En 2004, Joaquim a acheté une maison pour la transformer en logements à louer. Un investissement pour ses vieux jours. Vingt ans plus tard, ce musicien risque d’être mis au violon.
Outre une peine de 12 mois de prison et une amende de 10 000 euros, le représentant du ministère public a requis, jeudi matin, la confiscation de l’immeuble en question. «Le restituer reviendrait à mettre d’autres personnes en danger», a estimé le magistrat. Joaquim est accusé d’infractions en matière de sécurité des logements. Le sexagénaire a déjà été condamné une première fois en 2014, mais n’aurait pas entrepris de changements suffisants pour la mise en conformité du bâtiment et des neuf logements qu’il met en location.
Après deux visites de la direction de la Santé en 2014 et 2020, une visite des autorités communales en octobre 2020, un arrêté demandant la fermeture du bâtiment en novembre 2021 et une saisie immobilière, Joaquim a dû s’expliquer face à la 18e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. «Il faut plus qu’un pot de peinture pour remettre les locaux en ordre», a tenté d’expliquer le procureur au prévenu qui «ne comprend pas ou ne veut pas comprendre» la situation.
Tout commence avec l’administration communale qui refuse que Joaquim transforme la maison unifamiliale en logements individuels et n’a pas l’intention de modifier son PAG en ce sens. Joaquim a pourtant créé neuf cellules habitables de la cave aux combles. Parfois en dépit du bon sens et des normes en matière de sécurité des bâtisses et de leurs habitants. Selon un policier descendu sur les lieux, il fallait notamment traverser certains logements pour accéder à la chaudière sous les combles, à la cuve de mazout ou au panneau électrique.
Le policier a également constaté de la moisissure, des volets qui ne s’ouvraient plus, des câbles électriques à nu ou apparents, des prises non conformes ainsi que des contrats de bail inexistants et des manquements en matière de lutte contre les incendies. «Comme la commune refusait d’enregistrer les locataires, il était difficile de savoir qui exactement vivait dans la maison», a expliqué le policier.
Un sapeur-pompier a confirmé qu’il n’y avait pas d’extincteurs et de détecteurs d’incendie, ni de portes et de murs coupe-feu séparant la cuve à mazout ou la chaudière notamment, ni de chemin d’évacuation qui ne soit pas encombré, entre autres. «Les câbles électriques étaient apparents et couraient le long des conduites d’eau. Il y avait un risque d’électrocution», a notamment signalé le membre du CGDIS qui a relevé des dangers potentiels à tous les étages. «Il aurait pu y avoir une catastrophe en cas d’incendie.»
Du mazout dans l’appartement
«Le prévenu a voulu réaliser un investissement sans se renseigner sur les lois en vigueur malgré les injonctions de la commune», a estimé le procureur. «Il a essayé de tirer le plus possible du bâtiment pour gagner le plus d’argent possible.» D’ailleurs, malgré l’arrêté de fermeture des logements et la saisie immobilière, Joaquim continuerait à les louer et n’aurait, selon la présidente de la chambre correctionnelle, procédé à aucun rétablissement des lieux malgré une condamnation en justice. «Vous n’avez fait que des rénovations superficielles pour rapidement pouvoir trouver des locataires.»
«Je ne suis pas d’accord», a contesté Joaquim qui prétend avoir depuis apporté des améliorations. «Je ne suis pas un marchand de sommeil», a clamé le prévenu qui a du mal à convaincre. Il apparaît emprunté et maladroit à la barre, blâme la pandémie et ses précédents locataires, dont certains se sont portés parties civiles. L’un d’entre eux a notamment expliqué que le contenu de la cuve à mazout s’était déversé dans l’appartement qu’il occupait avec sa famille et que le prévenu «n’avait jamais proposé de solution». «Je suis certain qu’aujourd’hui encore cela sent le mazout dans notre ancien appartement.»
Les accusations sont lourdes. Joaquim dit avoir des traites à payer et des actions en justice en cours contre d’anciens locataires qui lui doivent des loyers ainsi que contre la décision de l’administration communale. «Mon client se trouve dans une impasse. Tout est bloqué, si bien qu’il ne peut même pas vendre l’immeuble», est intervenu son avocat, Me Hellal. «On lui tape dessus et en même temps, on l’empêche de régler le problème.» La cour administrative auprès de laquelle il a introduit son recours contre l’arrêt de la commune attend le jugement de la chambre correctionnelle pour rendre sa décision.
Une explication qui n’a pas convaincu le parquet. «Le prévenu a agi volontairement et sciemment en dépit de toutes les décisions et constatations», a conclu son représentant qui a refusé qu’il puisse continuer de tirer un avantage patrimonial des infractions commises. Me Hellal lui répondra la semaine prochaine. La suite des débats est prévue mardi.