Face au patronat qui réclame un plan de maintien dans l’emploi sectoriel pour la construction, les syndicats tempèrent, signalant que tous les employeurs ne sont pas en difficulté, et rejetant l’idée d’un plan social.
Alors que, mercredi, le Groupement des entrepreneurs et de la Fédération des artisans annonçaient avoir saisi les syndicats pour entamer une concertation et négocier au plus vite un plan de maintien dans l’emploi sectoriel pour la construction, voire un plan social, les syndicats sont dubitatifs. Ils assurent en effet avoir donné suite à un premier courrier du patronat début juillet, promettant une rencontre dès la rentrée pour examiner les conséquences de la conjoncture pour les entreprises, et réamorcer les négociations en cours depuis près de deux ans pour une nouvelle convention collective.
Au LCGB, on comprend donc difficilement ce soudain empressement. Le secrétaire général adjoint Robert Fornieri se dit «prêt à discuter de tous les sujets», mais il insiste sur le fait que toutes les entreprises ne sont pas impactées de la même manière : «Il faut bien faire la différence entre l’activité dans le secteur public, où l’État poursuit ses grands chantiers, et dans le privé, où c’est une catastrophe, et nous en sommes parfaitement conscients», explique-t-il, rappelant que le camp syndical avait revu ses revendications à la baisse pour la convention collective, précisément pour ces raisons.
«On a jamais vu ça»
Son collègue de l’OGBL, Jean-Luc De Matteis, abonde dans le même sens : «La construction ne peut pas être réduite à un seul et même bloc. Tout ce qui relève du génie civil ou de la construction de bureaux se porte assez bien, c’est uniquement la partie logements neufs qui est à la traîne, et elle ne représente que 15 à 20 % du secteur», précise-t-il.
D’où leur étonnement en recevant une nouvelle missive ce 8 août, en pleine période de congés, le patronat agitant la récente faillite de Cardoso pour justifier l’urgence de l’ouverture d’un dialogue. Là où les syndicats s’étranglent, c’est à la mention d’un potentiel plan social sectoriel : «On a jamais vu ça, et je ne sais même pas si ça a un quelconque fondement juridique», ironise Robert Fornieri, qui y voit surtout une «provocation». Lui qui plaide pour une prochaine rencontre en présence des représentants de l’État, confirme dès à présent que le LCGB «ne s’inscrira pas dans cette logique de plan social».
«Ils visent le recours au chômage partiel»
Selon le secrétaire général adjoint, tous les instruments existants comme le recours à la préretraite, la formation, le prêt de main-d’œuvre ou la reconversion seront examinés dans le cadre d’un plan de maintien dans l’emploi, mais il est clair que le point brûlant des discussions qui s’annoncent réside dans le chômage partiel : «Les employeurs n’y ont pas droit pour le moment, puisque le secteur concerné doit être reconnu par les autorités comme étant en difficulté. Mais en s’épanchant dans la presse, c’est bien ça qu’ils visent», analyse Robert Fornieri. «On doit faire très attention. On ne peut pas ouvrir aussi facilement les portes des mesures sociales.»
Même appel à la prudence chez Jean-Luc De Matteis : «On ne doit pas autoriser le chômage partiel pour les sociétés qui ont suffisamment de travail. En noircissant le tableau, le patronat tente de faire pression sur le gouvernement afin d’obtenir des aides pour les investisseurs et les promoteurs», pointe le secrétaire central de l’OGBL, qui refuse que les salariés soient instrumentalisés. «S’il faut redynamiser le secteur du logement neuf, soutenons plutôt les acheteurs.»
Sauvegarder l’attractivité de la branche
Anticipant la reprise future, les syndicats veulent sauvegarder le personnel de la branche et son attractivité : «À un moment, on aura à nouveau besoin de main-d’œuvre. Or, j’entends déjà des gens qui veulent repartir dans leur pays ou qui en dissuadent d’autres de venir au Luxembourg», s’inquiète Robert Fornieri.
Et s’il se réjouit que la majorité des anciens salariés de Cardoso aient pu retrouver un emploi, il alerte aussi sur le risque de monopole de certains employeurs sur le marché : «On pourrait voir des PME s’effondrer et être ramassées par les poids lourds du secteur.» Les négociations prévues pour septembre s’annoncent épineuses.