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Rumelange : à 40 mètres sous terre


Le minerai de fer était acheminé vers les hauts-fourneaux du sud du pays. (photos Alain Rischard)

Active pendant près de cent ans, la mine Walert est un voyage dans les entrailles du Grand-Duché, mais aussi dans le temps. Elle nous rappelle ô combien le travail des mineurs était difficile, dangereux et parfois mortel.

À quelques mètres du musée national des Mines de Rumelange, un train nous attend. À l’intérieur, nous découvrons autour de nous un environnement boisé, presque au milieu de nulle part. Nous voilà à l’entrée de la mine. Le voyage dans les profondeurs de cette contrée luxembourgeoise peut commencer. À la vitesse de ce train conçu spécialement pour les visites guidées, des dizaines de galeries souterraines s’enchaînent et se ressemblent. On s’imagine qu’il y a un siècle, des hommes et parfois des adolescents venaient travailler ici, au péril de leur vie. En moins de dix minutes, nous arrivons au premier arrêt de la mine. À la sortie du train, le contraste de température est saisissant. Nous passons de 20 degrés à seulement neuf degrés dans le souterrain, situé à près de quarante mètres de profondeur.

Dans les premiers temps de la mine, le forage se faisait uniquement à la main.

Dans cette atmosphère froide et humide, nous découvrons la première partie de l’exposition. Elle porte sur le travail des mineurs au XIXe siècle. «L’histoire des mines commence en 1870. À cette époque, le forage était fait à la main. Il n’y avait pas d’électricité. Les mineurs s’éclairaient avec des lampes à huile. Il faut s’imaginer qu’ils arrivaient là tôt le matin quand il faisait noir et rentraient le soir. Ils ne voyaient presque jamais la lumière du jour», explique Claude Brebsom, guide touristique.

Autour de nous, on aperçoit, sur les murs des galeries, des affiches rédigées en allemand et en italien. Celles-ci rappelaient les consignes de sécurité aux mineurs. «Des immigrés de toute l’Europe, des Italiens, des Polonais, des Portugais, des pays de l’Est, sont venus travailler à Rumelange», précise Raffaella Campobasso, chargée de direction au musée national des Mines.

Ces appels à la prudence étaient primordiaux quand on sait qu’au XIXe siècle, les accidents étaient fréquents. Car à l’époque, le toit des galeries était soutenu uniquement par des chandelles en bois de sapin. «On avait choisi cet arbre parce qu’il ne s’écroulait pas aussi rapidement que le chêne. Et aussi parce qu’il faisait beaucoup de bruit. Quand les mineurs entendaient, comme ils le disaient, le bois chanter, c’était une indication qu’un éboulement risquait de se produire», raconte le guide.

Ils ne voyaient presque jamais la lumière du jour

Dans une galerie lointaine, on découvre que, quelques années après l’ouverture de la mine, des chevaux ont été introduits afin de faciliter le travail des mineurs. Souvent, des adolescents étaient engagés pour remplir le rôle de charretier. «Parfois, à cause de la grande pauvreté, ces garçons de 15 ou 16 ans étaient engagés en tant que mineurs. S’ils étaient un peu costauds et faisaient plus que leur âge, cela passait comme ça. Et les autorités ne contrôlaient pas leurs papiers.»

Au XIXe siècle, il n’était pas rare de voir des adolescents travailler dans la mine de Rumelange.

En une seule prise, 130 tonnes de minerai

La visite continue dans les galeries souterraines. Ici, nous faisons quelques bonds dans le temps pour nous trouver au début du XXe siècle. En quelques années, les conditions de travail des mineurs se sont nettement améliorées. Des machines plus performantes font leur apparition, notamment après la Seconde Guerre mondiale.

«Les chandelles de bois ont été remplacées par des appareils plus sophistiqués. Les mineurs chauffeurs travaillent désormais dans des cabines sécurisées. De plus, le toit est sécurisé par des boulons. Un seul peut soutenir entre 14 et 16 tonnes de roches», précise le guide. Grâce au progrès technique, les accidents sont de moins en moins nombreux. «On doit aussi ce progrès aux revendications des mineurs dans les années 1930, qui organisaient des grèves parfois violentes pour améliorer leurs conditions de travail», souligne Claude Brebsom.

Le travail du forage s’améliore, lui aussi, de manière considérable. Exit la période où les mineurs travaillaient à la main, on invente désormais des procédés innovants pour extraire à grande échelle le minerai de fer. «On arrive, grâce à ce processus, à extraire 130 tonnes de minerai en une seule fois. C’est assez incroyable pour l’époque», s’enthousiasme Claude Brebsom. Comme au XIXe siècle, une fois extrait, le minerai de fer est acheminé vers les hauts-fourneaux pour être transformé. «Au départ, Rumelange avait sa propre usine. La mine travaille ensuite avec des usines du Sud, comme à Schifflange ou à Esch-sur-Alzette.»

Le voyage dans les profondeurs du Luxembourg s’achève par la «cathédrale de pierres», comme l’appelaient autrefois les mineurs. Ici, on aperçoit une splendide superposition de minerai de fer. «On a déjà envisagé d’aménager quelque chose ici pour les visiteurs, mais l’Inspection des mines nous a dit que c’était trop dangereux», sourit le guide.

Avant de retourner dans la locomotive du musée, passage obligé devant la statue de Sainte-Barbe, la protectrice des mineurs. Une messe est célébrée tous les ans dans ce lieu. Un moment émouvant qui rappelle les conditions difficiles des mineurs. Certains d’entre eux y ont laissé, malheureusement, leur vie. À Rumelange, 47 personnes ont péri dans ces sombres galeries nocturnes. Au Grand-Duché, ils ont été 1 497.

Après plus de cent ans d’activité, la mine Walert ferme ses portes en 1964. L’importation de minerai de fer de Suède et du Brésil, notamment, a raison de l’exploitation de celle que l’on surnommait la «mine la plus dangereuse du Luxembourg».

12 500 visiteurs en 2023

Après une baisse de la fréquentation pendant la crise sanitaire, le musée national des Mines de Rumelange commence doucement à remonter la pente. En 2023, 12 500 personnes ont visité la mine Walert. «C’est une augmentation évidente. On espère arriver aux attentes prévues, c’est-à-dire au-delà de 12 000 pour cette année, même si le championnat d’Europe de football et les Jeux olympiques ont fait chuter la fréquentation», assure Raffaella Campobasso. Parmi ces visiteurs, on compte surtout des personnes originaires de la Grande Région, mais aussi de bien plus loin. «Nous avons eu beaucoup de touristes américains et chinois cette année», précise la chargée de direction.

Le samedi 7 septembre, le musée national des Mines organisera une journée portes ouvertes de 11 h à 16 h 30. Des visites gratuites et raccourcies du site minier sont prévues.

Un site hautement sécurisé

Pour garantir au mieux la sécurité du site pendant les visites, la mine Walert est contrôlée constamment. «Une fois par an, une firme allemande réalise un contrôle. L’un des membres du musée qui connaît très bien les lieux fait régulièrement le tour avec notre service technique», explique la chargée de direction du musée national des Mines. Malgré tout, si la mine ne se dégrade pas, il n’en va pas de même pour les objets présents sur le site. «C’est à cause de l’humidité. Les machines doivent souvent être restaurées», ajoute Raffaella Campobasso.

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