La discrète société Vossloh Cogifer Kihn est la preuve que le secteur de l’industrie a de l’avenir au Luxembourg. Elle construit des aiguillages utilisés partout dans le monde, y compris pour le tram de la capitale !
« Cette semaine, nous avions des visiteurs iraniens. La semaine dernière, c’était un groupe d’Égyptiens qui était en visite. À chaque fois que des personnes viennent nous voir, nous dressons le drapeau de leur nationalité sur le bâtiment. Aujourd’hui, nous en avons plus d’une centaine en stock ! » Philippe Vuylsteke est le directeur du site rumelangeois et le responsable de la filière tram pour tout le groupe Vossloh, géant allemand du ferroviaire qui construit aussi bien des locomotives que des équipements ferroviaires. Présent dans le monde entier, Vossloh emploie 5 000 personnes et son chiffre d’affaires se monte à 1,3 milliard d’euros.
À Rumelange, le site ne paie pas de mine. Pourtant, derrière le siège installé dans une bâtisse XIXe (la société Kihn a été créée en 1893), deux halls produisent des éléments qui seront envoyés dans le monde entier. «En ce moment, nous avons une grosse commande pour les tram de Sydney (Australie), de Casablanca (Maroc) ou de Lusail (Qatar) qui construit le sien en vue de la Coupe du monde de football en 2022», explique le directeur.
Production sur mesure
La spécialité de l’entreprise, leader mondial en la matière, ce sont les «appareils de voies», les aiguillages pour le commun des mortels. «Ce sont les dispositifs qui permettent aux véhicules de changer d’itinéraire et qui permettent aux voies de se croiser», explique Philippe Vuylsteke. Étant donné que chaque projet est unique, tout est fabriqué sur mesure et usiné avec la plus grande précision.
«Puisqu’il s’agit d’une production de sécurité, nous devons nous assurer que la transformation des rails n’a pas influé sur les caractéristiques de l’acier. Chaque rail est ensuite inspecté en magnétoscopie et en ultrasons pour vérifier qu’il ne contient ni fissure ni inclusion», indique-t-il. Les produits qui sortent de Rumelange détiennent d’ailleurs un record : jamais un train n’est passé plus vite sur un embranchement que le TGV qui a filé à 574,8 km/h en 2007 dans la Marne.
Une technologie qui a de l’avenir
Le site rumelangeois produit ces aiguillages qui équipent tant les voies ferrées classiques (notamment celles de la Deutsche Bahn) que les voies de tram. Car ces deux destinations imposent des produits différents. «D’une part, la section des rails n’est pas la même et, d’autre part, le rayon des courbes pour les rails de tram est beaucoup plus grand que celui des trains.»
Et il faut croire que le marché a de l’avenir dans la mesure où Vossloh a investi beaucoup d’argent dernièrement à Rumelange. Une nouvelle presse de 5 000 tonnes vient d’être installée dans un nouveau hall pour un coût qui équivaut «à peu près à la moitié de notre chiffre d’affaires, entre 27 et 28 millions d’euros». Celle-ci permet de chauffer puis déformer les rails pour leur donner la forme adéquate. Le nombre d’employés est lui aussi en augmentation. «Nous avons embauché dix nouvelles personnes cette année (NDLR : sur un total de 150) et nous recruterons encore l’année prochaine.»
Fait remarquable, cette production de pièces de haute technicité s’effectue presque dans le cadre de l’économie circulaire. En effet, les rails viennent le plus souvent de Rodange («une qualité remarquable») ou de Hayange, tandis que les tôles fortes sont acheminées depuis Dillingen, dans la Sarre. Dans le cas du tram de Luxembourg, le cercle est encore plus parfait ! En ce moment, les commandes de Luxtram représentent environ 30% de l’activité.
Erwan Nonet