Le président de la Sécurité routière lance un appel au gouvernement pour que l’ASBL, en mal de financement, puisse encore mener ses actions.
Présente dans le paysage associatif luxembourgeois depuis 1960, l’ASBL la Sécurité routière est aujourd’hui menacée de disparition. Son plus grand contributeur, l’Association des compagnies d’assurances et de réassurances (ACA), a décidé de ne plus financer l’ASBL. La défection de ce partenaire historique survient alors qu’un autre bienfaiteur, l’Association d’assurance accident (AAA), contraint par des questions d’ordre purement législatif, ne versera plus ses 75 000 euros annuels.
Le président de la Sécurité routière, Paul Hammelmann, à la tête de l’ASBL depuis une trentaine d’années, aborde ces mauvaises nouvelles avec calme. «L’ACA m’a dit amicalement que sa mission était accomplie, explique-t-il. Non pas parce qu’il n’y a plus rien à faire en matière de prévention routière – les chiffres des blessés graves sont toujours très mauvais –, mais parce que le lobbying auprès des pouvoirs publics a été entendu.» Il est vrai que le Plan national sécurité routière 2024-2028 prévu par le ministère de la Mobilité et axé sur le comportement humain, la législation, la surveillance et le contrôle ainsi que sur les infrastructures routières est «ambitieux». C’est un plan «très exigeant et très complet, il ne manque que quelques minuscules détails que nous avions demandés», poursuit Paul Hammelmann.
La fin du permis de conduire?
Après une année de transition, la Sécurité routière sera privée dès 2026 des 275 000 euros de l’ACA. Sans cette somme, la structure, qui emploie quatre personnes, se verra dans l’impossibilité de continuer comme avant et de poursuivre le financement de ses nombreuses actions. Parmi ses faits d’armes, la création d’une version simplifiée du code de la route. «Nous éditons une version populaire du code de la route en français, en allemand, en portugais et en anglais. C’est un travail qui est fait dans nos commissions avec des juristes, des policiers, des autos-écoles, des graphistes… Les questions d’examen se basent sur ce texte : si nous n’existons plus, il n’y aura plus de code de la route populaire», indique Paul Hammelmann avant de poursuivre, malicieux : «et donc plus de permis de conduire, plus de ventes d’automobiles, plus d’assurances».
Si cette dernière phrase se veut provocatrice, elle permet néanmoins de mesurer la place occupée par la Sécurité routière dans le pays. Chaque petit résident a eu affaire à cette association. «Nous organisons la Coupe scolaire nationale ,mais aussi le théâtre de guignol qui s’adresse à tous les enfants en bas âge allant à pied à l’école. Nous leur faisons découvrir les feux rouges, les passages piétons, etc.», rappelle le président. «Même le prochain Grand-Duc y est passé, puisque j’ai encore vu son diplôme récemment, en fouillant dans mes documents.» Mais ce n’est pas tout : l’ASBL aide aussi à désengorger un peu les tribunaux, notamment, avec les stages de réhabilitation qu’elle propose aux automobilistes ayant commis une infraction mineure au code de la route.
Paul Hammelmann, qui aurait dû partir à la retraite cette année, a décidé de rester encore un peu à la tête de la Sécurité routière. Lui qui avait prévu «d’aider (s)on successeur» pendant quelque temps, va en fait devoir trouver de nouveaux financeurs. S’il peut s’appuyer sur les anciens comme la Banque internationale, Cactus et Sources Rosport, il devra surtout en dénicher de nouveaux. Il a bien pensé par exemple à des constructeurs automobiles soucieux de la sécurité, mais il compte avant tout sur le gouvernement.
Cinq ministères contactés
Il a contacté cinq ministères, dont son ministère de tutelle, celui de la Mobilité. Même si cette dernière option n’a pas été au goût de tous au sein du conseil d’administration, certains craignant une perte de la capacité de l’ASBL à critiquer les actions gouvernementales. «Il y a quand même une déontologie, balaie Paul Hammelmann, parce qu’actuellement, déjà, les ministères payent plus de 100 000 euros. Et ils n’interviennent jamais dans nos critiques, jamais. De toute façon, sans leur soutien, on ne fonctionnera plus.»
Le seul ministère à s’être manifesté jusqu’à présent est celui dont est en charge Yuriko Backes. La ministre de la Mobilité a prévu une entrevue avec la Sécurité routière le 8 mai. «J’imagine que les cinq ministères ont probablement parlé entre eux et que nous en saurons plus à ce moment-là», dit-il. Est-il optimiste sur l’issue de ces tractations? «275 000 euros pour un assureur, c’est un tout petit dossier de contentieux, répond-il. Et pour un ministère, ce n’est rien du tout.»