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Schengen : drapeau et sentiment européens en berne


À la maison de communale de Schengen, à Remerschen, cette image d'un drapeau hissé fièrement n'est plus d'actualité, tant le bourgmestre estime les valeurs européennes bafouées par les contrôles à la frontière allemande (photo : archives LQ/Fabrizio Pizzolante).

Les communes luxembourgeoises limitrophes de l’Allemagne ont mis en berne les drapeaux européens hissés devant leurs mairies, pour protester contre la décision de Berlin de prolonger la fermeture de la frontière allemande jusqu’au 15 mai afin de lutter contre le coronavirus.

Le maire de Schengen, Michel Gloden, « ne comprend pas » la décision annoncée lundi du ministre de l’Intérieur allemand, Horst Seehofer, de reconduire la fermeture des frontières une semaine de plus, alors que les pays européens lèvent progressivement les restrictions. Le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois, Jean Asselborn, a invité mardi l’Allemagne à renoncer à ces contrôles pour progressivement remettre en vigueur l’accord de Schengen, « l’une des plus grandes réalisations du processus d’intégration européenne ».

Au pied des coteaux recouverts de vignes, après le pont qui enjambe la Moselle, ligne de démarcation entre les deux pays, face au Musée européen fermé pour cause d’épidémie, trois policiers allemands interrogent les conducteurs un à un. « Nous contrôlons jour et nuit tous les véhicules », affirme l’un d’eux. Seuls les travailleurs ou les personnes qui peuvent fournir un « motif légitime » ont droit de passage.

« On a des amis ou de la famille là-bas »

Quelque 48 000 résidents allemands travaillent au Luxembourg en temps normal. Mais la pandémie de Covid-19 en contraint une partie à travailler depuis leur domicile, notamment en vertu d’accords fiscaux signés début avril entre les deux pays. Dans l’une des nombreuses stations-services implantées dans la vallée côté luxembourgeois, une employée constate un recul « effrayant » de l’activité. Peu de véhicules stationnent ce mardi alors qu’on s’y presse normalement pour bénéficier des prix moins élevés des carburants, du tabac et de l’alcool en raison de taxes plus faibles.

« On n’imagine plus les frontières ici depuis des décennies », témoigne Michel Gloden dans son bureau installé dans la petite bourgade de Remerschen, une partie de la commune de Schengen (5 000 habitants), qui a donné son nom à l’espace éponyme de libre circulation des personnes en Europe. « Les gens qui vivent ici souffrent le plus de la situation. On ne va pas seulement faire des courses en Allemagne, on a des amis ou de la famille là-bas », s’énerve le « bourgmestre » (sans étiquette). Il porte au cou un foulard (mesure sanitaire imposée par les autorités luxembourgeoises lors d’échanges en milieu confiné) aux couleurs de l’Union européenne.

25 ans d’espace Schengen : un triste anniversaire

L’édile, élu en 2017, montre au mur une déclaration signée le 9 mai 2019 avec ses onze homologues de la région dite « des trois frontières », aux confins du Luxembourg, de l’Allemagne et de la France. Il regrette que le premier anniversaire de l’événement se déroule dans ce contexte. « Nous allons quand même hisser un drapeau « Keep Schengen Alive » », assure-t-il. Outre les « tracasseries administratives et les embouteillages pour les frontaliers, c’est surtout une question de symbole », maugrée le représentant syndical Jean-Paul Bernardini (OGBL).

Le Luxembourg fête cette année les 25 ans de la création de l’espace Schengen et les 35 ans de la signature de l’accord initial sur la mise en place de la libre circulation entre les six pays fondateurs de l’Union européenne (France, Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg). « Les scientifiques et les médecins arrivent à vaincre les virus, pas les contrôles de police », assène Robert Goebbels, signataire du document en juin 1985 en cette ville-carrefour entre l’Allemagne, la France et le Luxembourg.

L’ancien secrétaire d’Etat luxembourgeois aux affaires étrangères traduit l’exaspération ressentie au Grand-Duché. « C’est bien évidemment un symptôme du manque de solidarité européenne, mais il ne faut pas trop charger l’UE, car elle n’a pas de pouvoir en matière de santé », estime cependant M. Goebbels, à quelques jours de la fête de l’Europe. Le 9 mai, date anniversaire de la déclaration Schuman, texte fondateur de l’Union européenne prononcé par le ministre éponyme (natif de Luxembourg), est férié au Grand-Duché.

LQ/AFP

Un commentaire

  1. La gestion de la crise est désastreuse et les conséquences se feront sentir dans les mois à venir. Si nos états ne se remettent pas en cause, il ne le feront jamais et l’idée d’une Europe unie aura vécue. Je suis sidéré par l’inertie de nos dirigeants…le rétablissement des frontières internes montrent avec quelle virulence les relents nationalistes opèrent. Tant que nous pensons français, allemand, belge Luxembourgeois et non européen, l’idée d’une fédération Européenne est impossible.merci Merkel, Reutte, Macron pour votre manque d’Europe depuis mars .