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Rwanda : Xavier Bettel dément son veto


À l'occasion d'une visite de travail, le 19 juin 2024, le ministre des Affaires étrangères, Xavier Bettel, a été reçu par Paul Kagame, le président de la République du Rwanda. (photo MAE)

Surprise à la Chambre où le ministre Bettel dément avoir voté contre des sanctions visant le Rwanda. Il a pris son temps pour rectifier le tir, face au tollé déclenché vendredi dernier.

Tout faux ! Depuis le 24 février dernier, date du dernier Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’UE consacré à la situation en République démocratique du Congo, Xavier Bettel est accusé d’avoir posé son veto empêchant des sanctions à l’encontre du Rwanda.

Mardi, devant les députés, il a remis les pendules à l’heure et quelque peu déboussolé ses interlocuteurs. «Je n’ai jamais mis mon veto, car il n’y a pas eu de vote et je ne comprends pas qu’une fausse information puisse déclencher une telle avalanche», déclare le ministre libéral des Affaires étrangères, en annonçant avoir reçu «des menaces directes».

L’incompréhension régnait, mardi, à la Chambre. La députée déi gréng Sam Tanson, auteure d’une motion sur le sujet, se demande pourquoi le ministre a attendu si longtemps avant de rectifier le tir, laissant la communauté congolaise et les cercle des ONG pointer du doigt la position isolée du Luxembourg sur la question des sanctions.

Pourtant, le ministère des Affaires étrangères avait communiqué le jour même de la réunion à Bruxelles que des sanctions contre les responsables du groupe M23 avaient été retenues. Il précisait aussi que Xavier Bettel avait «suggéré d’attendre les résultats des efforts de médiation africains de cette semaine avant de les mettre en œuvre pour éviter que les parties se désengagent de ces pourparlers avant même qu’ils aient lieu».  Le ministre avait rappelé sa position le lendemain à Bruxelles face caméra. Finalement, la réunion qui devait se dérouler à Harare le 28 février a été annulée.

Xavier Bettel n’a eu de cesse de le répéter, mardi face aux députés, qu’il n’a jamais opposé son veto puisqu’il n’y a pas eu de vote. «Pour prendre des sanctions, il faut des noms, des détails précis, ce que nous n’avions pas. Aujourd’hui, nous disposons d’une liste de dix noms qui n’est pas encore rendue publique et il y aura un vote prévu le 17 mars», annonce-t-il. Il ne voit pas en quoi le Luxembourg serait gêné par des sanctions vu que ses échanges économiques avec le Rwanda restent modestes.

N’en demeure pas moins que le Luxembourg a ouvert une ambassade à Kigali en 2024 et que le pays soutient le développement du «Kigali International Finance Centre», qui vise le transfert de compétences et de savoir-faire entre le Luxembourg et le Rwanda dans la formation d’une main-d’œuvre qualifiée, dans le développement de la finance durable, dans la création d’un pipeline de projets bancables et dans la fintech.

«Faire respecter le droit international»

La motion de Sam Tanson, adoptée à l’unanimité, invite le gouvernement à intervenir auprès du gouvernement rwandais en vue d’un retrait des troupes en RD Congo. Pour que ce soit clair, elle invite également le gouvernement à soutenir l’adoption de sanctions européennes ciblées à l’encontre des responsables rwandais des exactions commises en RD Congo et à renforcer l’engagement diplomatique du Luxembourg au sein de l’Union européenne et des Nations unies pour œuvrer à une solution politique garantissant le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RD Congo.

«Ce qui est valable pour l’Ukraine l’est aussi pour le Congo et nous devons œuvrer pour faire respecter le droit international», se félicite Laurent Zeimet (CSV), satisfait des explications de Xavier Bettel. Le socialiste Yves Cruchten estime qu’elles arrivent un peu tard alors que la presse pointe le Luxembourg du doigt depuis vendredi dernier. «Même le Dr Denis Mukwege a posté un texte sur le réseau X indiquant que Xavier Bettel avait bloqué les sanctions européennes contre le Rwanda», informe-t-il en parlant du gynécologue, prix Nobel de la paix en 2018.

Les députés Fred Keup (ADR) et Sven Clement (Parti pirate), se disent, eux aussi, perplexes et David Wagner (déi Lénk), rappelle qu’il avait déposé une motion sur le même sujet qui a été rejetée. Il demandait, entre autres, que le Memorandum of Understanding (MoU), prévoyant le renforcement du partenariat entre le Luxembourg et le Rwanda dans le domaine de la coopération au développement, soit suspendu.

Le 17 mars, les ministres des Affaires étrangères de l’UE passeront au vote des sanctions contre le Rwanda sur la base d’une liste précise, et Xavier Bettel ne s’y opposera certainement pas.