Ce serait quoi, la «job description» idéale sur laquelle se baser pour rechercher un nouveau sélectionneur ? Nous avons demandé à l’avant-dernier en date, Guy Hellers.
Depuis lundi, le Luxembourg n’a plus de sélectionneur. Votre premier réflexe à l’annonce de cette nouvelle ?
Guy Hellers : J’ai appris que le délai jusqu’en fin d’année avait été laissé à Luc Holtz pour qu’il trouve une porte de sortie. Je crois que la fédération est surprise que cela arrive aussi vite. Mais ce qui est déjà bien, c’est que le nouveau va pouvoir entamer la campagne avec ses idées. Arriver en pleines qualifications, c’est un peu spécial quand même…
Quelle(s) qualité(s) le successeur de Luc Holtz devra-t-il posséder ?
Je crois que le principal, c’est de trouver quelqu’un qui puisse avoir des plans B, sur un match. Ce n’était souvent pas le cas avec Luc Holtz. C’est-à-dire quand il faut changer l’un ou l’autre joueur, ou de plan de jeu, mettre quelque chose d’autre en place tactiquement. Dans les matches cruciaux, Luc n’a jamais fait ça. Parce qu’il ne voyait pas? Ou parce qu’il était prisonnier de sa philosophie? Aujourd’hui, il nous faut quelqu’un, dans les matches importants, qui tente quelque chose quand il est question d’aller chercher les points. Moi, ce sont des choses que j’ai vécues en tant que joueur. Tu vois ce qui se passe sur le terrain et tu te dis « merde, mais ça ne fonctionne pas ». Alors si tu as des gabarits (sic) dans l’équipe, comme quand Carlo Weis était avec moi en sélection, alors tu peux changer quelque chose de toi-même. Mais si tu n’as pas ces joueurs…
Maintenant, il faut que la FLF accepte de sortir de sa zone de confort
Pour vous, le sélectionneur n’était pas assez flexible ?
Ah je ne dis pas que cela fonctionne à tous les coups, mais l’idée, c’est quand même de donner l’impression aux joueurs qu’on essaye. C’est pour cela que j’espère que le prochain ne restera pas dans cette idée que la philosophie de jeu doit tout diriger. Genre ça passe ou ça casse. Parce que, dans le foot, avoir à changer son fusil d’épaule, ça arrive tout le temps!
Je pense qu’il faudra aussi en finir avec cette forme de favoritisme envers certains joueurs. Parce qu’il faut être clair : ces dernières années, certains joueurs étaient un peu privilégiés.On aurait dit qu’il fallait à tout prix leur trouver une place sur le terrain, quelle que soit cette place. Cela, les autres joueurs le ressentent et en tant que coach, tu peux perdre du crédit de la sorte. Surtout quand tu as des joueurs spécifiques à des postes. Avant, en sélection luxembourgeoise, tu avais onze joueurs et tu déposais trois cierges à l’église en priant pour qu’ils ne se blessent pas. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout le cas. Non, vraiment il faut arrêter avec ça et avoir une voie claire au niveau tactique.
Mais avec qui ?
Des CV, il y en a sûrement plein sur la table. Par exemple, je sais que mon ami Johan Walem (NDLR : ex-joueur d’Anderlecht et du Standard, international belge, coach à Courtrai, des espoirs belges, de Chypre et des dames à Anderlecht) était intéressé. Il m’a demandé des renseignements. Mais je ne sais pas s’il a candidaté finalement. Et je ne sais pas si la fédération pourrait mettre les moyens sur un tel CV. Mais là, j’imagine que c’est la file indienne au CFN.
Si on vous demande votre avis sur les postulants les plus crédibles ?
Dites-moi.
Jeff Strasser, par exemple ?
Il a le bon profil. Il connaît les joueurs, le milieu. Il a ses idées et ses convictions.
Trop de convictions ?
Je vois ce que vous voulez dire, mais il faut qu’on comprenne à la fédération qu’on n’est plus au pays des Bisounours, là, qu’on cherche à avancer. Tout ce qu’on a fait jusque-là, c’est bien, tout ce qui est déjà en place, c’est bien, mais maintenant, il faut que la FLF accepte de sortir de sa zone de confort. Le moment est venu d’être plus pro et je me demande si ça ne dérange pas au niveau fédéral.
C’est justement ce qui pourrait coûter cher à sa candidature naturelle ?
Jeff, c’est une autre approche. Quand un joueur n’est pas content; il faut savoir le laisser de côté. C’est finalement ce que disait Maxime Chanot quand il a annoncé qu’il refusait de revenir. Il n’a pas dit ça pour rien. Ce qui doit primer, c’est l’équipe. Pas un joueur ou l’autre. Aucun n’est assez bon pour être considéré comme un Messi ou un Cristiano Ronaldo et les joueurs doivent comprendre que l’équipe se bonifiera si elle n’est pas centralisée autour d’un nom. C’est justement quand c’est le cas que les joueurs sont mal dans leur peau.
Pour la personnalité et le vécu, je prendrais Jeff, pour la continuité et la compatibilité avec l’institution, je prendrais Mario, et pour le football et la tactique, je prendrais Sébastien. En fait, il faudrait prendre les trois et en faire un seul!
Passons à Mario Mutsch.
Il connaît la maison. Il sait comment elle fonctionne et comment fonctionne Paul Philipp. Il faudrait juste que tous les deux parviennent à s’arranger. Je suis certain qu’il est capable de faire le job. Quand tu discutes football avec lui, tu vois que ça l’intéresse. Il est intelligent, réfléchi, c’est dans son tempérament. Ce serait sans doute la facilité de le prendre pour ne pas tout chambouler et y aller étape par étape. Mais dans ce cas-là, il faudrait aussi être plus patient.
Quant à Sébastien Grandjean ?
Je l’ai très très bien connu à Dudelange. J’y étais directeur sportif quand il était coach. Il a une ligne droite et claire. Et il s’y tient. C’est peut-être le problème qui pourrait survenir avec Paul Philipp. Niveau foot, il est calé. Il a ses idées. Le problème au F91 est qu’il a voulu impulser quelque chose pour être plus pro et que ça a heurté. C’est pour ça qu’il a été poussé vers la sortie, mais il m’a laissé une très bonne impression.
Donc, au ban d’essai, vous prendriez qui ?
Pour la personnalité et le vécu, je prendrais Jeff, pour la continuité et la compatibilité avec l’institution, je prendrais Mario, et pour le football et la tactique, je prendrais Sébastien. En fait, il faudrait prendre les trois et en faire un seul! (il explose de rire)