Les taux d’intérêt se sont envolés depuis le début de l’année pour dépasser les 2,5 % alors que la BCE ne change pas ses taux directeurs. Le député Marc Spautz s’en émeut et demande des explications.
Ils signent les contrats à 2,30 %, voire 2, 80 %, de taux d’intérêt pour acheter leur bien immobilier alors que quelques mois plus tôt, ces taux étaient encore souvent sous la barre de 1 %. «On a plus de mal à vendre, surtout les grands appartements», témoignait un promoteur dans nos colonnes, il y a deux semaines. En quinze jours, les taux ont encore grimpé. Le phénomène inquiète le député chrétien-social Marc Spautz, qui s’interroge sur cette flambée des taux alors que la banque centrale européenne maintient ses taux directeurs à un niveau excessivement bas, se situant à -0,5 % pour le taux de dépôt et zéro pour le taux de refinancement.
Dans ces circonstances, alors que le taux d’intérêt d’un emprunt immobilier dans la zone euro est fortement influencé par la politique monétaire de la Banque centrale européenne, comment expliquer cette envolée des taux depuis le début de l’année au Luxembourg où les prix de l’immobilier sont déjà extrêmement élevés ? Et surtout, que compte faire le gouvernement pour aider les ménages qui sont aujourd’hui confrontés à cette hausse des taux d’intérêt, surtout ceux qui ont emprunté à taux variable. Le député pose ainsi une paire de questions à la ministre des Finances et au ministre du Logement.
Après tout, les banques en France pratiquent actuellement un taux proche de 1 % quand le Luxembourg dépasse largement les 2 %. «Ce qui est illogique eu égard à la notation de la France qui est moins bonne que celle du Luxembourg», commente un professionnel du secteur financier. Avec un triple A, le Luxembourg devrait effectivement prêter à un niveau plus bas, mais cela n’est pas le cas. «La France est une anomalie dans la zone euro. Ses taux hypothécaires sont les plus bas, et c’est plutôt ça qui n’est pas normal eu égard à l’inflation», poursuit le banquier.
Si la BCE ne change pas ses taux directeurs, c’est pour protéger les pays les plus endettés de la zone euro, qui risqueraient d’avoir des problèmes de remboursement. Sur les emprunts immobiliers de longue durée, les taux des banques commerciales sont régis par les marchés financiers et ceux-là sont très frileux actuellement, confrontés comme tout le monde à un avenir incertain. Si l’inflation est forte, les taux grimpent et, selon Yann Gadéa, de la plateforme AtHome Finance, «la conséquence est de voir les mensualités augmenter, ce qui limitera les capacités d’emprunt. Pour 800 000 euros empruntés sur 30 ans à un taux fixe, il faudra débourser 155 euros de plus, chaque mois, pour rembourser son prêt», prévenait-il en janvier dernier.
La hausse risque de se poursuivre
L’inflation due aux crises successives entraîne des incertitudes et les investisseurs exigent plus de rendement quand ils prêtent de l’argent. Cela n’explique toujours pas les différences entre la France et le Luxembourg. «Les banques au Luxembourg ne pratiquent le prêt hypothécaire que depuis quelques années seulement, ce n’est pas leur métier de base. Les banques pratiquent surtout le prêt Lombard (la banque prête de l’argent en nantissant une partie des avoirs) pour éviter l’hypothèque», explique le professionnel du secteur financier. Le prêt hypothécaire est une manière pour les banques d’attirer de la clientèle. Les établissements de la place ont d’autres métiers.
Cela étant, les taux d’intérêt pratiqués actuellement répondent à la hausse de l’inflation, diront les banquiers. Mieux vaut simuler tous les deux mois sa capacité d’emprunt pour s’assurer que son projet est toujours réalisable, conseille Yann Gadéa. La grande question est de savoir si les temps sont propices à l’emprunt pour acheter un bien immobilier. Difficile à dire. Mais au train où vont les choses, les taux sont encore bas par rapport à l’inflation et aux conséquences de la guerre en Ukraine qui vont encore détériorer les économies européennes. Sans parler des pertes que certaines banques risquent d’essuyer pour des affaires conclues par le passé avec des partenaires russes.
Les petits emprunteurs vont les sentir passer. Si les banques pratiquent des taux plus élevés encore dans le futur, reste à espérer que cela fera baisser les prix de l’immobilier.