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Sans papiers, exploités, menacés


Au Luxembourg, le nombre de victimes de l’exploitation par le travail dépasse celui des victimes de l’exploitation sexuelle, majoritaire dans l’UE.

Peu s’interrogent sur leur sort, alors que souvent, l’exploitation des travailleurs sans papiers saute aux yeux. La CCDH a recueilli des témoignages éloquents.

Les témoignages recueillis par le président de la Commission consultative des droits de l’homme (CCDH) sont un plus dans le rapport sur la traite des êtres humains au Luxembourg qu’il vient de présenter. Les victimes qu’il a entendues viennent toutes de pays tiers et ont été exploitées dans le monde du travail, plus particulièrement dans le secteur de la construction.

Au Luxembourg, le nombre de victimes de l’exploitation par le travail dépasse celui des victimes de l’exploitation sexuelle, contrairement à la majorité des autres États membres de l’Union européenne où l’exploitation sexuelle est prédominante et où la plupart des victimes sont des femmes et des filles. C’est le constat que rappelait Diane Schmitt, la coordinatrice européenne de la lutte contre la traite des êtres humains, il y a un an, lors de sa visite à la Chambre des députés.

Concrètement, le président Gilbert Pregno livre les histoires vécues par différents protagonistes, dont Pédro. Ce père de famille avait trouvé son emploi sur internet, à travers un groupe d’entraide sur les réseaux sociaux, pratique très à la mode.

Sans contrat de travail, il travaillait 12 heures par jour, de 7 h à 19 h, sans se plaindre, satisfait de gagner de l’argent. Jusqu’au jour où son patron arrêta de lui verser un salaire, alors que ses heures ne cessaient d’augmenter. Pédro a été mis à la porte du jour au lendemain sans avoir perçu ses quatre derniers mois de salaires.

Le cas de Carlos, avec ses 1 000 euros de salaire mensuel pour des journées de 15 heures et davantage, n’est pas éloigné du précédent. Il a raconté à la CCDH qu’aucun des clients pour lesquels il effectuait des travaux ne s’est interrogé sur sa situation et ses heures de prestation tardives. Son patron lui avait interdit de parler aux clients, précise l’auteur du rapport.

«Nous voyons ici combien il est important d’organiser des campagnes d’informations qui permettraient au grand public d’être informé sur les nombreux visages que peut prendre la traite, mais aussi pour dissuader et décourager la demande pouvant favoriser toute forme de traite», préconise-t-il dans la foulée.

Carlos attendait d’être régularisé, comme son patron le lui avait promis. Rien n’est venu. La promesse n’a jamais été tenue. Là encore, d’autres protagonistes auraient dû s’apercevoir du problème. Par exemple, le propriétaire de la maison dans laquelle Carlos occupait une chambre insalubre avec trois autres personnes, sans eau, ni électricité, parce que le propriétaire avait tout coupé vu que le patron qui avait loué la maison ne payait pas le loyer.

«Le propriétaire ne pouvait pas ne pas être au courant de ce qui se passait dans sa maison. Mais il n’a rien fait pour dénoncer les faits», observe la CCDH.

Les victimes, non plus, ne dénoncent généralement pas leur patron. Ces étrangers sans papiers n’osent pas franchir le pas. Sauf Carlos, parmi les exceptions, qui a osé se plaindre auprès de son patron en lui demandant d’être payé comme cela lui avait été promis. En vain. À l’inverse, il s’est vu menacé d’avoir de « très sérieux problèmes », en cas de dénonciation.

«Exfiltrés»

Ces rares personnes entendues ont pu être «exfiltrées» par le service d’assistance aux victimes de la traite des êtres humains, InfoTraite. La police judiciaire a pu dès lors les identifier officiellement en tant que victimes de la traite, sans les assurer de pouvoir rester au pays.

«La longueur de la procédure, le caractère provisoire des décisions ministérielles, telles que les autorisations de séjour pour les victimes de la traite ou encore le report à l’éloignement qui n’est que du provisoire, le manque d’informations reçues de la part de la direction de l’Immigration créent une grande insécurité», se plaint la CCDH.

Et le patron? Il n’a jamais fait l’objet d’une arrestation. Son entreprise n’a pas été fermée, contrairement à l’exploitation sexuelle qui entraîne la fermeture d’un cabaret. «L’entreprise a pu, à tout moment, continuer à recruter, via les réseaux sociaux, d’autres personnes qui vont être exploitées à leur tour. Y aura-t-il des suites pénales pour ce patron? Cela n’est pas clair», conclut la CCDH.

En 2021 et 2022, 127 cas de traite d’êtres humains ont été dénombrés au Luxembourg. Les victimes viennent majoritairement d’un pays tiers et contrairement au dernier rapport, il y a cette fois plus de femmes (67) que d’hommes (60) parmi les victimes, dû à la découverte par la police d’un vaste réseau de prostitution forcée en 2021.

Un commentaire

  1. La quedtion qu’il convient de poser c’est, comment est-ce possible dans un pays où tout le monde se connaît. Concrètement dans le cas des travailleurs non-déclarés, que fait l’ITM?