Le ministre de l’Éducation nationale sera-t-il entendu, et comment, dans le procès SchoolLeaks, qui a repris lundi ? Le tribunal se prononce ce mardi matin.
Le procès des trois enseignantes du lycée classique d’Echternach (LCE) et du mari d’une d’entre elles, poursuivis pour avoir divulgué et révélé les sujets et corrigés des épreuves communes du cycle 4.2 en mars 2015, s’était ouvert fin septembre. À l’époque, l’absence du ministre Claude Meisch avait dominé les débats. Le procès avait fini par être suspendu.
Pour la reprise du procès SchoolLeaks lundi matin, le ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch, était bien présent. Tout comme les sept autres témoins que les avocats à la défense voulaient entendre.
«Il est ici. Qu’il soit entendu, mais pas sous la foi du serment.» Voilà la position du procureur d’État, Jean-Paul Frising, lundi matin. C’est en effet la question de l’audition du ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch, qui a marqué le début de cette troisième audience. D’emblée, le procureur d’État s’est opposé à ce que le ministre soit entendu sous serment. La raison : par le biais du ministre, l’État a déposé la plainte et est représenté comme partie civile. «L’État est à l’initiative de la procédure disciplinaire. Je veux éviter qu’une personne qui fait partie de la procédure soit entendue comme témoin. Cette partie peut avoir un intérêt dans l’issue du procès.» Le parquet a donc proposé d’entendre le ministre à titre de simple renseignement. Or les avocats à la défense des quatre prévenus poursuivis respectivement pour violation du secret professionnel et recel ne partagent pas cette position. Et Me Gaston Vogel d’insister que le témoin soit entendu sous serment. «S’il y a un problème, nous demandons un jugement», a-t-il martelé.
«Pour nous, il était clair qu’il y avait eu une fuite»
Après une courte suspension, la 18e chambre correctionnelle a décidé de réserver l’incident de l’audition du ministre à la fin de l’audience. Cela n’a pas empêché la poursuite des débats avec l’audition de quatre autres témoins cités.
Le premier conseiller de gouvernement du ministère de l’Éducation nationale et de l’Enfance, Lex Folscheid, entendu sous serment, a rapporté quand et comment le ministère a appris la fuite de certaines épreuves auxquelles les élèves du cycle 4.2 de l’enseignement fondamental étaient soumis dans le cadre de leur examen de passage vers l’enseignement secondaire.
Le témoin indique qu’avant le 15 mars 2015 le ministère n’avait aucune information sur une quelconque fuite. C’est le lundi 16 mars, à 20 h, qu’une des actuelles prévenues avait envoyé un courriel à plusieurs personnes du ministère informant que les «épreuves du cycle 4.2 étaient arrivées dans le secondaire et qu’elles étaient publiques». «Or elle ne nous a pas informés que les épreuves avaient été mises à la disposition des parents», précise-t-il. D’autres indices étaient apparus les jours suivants et laissaient penser que les épreuves avaient été scannées et les fichiers partagés sur une plateforme. «Pour nous, il était donc clair qu’il y avait eu une fuite.» Le jeudi, le ministère avait décidé de porter plainte. «L’épicentre de l’affaire se trouvait à l’école Bourglinster et au lycée classique d’Echternach. Mais on ne savait pas l’ampleur de la diffusion», a ajouté Lex Folscheid.
C’est un fait que 2015 est la première année où tous les enseignants du secondaire membres du conseil d’orientation ont reçu les épreuves avant la fin des tests. Les années précédentes, les épreuves avaient seulement été envoyées en amont aux enseignants siégeant dans les conseils qui en faisaient expressément la demande.
Lors de cet envoi groupé en 2015, la mention de la confidentialité des documents n’avait pas été explicitement rappelée. «La confiance dans les enseignants prime chez nous au ministère. Dans des enveloppes fermées, les épreuves ont été adressées aux différents enseignants et déposées dans leurs casiers respectifs», a soulevé le directeur du Script (Service de coordination de la recherche et de l’innovation pédagogiques et technologiques) en fonction jusqu’à fin 2015. Le Script se charge notamment de l’élaboration, de l’impression, puis de l’envoi des épreuves.
Le statisticien du Script, également entendu hier par le tribunal, a confirmé que les années précédentes, les envois étaient effectués uniquement quand les enseignants de lycée le demandaient. «Qui a pris la décision d’envoyer les épreuves aux enseignants du secondaire si tôt?», a creusé le tribunal. «On a reçu les appels des profs au sein du Script. Donc, on a pris la décision, a répondu le témoin. Pour l’année 2014/2015, on s’est dit pourquoi faire parvenir les épreuves seulement à certains enseignants, s’ils y ont tous droit. Donc on les a envoyées à tous.» Le témoin a précisé que la date de réception du 16 mars correspondait pratiquement à la fin des épreuves. «Il n’y avait pas de calendrier des envois», a-t-il remarqué.
«Ils ont reçu les sujets à titre d’information»
À la remarque de la défense que dans le cadre d’autres épreuves, tels les examens de fin d’études secondaires, c’est la direction des différents établissements qui reçoit les sujets et les distribue le moment venu, le témoin a répondu : «Les enseignants les ont seulement reçus à titre d’information. Voilà pourquoi il n’y a pas eu mention de la confidentialité.» À noter qu’entretemps, et même déjà pour les épreuves additionnelles organisées pour les 4 800 élèves en 2015, une série d’adaptations avaient été faites.
Peu avant midi, le tribunal a mis l’incident de l’audition du ministre en délibéré, pour décider si et sous quelles conditions Claude Meisch sera entendu. Il rendra sa décision ce mardi matin, à 9 h, à l’heure où doit se poursuivre le procès.
Fabienne Armborst