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Sécurité routière : la mise en danger d’autrui, un délit bientôt puni ?


L’ASBL souhaite que la limitation à 30 km/h en agglomération soit étendue à l’ensemble du pays.  (Photo : julien garroy)

Alors que le projet «Vision Zéro» est en place depuis bientôt dix ans, l’association Sécurité routière souhaite instaurer davantage de répression dans les zones urbaines, encore trop dangereuses.

C’est la même rengaine depuis une dizaine d’années : la vitesse reste la cause dominante des accidents de la route au Luxembourg. Les statistiques le montrent bien : en 2023 encore, 42 % des décès survenus sur nos routes étaient attribuables à une vitesse excessive ou inappropriée. Des chiffres encore trop importants aux yeux de l’ASBL Sécurité routière qui, depuis 2015, milite pour la mise en œuvre du programme «Vision Zéro», signé par le gouvernement et visant à réduire de moitié le nombre de tués sur les routes.

Un pari presque tenu, si l’on se penche encore une fois sur les statistiques du ministère de la Mobilité : sur les dix dernières années, on observe en effet une diminution de 41 % du nombre d’accidents ayant causé la mort. Mais c’est surtout la circulation en milieu urbain qui pose davantage de problèmes, puisque plus de la moitié des 312 accidents graves et 24 mortels qui ont eu lieu en 2023 dans le pays se sont produits dans des zones urbaines.

Face à ce constat, l’association a dévoilé cette semaine deux nouvelles propositions, visant à changer la façon dont les infractions graves seront sanctionnées, mais aussi à transformer la gestion de la vitesse en milieu urbain.

Sévir davantage

La première mesure présentée par Paul Hammelmann (qui, rappelons-le, quitte la présidence de l’association l’année prochaine, après 45 ans à sa tête) concerne la volonté d’introduire la notion de «mise en danger de la vie d’autrui» dans le code pénal luxembourgeois. Inspirée du droit français, cette mesure viserait à sanctionner plus sévèrement les comportements routiers qui mettent gravement en péril la vie d’autrui, notamment les excès de vitesse significatifs et la conduite sous l’emprise de l’alcool. «On ne veut pas aller aussi loin que la France avec la notion d’assassinat routier, mais il faut un changement de la Constitution pour sévir contre ces comportements qui sont extrêmement dangereux.»

Cette proposition cible spécifiquement les conducteurs qui adopteraient une violation flagrante du code la route. Une volonté qui n’est pas nouvelle, puisque l’ex-député Charles Margue (déi gréng) a déjà amené ce projet de loi devant la Chambre des députés, où il a reçu un avis négatif en raison d’insécurités juridiques. Un premier refus qui ne démotive en rien Paul Hammelman : «En septembre dernier, madame Backes et monsieur Gloden (NDLR : respectivement ministre de la Mobilité et des Travaux publics, et ministre des Affaires intérieures) nous ont reçus, et nous ont assuré qu’ils nous aideraient à atteindre les objectifs d’horizon 0. Alors, je leur demande de reprendre et traiter ce dossier.»

Pour l’ancien juriste, l’objectif n’est pas de durcir les peines de manière disproportionnée, mais de s’assurer que les infractions graves seront systématiquement découvertes et sanctionnées, afin d’accentuer une répression. «Nous pouvons également réfléchir à une indexation des contraventions sur les salaires, comme cela se fait dans les pays nordiques.»  Ainsi, les amendes seraient alors suffisamment dissuasives pour toutes les tranches de revenus, y compris celles et ceux considérant ces sanctions comme négligeables.

«Continuer le combat»

Mais ce n’est pas tout. Paul Hammelmann demande également à inverser les règles de limitation de vitesse en agglomération. «Les zones 30, c’est bien, mais on voudrait qu’elles disparaissent, et que le 30 devienne la normalité en agglomération», a-t-il déclaré. Cette réforme, déjà en vigueur dans des villes comme Paris et Bruxelles, permettrait d’améliorer significativement la sécurité des piétons et des cyclistes. Chiffres à l’appui. En effet, selon des données de l’institut VIAS (l’Institut belge pour la Sécurité routière), à 30 km/h, la distance d’arrêt est de 13,3 m, contre 25 m à 50 km/h. De plus, la probabilité de survie d’un piéton en cas de collision à 30 km/h est de 95 %, tandis qu’à 50 km/h, elle chute à 53 %. «Si on veut la vision 0, il faut faire en sorte que ce soit le cas chez nous», insiste Hammelmann. Selon lui, la généralisation de la zone 30 est non seulement une question de sécurité, mais aussi de clarté et d’acceptation des règles. Afin de faciliter cette transition, il préconise que le ministère des Affaires intérieures impose cette norme aux communes, sans qu’il soit nécessaire d’installer de nouveaux panneaux de signalisation.

Alors que Paul Hammelmann s’apprête à passer le flambeau, il laisse derrière lui un héritage marqué par des années de lutte pour la sécurité sur les routes luxembourgeoises. Ces deux propositions constituent des étapes essentielles vers la réalisation de la Vision Zéro au Luxembourg. «Pour moi, cette volonté de 0 mort, 0 blessé grave en 2025 n’est pas utopique. Si tout un chacun respecte en tout temps l’intégralité du code de la route, c’est ce qu’il devrait se passer. Il faut continuer le combat pour parvenir à cette fin.»