Alors qu’il était en prison, un jeune homme avait demandé à sa petite amie de 17 ans de lui envoyer, via Messenger, des photos intimes. Toujours est-il que ces images sont arrivées entre les mains d’autres détenus.
« Je ne sais pas combien de personnes ont vu ces photos ou les ont éventuellement achetées en prison. » L’enquêteur de la police judiciaire service protection de la jeunesse n’a pas réussi à retracer comment les selfies de la petite amie du détenu, jugé jeudi après-midi, ont atterri dans les mains d’autres prisonniers. Mais c’est un fait qu’elles y ont atterri. C’est d’ailleurs de cette manière que l’affaire avait éclaté au grand jour.
Mi-avril 2017, un détenu du centre pénitentiaire de Schrassig avait remis à son chef d’atelier un CD contenant 17 photos érotiques de la jeune fille de 17 ans. Sur certains de ces clichés, ses parties intimes étaient visibles. «Vu l’âge de la fille, ces images sont à considérer comme images pédopornographiques», soulevait jeudi l’enquêteur.
Dès sa première audition, le jeune destinataire de ces photos avait reconnu avoir demandé les images à sa petite amie. C’était entre le printemps 2016 et la fin de cette même année. Mais il avait fermement contesté les avoir montrées ou passées à d’autres détenus à Schrassig.
Déjà condamné pour abus sur mineurs
C’est ce qu’il a répété à la barre de la 9e chambre correctionnelle. À l’époque, son compagnon de cellule lui aurait régulièrement prêté son portable – un portable qu’il s’était procuré illégalement en prison – pour qu’il puisse garder le contact avec sa petite amie. Comme elle lui manquait, il lui aurait demandé des photos intimes d’elle. Des photos qu’elle lui aurait envoyées via l’application Messenger. Il assure toutefois les avoir effacées après les avoir regardées : «Je pensais qu’une fois effacées elles étaient définitivement supprimées.» Tel n’était visiblement pas le cas. La suite, on la connaît.
Ce n’est pas la première fois que le jeune homme, âgé aujourd’hui de 25 ans, se retrouve devant la justice. En juillet 2016, cet ancien entraîneur de football a été condamné à cinq ans de prison – dont trois assortis du sursis probatoire – pour abus sexuels sur mineurs et viol sur sa petite amie. N’ayant alors pas atteint l’âge de 16 ans, elle n’était pas en état de donner un consentement libre.
La défense prie le tribunal de ne pas faire l’amalgame entre les deux affaires. Au début de sa plaidoirie, Me Jean Lutgen a dressé le contexte de la nouvelle affaire : «On a deux jeunes amoureux qui ont eu des rapports sexuels. Voilà pourquoi il y a eu l’échange de photos.» L’avocat estime que le doute doit profiter à l’accusé en ce qui concerne la mise en circulation des images, qui n’a pas été prouvée par l’enquêteur. Pour la détention et la consultation des photos pédopornographiques, il a fini par poser une question préjudicielle concernant la garantie des «droits naturels de la personne humaine et de la famille» : il constate en effet que le législateur autorise les rapports sexuels avec une jeune fille de 17 ans, mais il interdit l’envoi de photos intimes de cette fille avec laquelle il a eu des rapports consentis…
« La plaidoirie de Roméo et Juliette »
Le représentant du parquet est presque sorti de ses gonds : «On a l’impression d’entendre la plaidoirie de Roméo et Juliette séparés par les murs de la prison.» «On nous parle ici de violation des droits constitutionnels. Mais les photos de la petite amie ont fini par circuler dans le bloc rose à Schrassig, renfermant les plus grands délinquants sexuels du Luxembourg», a martelé Laurent Seck. Si le législateur interdit les photos en dessous de 18ans, cela serait une mesure de protection pour les mineurs.
Pour le parquet, la théorie du complot avancée par le prévenu ne tient pas la route. Il est d’avis qu’en diffusant les photos il aurait voulu prouver qu’il n’est pas homosexuel et se faire une nouvelle réputation. «Peu importe si la jeune fille était consentante. De par la loi, elle ne pouvait être consentante pour des photos à caractère pédopornographique», a conclu le premier substitut. Contre le prévenu, qui est «en récidive», il a au final requis trois ans de prison. Et d’insister : «Les photos circuleront sans doute encore pendant 20 ans.»
Prononcé le 24 janvier.
Fabienne Armborst