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Scandale à ArcelorMittal Florange : des milliers de litres d’acide déversés dans la nature


Selon l’intérimaire, les traînées blanches correspondent à l’acide séché qui détruit tout sur son passage. (photo Pierre Heckler / RL)

Des salariés d’ArcelorMittal Florange et un sous-traitant auraient frauduleusement fait disparaître des milliers de litres d’acide non traités sur le crassier de Marspich. Plusieurs personnes dénoncent un scandale environnemental.

Des milliers, voire des millions de litres d’acide déversés sur le crassier de Marspich, à Hayange, au sein du site ArcelorMittal de Florange. La conséquence d’un système frauduleux mis en place par des salariés d’ArcelorMittal et un sous-traitant, Suez RV Osis Industrial Cleaning. C’est en tout cas l’hypothèse qu’étayent plusieurs éléments en notre possession.

Les événements, qui remontent au moins à cet hiver, sont relatés par un intérimaire. A cette époque, il est salarié du sous-traitant basé à Rosselange, qui appartient au groupe Sanest, filiale de Sita – Suez Environnement, spécialiste du transport et du traitement des déchets industriels. L’entreprise est chargée de transporter l’acide servant à décaper l’acier transformé dans l’usine à froid du site de Florange, jusqu’à un centre de recyclage situé à Malancourt-la-Montagne.

L’homme raconte avoir été contraint de déverser quotidiennement, durant trois mois, 24 m³ d’acide sur le crassier. Pour y avoir accès, il s’est livré à un tour de passe-passe : en échange d’une enveloppe remise par son directeur « à tous les responsables qui passaient les BL (bons de livraison) », les bons qui ouvrent les portes du crassier ont été falsifiés. « Les bons de livraison de ce que je devais transporter devaient indiquer « acide usagé classe 4 ou 5 ». Au lieu de ça, eux marquaient « boues de fer » ». Des pots-de-vin, en somme, pour acheter le silence des salariés d’ArcelorMittal.

« J’avais pour consigne de ne pas tout déverser au même endroit pour ne pas défoncer la nature », poursuit-il. Des propos étayés par des vidéos filmées avec son téléphone, qui nous ont été remises. Sur place, nous avons effectivement constaté des traînées blanches sur le versant du crassier. Mais aussi des liquides orangés stagnants et autres mousses jaunes.

« On me disait de la fermer »

« L’enveloppe, c’était des pépettes. Pour que [le sous-traitant] ne paye pas le traitement. Il valait mieux jeter tout au crassier que payer au mètre cube ou à la tonne à Malancourt », avance l’ancien intérimaire.

En temps normal, ArcelorMittal rétribue le sous-traitant pour le traitement d’une partie de ses déchets. Mais, selon lui, ce dernier « se met l’argent dans les fouilles et balance au crassier ». Il poursuit : « On me disait de me la fermer si je voulais garder mon boulot. » Fin février, Maxime finit pourtant par lâcher le morceau en interne. L’histoire s’ébruite. « Ils m’ont éjecté », regrette-t-il.

L’ancien intérimaire n’est pas le seul à dénoncer une pollution à grande échelle. Un promeneur florangeois affirme que l’un de ses chiens serait mort trois semaines après avoir bu du liquide stagnant au pied du crassier. Ce dernier a dénoncé la pollution et posté de nombreuses photos éloquentes sur les réseaux sociaux.

Directement mis en cause par son ancien salarié, celui qui se présente comme le directeur de Suez RV Osis Industrial Cleaning, nie en bloc : « Je ne suis absolument pas au courant de cette affaire. Dès qu’on dépote quelque chose, on a l’autorisation d’Arcelor pour le dépoter. C’est qu’Arcelor juge que le produit en question peut aller sur le crassier. Je n’ai pas de déclaration à faire. »

Pour sa part, la direction d’ArcelorMittal prend le sujet très au sérieux : « Si les faits étaient avérés, il est évident que ce serait extrêmement grave et contraire à toutes les règles en matière de gestion des résidus de production. Ce serait un grave manquement à nos valeurs et à notre code éthique. » Le groupe a lancé une enquête interne en lien avec le sous-traitant et indique vouloir prendre des mesures pour sanctionner les personnes concernées. La direction régionale de l’environnement (Dréal) s’est saisie du dossier.

Damien Golini (Le Républicain lorrain)