L’absence d’explications officielles sur les mises à l’écart à répétition de Gerson Rodrigues ont achevé d’irriter. Des anciens, en off, exigent des éclaircissements.
La raison de la mise à l’écart de Gerson Rodrigues s’est précisée. Elle est tellement ridicule, si elle est avérée, que c’en est tout aussi désespérant que tout ce qui a caractérisé la carrière de «GR10» jusque-là. Alors que certains joueurs avaient laissé fuité jusque-là un refus de s’asseoir sur le banc contre le Bélarus (en raison d’une méforme liée à sa surcharge pondérale), d’autres ont lâché, lundi, que c’est énième retard au déjeuner précédant le départ de Belfast, conjugué à ce surpoids inquiétant, qui ont poussé le sélectionneur à agir.
En soi, à l’aune de ce qu’est Gerson Rodrigues, rock star, électron libre, la raison est presque futile. Passons sur ses absences aux séances ou le fait que souvent, des témoignages aient fait mention d’escapades sur la capitale en plein rassemblement. Ce qui interpelle, là, c’est la récurrence, désormais avec laquelle il est sanctionné et le silence assourdissant de la fédération sur le sujet. Qui ne communique pas et semble avant tout soucieuse de mettre la poussière sous le tapis. Peu importe à la FLF que tout le pays s’imagine des choses. Après tout, cela l’arrange peut-être : ainsi, Luc Holtz est un peu plus libre de ses mouvements s’il veut le rappeler. Dimanche soir, après la défaite contre le Bélarus, le sélectionneur s’est d’ailleurs contenté de dire qu’il avait «envoyé un message». C’est quand même le troisième en six ans, le deuxième en un an.
Quand on en arrive là, à un moment, il faut savoir trancher
Dans quelle fédération un tant soit peu moderne et consciente de ses responsabilités est-il envisageable de voir un joueur poussé hors du groupe en pleine semaine internationale sans explication fournie aux médias, et donc au public? Très récemment, aucune prise de position officielle n’est jamais venue signifier la position du conseil d’administration sur le devoir d’exemplarité des joueurs qui représentent le pays, quand Gerson s’est retrouvé au tribunal pour divers chefs d’inculpation. Il a fallu aller demander. Pour obtenir une réponse ambiguë dans laquelle chacun se renvoyait la balle.
A priori, cette fois, cette minuscule entorse à la vie de groupe semble avoir fait déborder le vase chez les anciens. Ils sont peu à vouloir prendre position officiellement parce qu’aucun, c’est une évidence, ne souhaite soutenir la gestion mise en place autour du meilleur avant-centre (21 réalisations) que le pays ait porté. «Je pars du principe que tout le monde doit être traité de la même façon, raconte un joueur encore actif il y a peu. Autoriser des cas particuliers, c’est la meilleure façon de susciter de la jalousie. Ou alors, il faut que ce soit très discret et que ça ne sorte pas dans la presse. Sinon, quand on en arrive là, et que cela se répète à de nombreuses reprises, à un moment, il faut savoir trancher.»
Preuve toutefois que le flou généralisé profite au principal intéressé, cette vidéo hallucinante dans laquelle Gerson Rodrigues annonce lui-même qu’il ne sera pas sur le terrain et qu’il reviendra vite, souhaitant bonne chance aux mêmes coéquipiers que son attitude a pénalisés. Avec lui sur le terrain, même en joker, le Grand-Duché gagne peut-être le match contre le Bélarus. Ce qui irrite cet autre ancien international très capé : «C’est une parodie! Une vraie comédie! À un moment, il faudra nous dire ce qui se passe!»
Qu’en pensent les anciens? Les Chanot, Moris, Jans…?
Sacré, le maillot d’une sélection nationale? Pas qu’un peu. Il confère des devoirs aux joueurs, mais aussi à ceux qui les encadrent, voire les gèrent. D’où la requête de ce troisième international, très remonté et qui a des demandes précises, à quelques virgules près les mêmes que celles des médias, voire des supporters des Roud Léiwen : «Il faut que la fédération clarifie par communiqué ou conférence de presse les raisons pour lesquelles Gerson Rodrigues a été écarté à chaque fois. Il faut qu’on nous dise quelle est l’échelle des sanctions encourues pour ces agissements, car il est inadmissible d’être tenu dans cette ignorance par la fédération. Il faudrait dire aussi, si au bout de la troisième fois, il n’est pas temps de considérer qu’on a atteint les limites du respect à ce groupe».
Finalement, de tous les vieux de la vieille, c’est encore l’ancien sélectionneur, Guy Hellers – et ce n’est pas une surprise puisque cela fait quelques années qu’il dénonce la façon dont est gérée cette sélection et que l’occasion est trop belle –, qui acceptera de parler micros ouverts. Parce qu’il a récupéré le garçon quand il a été viré du FC Metz, dans sa jeunesse, et qu’il l’a vu, malgré les avertissements, commettre les mêmes erreurs encore et encore. «Pour moi, le vrai scandale, c’est que Gerson n’ait pas été poussé de côté quand il a eu tous ses démêlés judiciaires. Là, je me demande vraiment quelles valeurs règnent à Mondercange. Mais sur ce point des sanctions à répétition, je me demande quelle peut être la crédibilité du staff quand on reprend un garçon autant de fois.
Qu’en pensent les anciens? Les Chanot, Moris, Jans…?» On ne sait pas encore à quel point le public, acquis à la cause de son «roi» serial buteur et qui semble toujours autant adorer le voir sur la pelouse, partage le ras-le-bol des anciens Roud Léiwen. Surtout pour une bévue aussi ridicule qu’un repas manqué. Mais aujourd’hui, la fédération ne peut sans doute plus faire l’économie d’une explication de texte. Que l’on sache pour de bon si l’un de ses joueurs est au-dessus du groupe, ou pas.