Luc Holtz ne réunira plus tous ses gars que début juin, pour aller défier des Pays-Bas à l’agonie. Il peut s’en passer, d’ici là. Mais cette semaine a livré des tendances. Notamment sur le cas Christopher Martins, qui va forcément focaliser l’attention ces prochaines semaines.
Il y en a eu, des enseignements, en 72 heures. Entre la blessure d’Anthony Moris (que Holtz s’est empressé de confirmer à son poste de n°1 dès qu’il serait revenu) et les difficultés à exister d’un Mario Mutsch hors de rythme et longtemps malade durant le rassemblement, entre les débuts mi-figue mi-raisin de Gerson Rodrigues et les prestations forcément contrastées des deux milieux récupérateurs (Lars Gerson et Chris Philipps) eux aussi en panne de sensations de jeu, ils ont été nombreux à peiner. Mais avec la certitude que leur standing en sélection ne serait pas remis en cause : il y a trop d’expérience ou d’espérances en eux.
D’autres cependant sont bien plus immédiatement menacés par l’émergence de la concurrence. Et ceux-là ont empilé des performances plutôt disparates lors de cette enrichissante semaine qui sera la dernière avant le déplacement aux Pays-Bas pour le compte des éliminatoires du Mondial-2018.
LES GRANDS GAGNANTS
Stefano Bensi. Dis donc, pour un garçon qui n’est actuellement que simple remplaçant au Fola et dont on pouvait se demander ce qu’il aurait à offrir en termes de rythme, c’est fou ce qu’il a été bon cette semaine. Intelligent et virevoltant pour mettre en difficulté Umtiti contre la France, son entrée en jeu a coïncidé avec le début de la reconquête (symbolique) contre le Cap-Vert puisqu’il est à l’origine de trois des quatre grosses occasions des Roud Léiwen. Mardi, malgré une prestation largement insuffisante de toute l’équipe, il a prouvé que son association avec Joachim reste encore un must, une option non négociable.
Pendant ce temps, Dave Turpel a raté une occasion de plus de prouver qu’il était associable avec l’attaquant du Lierse, le seul incontestable du secteur offensif. Il s’est vu offrir 45 minutes exécrables qui ne lui ont permis que de rater une tête.
La situation fragilisée de Bensi en club aurait pu lui porter préjudice. Il ressort pourtant de cette semaine renforcé, ayant même eu l’occasion d’exposer aux médias qu’à 28 ans, il lui reste l’ambition intacte de devenir professionnel. Cela vaut ce que ça vaut, mais son niveau actuel, au moins à l’international, l’autorise à continuer de rêver.
Dan Da Mota. Le «vieux» continue de se défendre comme un lion contre la concurrence des petits jeunes qui voudraient lui chiper sa place. Le Dudelangeois de 31 ans a beau s’être trouvé en bout de chaîne des erreurs qui ont conduit au penalty concédé face aux Bleus, samedi, sa prestation a marqué les esprits. Quand bien même les qualités de défenseur du Monégasque Sidibé restent très aléatoires, secouer le titulaire d’un club qualifié pour les quarts de finale de la Ligue des champions reste une référence. D’autant plus que cette semaine n’a pas été florissante pour la concurrence : Florian Bohnert, qui n’aurait demandé qu’à affirmer ses bons débuts en sélection, en 2016, a été sorti après 30 minutes contre le Cap-Vert. Quant à Gerson Rodrigues, ses débuts, très attendus, ont été tels que ceux qu’il avait vécus il y a quelques mois avec le Fola, c’est-à-dire volontaires mais un peu brouillons. D’ailleurs, mardi, il a cédé le côté gauche dont il venait de chasser Bohnert… à Da Mota.
Reste que sa suspension pour le mois de juin va offrir une nouvelle chance à la concurrence, à laquelle Martins, en délicatesse avec son poste de défenseur central, pourrait très bien venir ajouter son nom. Dans la foulée, il partira au RFCU où il faudra conserver en compétitivité après neuf années au F91. Avec une mentalité comme la sienne, ça doit être faisable…
Enes Mahmutovic. Il a reçu les éloges de Luc Holtz après son entrée en jeu contre le Cap-Vert. Tranchant, puissant, animé d’une flamme de chien enragé, l’Eschois avait déjà sorti une prestation marquante dans le couloir droit face aux Pays-Bas. Il a prouvé qu’à 19 ans, la polyvalence est chez lui une évidence qui ouvre de nouvelles perspectives au staff des Roud Léiwen.
