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[Roud Léiwen] Luc Holtz : «J’aide à la maison, je fais le ménage…»


«Je vis pour le foot donc pour moi, le plus dur, c’est d’être assis à une table avec mes enfants et des devoirs que d’être avec mes joueurs sur un terrain !», avoue Luc Holtz. (Photo : AFP)

Au lieu de préparer Chypre et le Monténégro, Luc Holtz nous a accordé une interview depuis son salon. Sa sélection risque de ne pas jouer pendant plus de neuf mois à cause du Covid-19.

Ce week-end, Luc Holtz aurait dû être en train de réunir son groupe pour la première fois depuis le 17 novembre et la réception du Portugal. Au lieu de ça, il a aidé aux devoirs de ses enfants et fait un footing en solitaire dans les bois aux alentours de Bissen. Entretien avec un homme en manque mais qui va tenter de tirer du positif de cette malheureuse expérience du confinement.

Coronavirus oblige, les joueurs de football en sont réduits à tenter de garder la forme du mieux qu’ils peuvent, chacun dans leur coin. Et un entraîneur, ça fait quoi ?
Luc Holtz : (Il sourit) Eh bien d’abord, il s’en tient aux exigences du moment en matière de confinement. J’aide à la maison, je fais le ménage et puis les enfants ont du boulot, ce n’est pas les vacances alors j’aide avec les devoirs. Et puis je m’entretiens physiquement moi aussi. C’est pour le mental. Je le fais même quand on est en stage avec la sélection. C’est très bon pour le psychologique, ça rafraîchit les idées, ça permet de rester bien dans son cerveau. Là, je viens de faire un footing de 10 kilomètres. Du moment qu’on est tout seul, c’est encore permis. Je suis descendu de Bissen jusqu’au bois. Les policiers contrôlaient, mais je n’allais pas faire un barbecue. Je suis seul, je ne peux contaminer personne, personne ne peut me contaminer.

Vous devriez être en train, aujourd’hui, de vous préparer à rejoindre Lipperscheid pour le stage de la sélection nationale avant de partir pour Chypre puis le Monténégro. Quel est le plus compliqué : s’occuper de 23 adultes sur un terrain ou faire les devoirs avec les enfants ?
(Il rit) Je vis pour le foot donc pour moi, le plus dur, c’est d’être assis à une table avec mes enfants et des devoirs que d’être avec mes joueurs sur un terrain ! Mais bon, les deux situations font naître des soucis et du plaisir. Ma femme est prof alors des fois, je la laisse faire !

Vous ne pensez absolument pas au football actuellement ?
Ah il est actuellement assez loin, je dois dire. Cela ne m’empêche pas d’envoyer des messages à mes joueurs, aux gens de mon staff, de me renseigner sur la situation de chacun. J’envoie surtout des messages de soutien à tout le staff médical de la sélection parce que eux, ils sont en plein dedans !

Vous n’avez pas besoin de repasser derrière les entraîneurs de clubs, de harceler les joueurs pour vous assurer que le programme physique est strictement respecté ?
Mon devoir, aujourd’hui, il est uniquement psychologique. Je ne fais que me renseigner, les soutenir mentalement en leur apportant la patience qu’il faut. Ils sont presque tous dans des clubs pros désormais, ils ont tous reçu un programme spécifique construit par un club. Cette situation, c’est peut-être un mal pour un bien car tout le monde, dans son coin, va se poser certaines questions, retrouver certaines valeurs. Cela fait une semaine maintenant qu’on est enfermés, dans pouvoir faire le sport qu’on aime. Chaque joueur, déjà, n’attend sûrement plus qu’une chose : remonter sur un terrain. Moi en tout cas, qui me réjouissais de retrouver mes garçons en cette fin mars, je ne pense déjà qu’à ça.

Comment vont-ils, tous, psychologiquement ?
Ils sont presque tous restés dans leur environnement de club. C’est un moment où ils vont se poser la question : qu’est-ce que je peux faire différemment, mieux, pour aller encore plus loin? Il y a plein de choses qui émergent dans ce contexte particulier, comme le cybertraining par exemple.

Certains (Tim Hall, Marvin Martins, Olivier Thill, Gerson Rodrigues) ont dû continuer à jouer jusqu’au week-end dernier. Comment l’avez-vous pris ?
Ceux-là, je les ai eus justement pour prendre des renseignements sur l’état sanitaire. Olivier m’a confirmé qu’en Russie, il n’y avait pas beaucoup de cas positifs – après, est-ce que ce sont des chiffres réels ? – et que si on avait joué nos matches amicaux contre Chypre et le Monténégro, il aurait pu sortir du pays. Même chose pour Marvin et Tim. Mais quand ils auraient dû repartir, là, ils auraient subi une vraie quarantaine. Pareil pour Maxime Chanot d’ailleurs. En entendant ces informations, j’ai vite su qu’il ne serait de toute façon pas possible d’organiser quoi que ce soit en mars. On ne peut exiger ce genre de sacrifice ni des joueurs ni de leurs clubs.

