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Sachets de nicotine : la fin du «far west» est actée


Au lieu de prohiber le snus, les partis de la majorité plaident pour une sensibilisation et une prévention renforcées. (photo Adobe Stock)

L’interdiction de la vente des «snus» aux mineurs a été adoptée par une large majorité, jeudi, à la Chambre. Les avis divergent sur la réglementation renforcée sur l’ensemble des produits nicotiniques.

Au bout de deux ans de tractations, le renforcement de la loi antitabac, incluant une règlementation plus stricte sur les produits nicotiniques à la mode (sachets de nicotine ou snus, tabac chauffé, tabac aromatique, etc.) est enfin prêt à entrer en vigueur (lire notre édition de jeudi). Le texte a finalement été adopté par le CSV, le DP, le LSAP et déi Lénk (49 voix). Déi Gréng (4 voix) et le Parti pirate (2 voix) se sont abstenus, tandis que les cinq élus de l’ADR sont les seuls à avoir voté contre.

Pour résumer : les partis de la majorité conservatrice-libérale, ainsi que déi Lénk – «Je me retrouve dans la position bizarre d’être d’accord avec le CSV, et le DP», ironise Marc Baum – jugent suffisante cette réglementation plus stricte, en parallèle à l’interdiction de la vente des snus aux moins de 18 ans. «Cette loi met fin au far west. Il s’agit d’un signal fort», souligne le même Marc Baum.

La ministre de la Santé, Martine Deprez (CSV), et la rapporteure Françoise Kemp (CSV) défendent le choix de ne pas miser sur une «politique prohibitive» pour les consommateurs adultes. «La prévention est primaire. Dans cet ordre d’idées, les campagnes de sensibilisation seront renforcées dans les mois à venir, en concertation avec la CNS et la Fondation Cancer», annonce la ministre.

«Fortement limiter» la quantité maximale de nicotine par sachet à 0,048 gramme est aussi la bonne voie à suivre aux yeux de Carole Hartmann (DP). «Pour nous, la sensibilisation et la prévention sont d’une très grande importance, pour éviter notamment que la consommation de snus soit vue comme anodine. Surtout, les jeunes sous-estiment les risques pour la santé», appuie la députée libérale.

Il est à noter que le Dr Gérard Schockmel, député du DP, a voté en faveur du projet de loi, après s’être abstenu en commission parlementaire.

«Un sachet de nicotine n’est pas un yaourt»

La limitation de la quantité maximale «équivaut à une interdiction» pour Alexandra Schoos (ADR). «Il est naïf de penser que cette réglementation renforcée empêchera les jeunes d’acheter et consommer» ce genre de produits. «La vente reste autorisée dans la plupart des pays de l’UE. Faute d’harmonisation des règles, chacun pourra à tout moment acheter des sachets avec un taux de nicotine beaucoup plus élevé», constate la députée, renvoyant vers les offres en ligne et le marché noir. «La responsabilité individuelle doit à nouveau primer. Il revient à chacun d’assumer ce qu’il consomme», insiste-t-elle.

Le non du Parti pirate repose sur le fait que le texte ne va pas assez loin. «Il s’agit d’une superbe loi pour les mineurs, mais une très mauvaise pour les majeurs. On se cache ici derrière un taux arbitraire, reposant sur la réglementation allemande sur la sécurité alimentaire. Or un sachet de nicotine n’est pas un yaourt. Il aurait fallu avoir le courage de décréter une interdiction généralisée», argumente Sven Clement, selon lequel un scénario de l’absurde pourrait se produire aux frontières : «Jusqu’à présent, les stations-services à Martelange se trouvent du côté luxembourgeois pour vendre des carburants et du tabac à bas prix. Désormais, on verra des automates de vente de snus installés en face, du côté belge.»

Le LSAP rejoint les pirates, tout comme déi gréng, pour revendiquer une interdiction totale des sachets de nicotine. «Une saleté» aux yeux de Mars Di Bartolomeo. «Le gouvernement et l’ADR ont fini par s’incliner devant le lobby du tabac. La majorité fait preuve d’inconséquence. D’un côté, elle plaide pour la protection de la santé, de l’autre, elle refuse d’interdire un produit très nuisible et qui rend accro», s’échauffe l’ancien ministre de la Santé.

En fin de compte, les élus socialistes ont quand même voté en faveur du projet de loi, au contraire de déi gréng. «Il s’agit d’une loi des occasions manquées», introduit Djuna Bernard. «Il nous faut non seulement nous engager pour une génération sans tabac, mais aussi pour une génération sans nicotine. Avec cette loi, les intérêts commerciaux et financiers supplantent l’intérêt supérieur des jeunes», déplore la députée, dénonçant une «hypocrisie» : «On lutte contre le tabac, mais les produits nocifs restent sur le marché.»