Clairement, sa cote a grimpé en flèche en une seule soirée, alors que Christopher Martins a perdu du crédit (lire ci-contre) et que l’éloignement géographique de Maxime Chanot pourrait ouvrir régulièrement des opportunités dans l’axe, au moins lors des rencontres amicales. Dans trois mois, à Rotterdam, on pourra peut-être déjà mesurer s’il a marqué des points et sa fin de saison avec le Fola pourrait l’y aider.
LES GRANDS PERDANTS
Christopher Martins. Sa prestation face au Cap-Vert a été propre et sans fioritures. C’est tout ce qu’on lui demandait, vu des tribunes. Visiblement, Luc Holtz avait été plus pointu dans ses requêtes et il n’a pas, mais alors pas du tout, goûté cette deuxième livraison de la semaine en défense centrale. Le sélectionneur défendait mordicus, avec la France, le positionnement de son Lyonnais. Il n’en est plus sûr et a sorti la sulfateuse en conférence de presse, à Hesperange : «Qu’il ne s’étonne pas s’il n’a pas encore eu sa chance à l’OL.» C’est semble-t-il la mentalité que Holtz ne goûte pas, comme il l’avait déjà signalé entre les deux matches, l’invitant à devenir «plus rigoureux». L’ire en est arrivée à ce point qu’on se demande jusqu’où pourraient aller les sanctions. Alors qu’il envisageait l’entrejeu comme alternative pour Martins, il faudra désormais voir quelle position Martins prendra à Rotterdam, en espérant pour lui que ce ne sera pas sur le banc de touche.
Vincent Thill. Attention, cas très particulier puisque à tout juste 17 ans, on aurait du mal à être catalogué comme «grand perdant». Pas la moindre minute de temps de jeu ? Avec un peu de bon sens, c’est logique. On n’ira pas jusqu’à dire que Luc Holtz l’a fait venir pour lui permettre de rester au contact de ce groupe, mais presque. Après deux mois sans jouer et une seule petite semaine d’entraînement du côté de Metz, il était utopique de penser que cela pourrait avoir un sens de l’aligner face au vice-champion d’Europe et les étouffants Kanté et Matuidi. Et il est vite apparu que les gabarits cap-verdiens n’étaient pas non plus l’idéal (surtout vu la tournure des événements) pour le relancer.
Après six sélections de rang, le petit meneur de jeu a donc retrouvé le banc et rien que le banc. Forcément frustrant pour le garçon, mais le plus dur est devant lui. Il va lui falloir bosser d’arrache-pied (et compter sur un FC Metz sauvé tôt et capable de lui donner du temps de jeu pour le faire progresser) pour parvenir à remettre un pied dans le groupe de Philippe Hinschberger d’ici à la fin de saison. Et ce n’est pas gagné à en croire Luc Holtz, qui l’a trouvé «pas dans le rythme» en début de rassemblement. Logique, là aussi. Moins juste techniquement depuis quelques mois, Vincent a vu Bensi reprendre une place prépondérante aux côtés de Joachim. Il est encore très jeune et ce genre de contrecoup est logique. Mais impatient comme il l’est…
Dirk Carlson. Pour le jeune Pétangeois, ces deux matches et ce qu’ils ont charrié comme évidences ne sont vraiment pas tombés au bon moment. Révélation du début de saison internationale, il a un objectif clair : s’expatrier cet été. Gros souci : il ne parvient pas, après sa blessure de fin d’année, à remonter la pente comme il le devrait et ce qui se devine avec le Titus, se voit gros comme le nez au milieu de la figure avec la sélection. Redevenu simple remplaçant avec l’hiver, sa quatrième titularisation fut un vrai cauchemar dans le positionnement. Mal couvert par Bohnert, pas aidé par l’entrejeu, il a plongé et sa sortie à la 30e minute pourrait le marquer durablement. Sa réaction en club sera importante. Cruciale même.
Julien Mollereau