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Rover luxembourgeois écrasé : «Loin d’être un échec»


Conçu à Luxembourg, le rover Tenacious n’a pas survécu, jeudi, à l’alunissage raté de son atterrisseur, conçu lui aussi par ispace. (Photo : archives lq/hervé montaigu)

Le directeur général de l’Agence spatiale luxembourgeoise revient sur l’alunissage raté du rover Tenacious conçu au Luxembourg. Malgré l’échec, Marc Serres note de nombreux motifs de satisfaction.

Il y a près d’une semaine, jeudi, l’écosystème spatial luxembourgeois était sur son trente et un, prêt à vivre une grande soirée au Kinepolis Kirchberg. Tous réunis afin de célébrer les 20 ans de l’adhésion du Grand-Duché à l’Agence spatiale européenne (ESA), qui fêtait, elle, ses 50 ans d’existence, les acteurs du secteur attendaient surtout la fin de soirée pour assister à l’alunissage du rover luxembourgeois Tenacious.

Développé dans le quartier Gare de la capitale par la filiale européenne de la société japonaise ispace, ce petit robot à quatre roues était en voie de marquer l’histoire spatiale en étant le premier rover européen jamais conçu à se poser sur la Lune, transporté par un atterrisseur développé lui aussi par la société spatiale.

Alors qu’ils devaient être retransmis en direct dans la salle, l’opération d’alunissage et les «premiers pas» du Luxembourg sur la Lune n’ont finalement jamais eu lieu. Le centre de contrôle d’ispace a fait savoir que l’atterrisseur Resilience, qui transportait Tenacious, «n’a pas pu décélérer suffisamment pour atteindre la vitesse requise pour l’alunissage prévu», ce qui laissait supposer que «l’atterrisseur (avait) probablement effectué un atterrissage brutal sur la surface lunaire».

«Ce sont de bonnes fondations»

Le rover luxembourgeois n’a donc pas eu le temps de prouver son efficacité sur le sol lunaire. Une semaine plus tard, «évidemment qu’il y a encore de la frustration, puisque le rover développé au Luxembourg ne pourra pas être utilisé», confie Marc Serres, le directeur général de l’Agence spatiale luxembourgeoise (Luxembourg Space Agency, LSA). Pour autant, ce dernier refuse le terme d’échec. «Je dirais qu’il faut relativiser. Pour nous, c’est loin d’être un échec», assure-t-il.

D’une part, l’alunissage raté «n’enlève rien au mérite de l’entreprise ispace, puisqu’elle a quand même développé tout cela depuis le Luxembourg». La tête de proue du domaine spatial au Grand-Duché préfère mettre la lumière sur le savoir-faire, l’expérience et les enseignements apportés par la conception de Tenacious, qui a mobilisé les 40 employés d’ispace Europe. «Ce que cette start-up au Luxembourg a réussi à faire, c’est remarquable. Ce sont de bonnes fondations pour faire des choses par la suite.»

Dans la foulée du crash, la société mère du rover a, elle aussi, insisté sur l’avenir en annonçant que de nouvelles missions lunaires (missions 3 et 4, M3 et M4) étaient déjà en préparation, avec un temps de trajet plus court et un engin capable de transporter plus de charge utile. La mission 3 devrait d’ailleurs être conduite par la NASA et «le rover sera aussi développé et produit au Luxembourg».

Le Luxembourg en pionnier

L’autre motif de satisfaction de la mission 2 à laquelle a participé Tenacious réside dans son impact sur la législation mondiale. Dans le cahier des charges du rover se trouvait notamment la collecte de régolithe (poussière lunaire), qui devait par la suite être vendue à la NASA à des fins d’étude. Ce processus «aurait dû être la première transaction commerciale de ressources spatiales», explique Marc Serres.

Afin de permettre cela, le Luxembourg s’est illustré sur la scène internationale en étant le deuxième pays, derrière les États-Unis, à offrir un cadre légal aux entreprises qui souhaitent exploiter les ressources spatiales. L’autorisation de la collecte de régolithe par le rover luxembourgeois constituait la première utilisation de la «loi nationale dédiée aux ressources spatiales», se félicite le directeur général de la LSA.

«Cette première étape avec la loi nationale est un message, je dirais, politique. La deuxième étape, c’est vraiment de commencer à travailler sur les principes dans le cadre international des Nations unies», poursuit-il. Malgré l’échec pratique de la mission, la LSA aura donc apporté sa pierre à l’édifice et elle ne compte pas s’arrêter là. D’autres événements majeurs impliquant le Grand-Duché pourraient se dérouler dans les années à venir, l’écosystème national comprenant des entreprises «pas encore aussi avancées qu’ispace». «Mais on y reviendra certainement dans un ou deux ans», annonce Marc Serres.

Pour Marc Serres, il faut retenir de la mission de Tenacious les avancées législatives et l’expérience acquise par ispace au Luxembourg. Photo : archives lq/julien garroy