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«Rucksakbibliothéik» : la mémoire comme bagage 


Un public attentif, hier, au Conservatoire. (photo Fabrizio Pizzolante)

Des lycéens ont présenté leurs travaux sur la Seconde Guerre mondiale et les ont transmis à leurs pairs d’une façon originale.

Il fallait voir l’auditorium du Conservatoire de la Ville de Luxembourg, mercredi matin, dont les sièges étaient principalement occupés par des adolescents. Attentifs et ponctuant chacune des interventions sur scène par des applaudissements nourris, ils étaient là, accompagnés de leurs professeurs, pour présenter leurs œuvres, lors d’une cérémonie empreinte de solennité. L’aboutissement de 18 mois de travail et de recherche. Et 18 mois, à l’âge de 17 ans, c’est parfois une éternité, ou du moins, un laps de temps suffisamment important pour que ce projet de la «Rucksakbibliothéik» marque pour longtemps leur conscience. Ce qui est bien l’un des objectifs affichés par son créateur, le Comité pour la mémoire de la deuxième guerre mondiale (CM2GM).

Intitulée «Fais passer le flambeau – Rucksakbibliothéik vun de Schoulen fir d’Schoulen», l’initiative date de 2017. L’objectif est que les élèves puissent «mieux comprendre et connaître la mémoire des événements de la Seconde Guerre mondiale (…), se lever là où les droits de l’homme sont en danger.» Autrement dit, que les élèves étudient le passé pour éviter qu’une telle tragédie ne se reproduire.

L’originalité du projet réside dans sa mise en forme. Quatre établissements scolaires du pays, du fondamental au secondaire, élaborent des documents sur la Seconde Guerre mondiale qu’ils partagent ensuite dans une «Rucksakbibliothéik» – une valise, plus qu’un sac à dos – à quatre autres écoles.

Mais avant, sur la scène du Conservatoire, entre deux discours d’officiels rappelant l’origine du projet et l’importance du travail de mémoire, les élèves dévoilent leurs travaux. Mercredi, devant leurs pairs, les élèves se sont prêtés à l’exercice : les vidéos montrent  ici  l’extrait d’une pièce de théâtre, là l’image d’un journal écrit en écho à celui tenu par Eva Heyman, jeune déportée, ici encore quelques minutes d’écoute de podcasts enregistrés sur les lieux de mémoire…

«Un projet magnifique»

«On a rencontré monsieur Albert Hansen dont le papa a disparu au camp de Mauthausen ou encore Stéphane Lewandowski qui a 98 ans et qui est un ancien déporté résistant. Leurs témoignages ont beaucoup touché les élèves, tout de suite, et ces derniers ont toujours fait preuve d’enthousiasme et de dynamisme dans toutes les activités qu’on leur a proposées», rapporte Marie-Edith Rappenne, professeur d’histoire-géographie dans l’école Sainte-Sophie.

Une vingtaine de collégiens de cet établissement, vêtus de noir et blanc, entonnent une chanson, qu’ils ont apprise pour l’occasion : Le Chant des marais, le chant de mémoire de tous les déportés. Ils sont émus. La salle aussi.

Felix, 17 ans, élève au Lënster Lycée International School, qui a pris la parole devant l’assemblée pour évoquer ce qu’il en a retiré comme expérience, s’anime : «C’était un projet magnifique. On s’est rendus dans les camps de concentration de Hinzert et d’Auschwitz-Birkenau. C’était plus fort que d’étudier cela dans la salle de classe. Quand on se trouve devant les chaussures (NDLR : des déportés, conservées dans l’une des salles du musée)… C’est vraiment choquant de tout voir», nous dit-il. Et d’appeler de ses vœux un monde «plus libéral, sans antisémitisme, sans discrimination».

Les élèves du fondamental aussi

En plus de ces deux écoles et de celle de commerce et de gestion de Luxembourg, l’école fondamentale Bonnevoie-Gellé a aussi participé au projet. Pendant plus d’un an, les instituteurs ont choisi des lieux de mémoire dans la Ville de Luxembourg. Leurs petits élèves en ont monté une vidéo et dessiné une affiche : «Ils sont très intéressés par la guerre en général et la Seconde Guerre mondiale en particulier», nous explique Lex Braun. «Elle les frappe à cause de sa cruauté, ils s’interrogent sur qui était Hitler, pourquoi il a fait ça… On travaille dans un quartier tellement multiculturel que pour eux c’est la normalité d’être différent.»

Chaque établissement scolaire a déposé l’intégralité de son travail sous forme de QR code, de liens, d’affiches, etc. dans les valises que quatre nouveaux professeurs ouvriront avec leurs propres élèves, avant de se mettre, eux aussi, au travail de mémoire. Le flambeau du souvenir passe ainsi de génération en génération, d’école en école, d’élève en élève.