Line Olinger, ancienne avocate, vit avec la sclérose en plaques depuis 14 longues années. Après moult traitements, elle a décidé d’en tester un controversé, non pratiqué au Luxembourg.
La sclérose en plaques est une maladie qui touche le système nerveux central, en particulier le cerveau, les nerfs optiques et la moelle épinière. Elle peut se manifester par des symptômes très variables comme l’engourdissement d’un membre, des troubles de la vision, des sensations de décharge électrique ou encore des troubles des mouvements. C’est une maladie qui, pour des raisons encore inconnues, touche majoritairement les femmes. Line Olinger souffre de cette maladie depuis juin 2004. Elle avait 47 ans lorsque la sclérose en plaques a été diagnostiquée.
Comment est survenue la maladie?
Line Olinger : J’étais dans mon jardin lorsque mes premiers symptômes sont apparus. Alors que je me sentais en pleine forme, mon genou a déraillé, et je me suis effondrée au sol. Je me sentais un peu grippée la semaine précédant ma crise, mais je n’étais pas spécialement fatiguée et aucun symptôme visible n’était apparu les années auparavant. C’est plutôt rare car la maladie se déclare la plupart du temps entre 20 et 40 ans. Je ne savais pas encore qu’à ce moment-là, je faisais ce que l’on appelle une « poussée ».
Qu’est-ce que c’est ?
La sclérose en plaques évolue par « poussées », au cours desquelles les symptômes apparaissent ou réapparaissent. Au bout de quelques années, les poussées laissent des séquelles qui peuvent devenir très invalidantes.
Avez-vous consulté un médecin tout de suite après votre chute ?
Absolument pas! Je me suis dit « ça va passer ». Mais en l’espace de dix jours, le phénomène s’est reproduit plusieurs fois et là, je me suis dit que quelque chose clochait. J’étais quasiment paralysée du côté gauche : mon visage, mon bras, ma jambe ne bougeaient plus. J’ai pensé à un AVC ou à un cancer neurologique. Lorsque j’ai enfin consulté un médecin, il a souhaité que j’aille immédiatement à l’hôpital. Nous étions vendredi et j’ai attendu le lundi pour y aller. Je n’aime pas trop les hôpitaux (elle rit). J’exerçais en tant qu’avocate et je pensais ressortir aussitôt lorsque je me suis rendue à l’hôpital. Ils m’ont gardée trois jours pour faire une série d’examens, puis ont posé un diagnostic assez flou…
Que vous ont-il annoncé ?
Que je faisais une « démyélinisation ». Ce terme un peu barbare ne voulait pas dire grand-chose pour moi, puis l’on m’a expliqué qu’il s’agissait de la sclérose en plaques. En fait, la maladie se caractérise par des réactions d’inflammation qui entraînent la destruction de la myéline par le sang, qui s’affole pour on ne sait quelle raison. La myéline est une gaine qui entoure les fibres nerveuses. Elle a pour rôle de les protéger et d’accélérer la transmission des messages nerveux. Elle est considérée comme étrangère au corps chez les personnes atteintes.
Comment avez-vous réagi à l’annonce ?
Ce fut un choc d’apprendre que j’avais une maladie grave, invalidante, et dégénérative.
Et vos proches ?
Ma fille avait 8 ans lorsque je suis tombée malade, et j’ai la chance d’avoir un mari extraordinaire qui me soutient. Malheureusement, ce n’est pas le cas de tous les couples qui vivent la maladie. Et c’est d’autant plus dur pour les jeunes qui sont à un âge où ils doivent construire leur vie personnelle et professionnelle. Pour maman, qui va sur ses 90 ans, c’est difficile aussi. Elle est à un âge où elle a besoin de soin et où je devrais l’aider, mais avec ma maladie, c’est compliqué. Au bureau, ça a été difficile. La sclérose en plaques est une maladie incomprise. Elle entraîne des changements d’humeur. Ce n’est pas tous les jours facile.
Par quoi se traduit-elle, justement ?
À un moment, je n’avais plus le goût des choses. C’est triste de ne plus prendre de plaisir à manger quelque chose. J’ai très peu de forces. Par exemple, le simple geste de tenir quelque chose entre mes doigts est complexe. Lorsque je dois prendre un ticket de parking, je mets du temps et les gens derrière sont en colère. Parfois, je ne sens plus mes membres ou au contraire, je développe une sensibilité accrue au toucher. Je peux hurler de douleur si l’on me touche la jambe. Donc forcément, l’entourage ne comprend pas toujours.
À ce jour, aucun traitement au Luxembourg ne permet d’espérer de retrouver une vie « normale »
Quel type de traitement prenez-vous ?
À ce jour, aucun traitement au Luxembourg ne permet d’espérer de retrouver une vie « normale ». Depuis 14 ans, j’ai enchaîné quatre traitements différents, mais aucun n’a eu de réels effets. J’ai donc décidé de partir à Moscou un mois pour tester un traitement qui n’est pas pratiqué en Europe.
Qu’a-t-il de particulier ?
C’est le neurologue que l’on consulte en Europe pour une sclérose en plaques. En Russie ou à Singapour, où est pratiqué l’intervention que je viens de faire, on consulte un hématologue. C’est donc le sang qui est traité et non le système nerveux. Et ici, les neurologues n’aiment pas entendre parler de cette pratique qui est, reconnaissons-le, dangereuse. Il prive le patient de toute immunité pendant une semaine. Le plus petit microbe peut tuer. J’ai d’ailleurs eu une infection qui a causé des frayeurs à mon mari et ma fille. En fait, j’ai subi une transplantation de cellules souches, comme pour les patients atteint d’une leucémie à la différence qu’on ne transplante pas les plaquettes ni le plasma et que ce sont nos propres cellules souches qui sont prélevées, congelées une semaine, puis transplantées. J’ai aussi eu droit à une chimiothérapie.
J’ai déboursé 50 000 dollars
Combien l’intervention coûte-t-elle ?
J’ai déboursé 50 000 dollars. Ce n’est évidemment pas remboursé. Mais lorsque vous avez tout essayé, vous êtes prêts à tout pour tenter de guérir. C’est pourquoi j’aimerais écrire un ouvrage, le vendre et faire une fondation pour aider ceux qui ne peuvent pas se le permettre. Mais ici aussi, les traitements pour la sclérose en plaques coûtent très chers, la faute au monopole des grands groupes pharmaceutiques… c’est un long débat.
Vous n’avez pas eu peur des conséquences ?
À Moscou, on m’a vendu cette technique comme celle qui marche sur près de 80 % des patients et qui pourrait rendre ma vie plus acceptable. Je n’ai donc pas eu peur, et j’ai foncé contre l’avis des médecins ici… Je ne le regrette pas. Je sens de l’amélioration, je peux lever mon bras alors que je n’y parvenais plus, mais je vous propose que l’on se revoie dans un an, et qui sait, je courrais peut-être à nouveau d’ici là…
Entretien avec Sarah Mélis
Une conférence pour en parler
La conférence «Mieux comprendre le monde des médicaments» sera organisée dimanche à 10 h 30 par l’ASBL Multiple sclérose Lëtzebuerg au MS-Day Center um Bill.
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