodrigues. Et elle ne comprend toujours pas le silence dans lequel s’est enfermée la fédération.
L’ancienne tenniswoman revient sur le concept d’exemplarité, sa volonté d’une charte, son désir de débat autour du «problème» relatif à la sélection de Gerson Rodrigues, surtout parce que ce dernier ne semble pas enclin à faire son mea-culpa. Elle en appelle, encore une fois, à la fédération.
Cette « affaire Gerson« , elle vous met en colère ?
Mandy Minella : Elle suscite surtout de l’incompréhension. Pour moi, le sport, c’est des valeurs et en tant que sportif de très haut niveau comme l’est Gerson Rodrigues, quand on joue pour son pays, on a une responsabilité morale, notamment envers les enfants. On veut voir des étoiles briller dans leurs yeux. Gerson fait partie des joueurs qui ont ce privilège, cela lui confère donc une responsabilité. Si je considère ces actes de violence dont il a été reconnu coupable, j’ai envie de dire que tout le monde peut faire des erreurs et que tout le monde a droit à une deuxième chance. Mais encore faut-il être capable de dire « j’ai fait une erreur, cela ne se renouvellera pas« , et s’excuser. Quand je lis qu’il veut répondre sur le terrain, je me dis qu’il ne comprend pas qu’on parle de valeurs autrement plus primordiales que la performance sportive.
Avez-vous l’impression que sont surtout les associations féminines et femmes politiques qui ont été audibles sur le sujet? Voire qu’elles semblent être les seules à se sentir majoritairement concernées par cette thématique ?
D’après tous les échos que j’ai reçus, pas du tout! Pour les gens, un sportif de haut niveau a une responsabilité non écrite, mais nous, sportifs, savons très bien qu’elle existe. Et à l’heure actuelle, notre monde politique luxembourgeois ne peut pas ignorer que l’on met beaucoup d’argent pour sensibiliser la société au fléau des violences conjugales. Si dans le même temps, on finance une fédération qui ne sanctionne pas ce genre de comportements…
Alors que le gouvernement vient juste (NDLR : le 28 avril dernier) d’ouvrir son nouveau Centre national pour victimes de violences, le message est très mauvais
L’argument brandi d’emblée, et le seul en fait, qui tenait en une phrase est : on n’appliquera pas de double peine. Vous pouvez l’entendre ?
Mais ce ne serait pas une double peine! Il s’agit juste de montrer à la société civile que même si l’on est un des meilleurs joueurs de l’histoire du football luxembourgeois, on ne peut pas se permettre n’importe quoi dans une totale impunité. Ce que Gerson Rodrigues a fait est aussi grave que si c’était une personne lambda qui l’avait commise, non? Lui, il est un ambassadeur de son sport et alors que la société lutte contre les violences, alors que le gouvernement vient juste (NDLR : le 28 avril dernier) d’ouvrir son nouveau Centre national pour victimes de violences, le message est très mauvais. Je ne suis pas pour que Gerson ne rejoue pas. Bien sûr qu’il rejouera. Mais si au moins il faisait un effort de communication pour dire qu’il veut s’amender, que son comportement n’était pas le bon, alors toute la société pourrait le comprendre. Mais quand je vois un « post« sur lequel il dit « only God can judge me« (NDLR : seul Dieu peut me juger), je me dis simplement qu’il essaye de se placer au-dessus de la justice. Moi, je ne veux pas me faire juge de ses actions. Mais il serait bien de savoir comment lui voudrait réagir…
Et si la réponse à tout ça était, malheureusement, que le monde du football cultive une relative indifférence sur le sujet
Quand j’ai vu qu’il avait été appelé, je me suis posé la question suivante : mais dans ce cas, ils n’ont pas pensé plus loin que le résultat du prochain match? Attention : je peux comprendre ce sentiment! Je l’ai vécu. Il y a une compétition et on pense à tous les moyens de la gagner, parce qu’on fait énormément de sacrifices quotidiennement pour y arriver. Pourtant, il y a des fois où ce n’est pas ça, le plus important. Et là, je crois que la FLF a raté le coche.
Vous précisez ?
Dire « ce ne sont pas nos valeurs, ce n’est pas ce qu’on représente« .
Il faut se rendre compte que les temps changent (…) Est-ce que cela peut encore être toléré?
Il va y avoir, vendredi, contre la Slovénie, le test des tribunes, qui validera ou écornera la popularité de Gerson Rodrigues. Pensez-vous que le stade puisse désavouer ceux qui pensent qu’il n’a pas sa place actuellement sur le terrain ?
Je n’ai pas du tout envie de mettre le politique sur le terrain. Vendredi, avec la sélection, il faut fêter le sport. Ce match, auquel je ne pourrai assister, j’ai envie de le regarder comme un match normal. Mais je pense que les habitants de notre pays ont de vraies valeurs et les réactions que j’ai récoltées tendent à prouver que ce sont ces valeurs dont j’ai parlé que les gens veulent inculquer à leurs enfants. Mais je suis curieuse de voir comment cela va se dérouler, vendredi. J’espère surtout que cette histoire sera vite derrière nous, qu’on en apprendra des choses et que tout le monde fera les choses mieux, la prochaine fois. Je pense même qu’un jour, on ne parlera plus de ce sujet, qu’on ne refera plus les mêmes erreurs surtout. Mais c’est vraiment le moment d’en parler!
Le ministre des Sports, Georges Mischo, n’a pas plus parlé sur le sujet que la fédération et vous l’avez interpellé dans une question parlementaire. Qu’en attendez-vous ?
On sait que les réponses à ces questions parlementaires, cela prend parfois du temps (NDLR : les ministres ont jusqu’à un mois pour apporter leur(s) réponse(s)). Mais maintenant, il doit se positionner et j’attends qu’il le fasse. J’attends justement de savoir ce qu’il va en dire, je vais écouter ses arguments et me rappeler que mon opinion n’est que personnelle. J’attends. Je lui laisse le temps.
Mais vous avez clairement appelé à un débat pour l’établissement d’une charte éthique.
On a toujours une marge de progression dans tout ce qui est réglementation. Il faut se rendre compte que les temps changent et il faut s’y mettre ensemble, réfléchir ensemble. Est-ce que ce qui nous occupe, là, peut encore être toléré ou faut-il un règlement plus strict pour qu’il n’y ait plus de doutes sur la conduite à tenir dans de tels moments? Mais pour moi qui me suis engagée tout récemment en faveur d’une cellule de « safeguarding« dans le sport, contre toutes formes de violence physique, verbale ou sexuelle – et il y en a, croyez-moi –, c’est absolument nécessaire d’en parler.