Toute cette intensité de courses, de duels, acquise dans des championnats de très haut niveau, va être perdue

Vous n’avez plus eu vos joueurs sous la main depuis quatre mois. Vous les reverrez au mieux en juin ce qui est très très loin d’être certain. Les Roud Léiwen pourraient, plus certainement, ne pas jouer le moindre match pendant plus de neuf mois…
Ça m’angoisse. D’un point de vue collectif, je suis persuadé que vu les situations individuelles de tous les sélectionnés, qui se sont presque tous créé des situations de titulaires dans leurs clubs respectifs, nous aurions été dans un très bonne dynamique. On en aurait vraiment profité. Mais là, on va repartir pour je ne sais combien de mois sans match et toute cette intensité de courses, de duels, acquise dans des championnats de très haut niveau, va être perdue. Et il faudra peut-être du temps pour la retrouver.

Avez-vous ne serait-ce qu’un infime espoir de disputer un match au mois de juin ?
J’espère de tout cœur, mais c’est impossible à dire. Mes pensées actuelles ne vont pas là de toute façon. Mais tout le monde va devoir s’adapter. Pourrait-on commencer la Nations League, en septembre, sans s’être revu? Je ne crains rien, je m’y fais, comme les hommes politiques, comme les fédérations, comme les dirigeants, comme les joueurs. Oui, je préférerais les revoir avant septembre mais si ce n’est pas le cas, je m’adapterai.

Paul Philipp a déjà dit que le championnat serait la priorité absolue jusqu’au début de l’été.
S’il faut jouer tous les trois jours et finir en six semaines et qu’il y a la volonté de tout le monde, on le fera.

Avez-vous votre avis sur les solutions à mettre en œuvre ?
Non, parce que ça ne me concerne pas.

Olivier (Thill) m’a confirmé qu’en Russie, il n’y avait pas beaucoup de cas positifs – après, est-ce que ce sont des chiffres réels ?

Cela ne vous empêche pas d’avoir un avis.
Quand j’entends, en France, les propositions de Jean-Michel Aulas (NDLR : le président de Lyon, qui souhaite qu’on annule la saison et que les clubs qualifiés en Coupe d’Europe la saison passée le redeviennent, ce qui ferait bien ses affaires), je me dis que si chacun fait un effort, il parviendra à trouver sa propre solution qui arrange bien son club. Mais personne n’a de bonne solution pour finir ce championnat. La seule qui vaille, c’est de le finir sur le terrain. C’est la plus fair-play. N’importe quelle autre décision fera des heureux et des malheureux. Si on ne peut pas finir, tout le monde devra alors garder une ouverture d’esprit maximale, parce qu’il y aura forcément des déçus. Et je n’aimerais pas être dans la peau de celui qui devra trancher.

Si on finit par arrêter cette saison devant l’incapacité de la finir, demanderez-vous à jouer en juin ou cela ne présenterait-il aucun intérêt vu l’état dans lequel vous récupèreriez vos joueurs ?
Ouh, il y a beaucoup d’hypothèses dans cette question. Pour le moment, la FLF a pris la bonne décision de suspendre. S’il y a la position de finir, on fera en fonction de…

Le football est à l’arrêt. Pas tout ce qui gravite autour. Ralph Schon est annoncé avec beaucoup d’insistance à Wiltz la saison prochaine. Et si le club nordiste ne remontait pas et que votre gardien n° 2 se retrouvait en PH, qu’en diriez-vous ?
En tant que sélectionneur, tu préfères toujours que ton joueur évolue le plus haut possible mais pour un gardien, la situation est moins grave que pour un joueur de champ. On en a discuté, lui et moi. Parce qu’on juge très différemment : vaut-il mieux qu’il évolue dans un club qui joue le maintien en DN et qu’il ait quinze arrêts à effectuer par match, ou qu’il joue la montée en PH avec une seule parade à sortir ? Non, s’il descend en PH, ce ne serait pas un drame pour lui, du moment qu’il fait bien son travail hebdomadaire.

À quel point la polémique autour de Gerson Rodrigues, absolument décisif mais chahuté par ses propres supporters d’Ankaragücü avant que la Turquie ne décrète la mise en sommeil du championnat de Süper Lig, vous agace-t-elle ?
Je ne trouve pas ça opportun de discuter des critiques de soi-disant fans qui se lâchent dans les réseaux sociaux et de l’étaler comme ça. Moi, j’ai été en Turquie pour le voir jouer et je peux vous garantir qu’il a été accueilli comme un héros par les ultras situés derrière le but. Ils ont même scandé son nom. Mais sur les réseaux, on trouve aussi du racisme, de la discrimination, donc il faut se méfier. Alors oui, ils peuvent se mettre après lui sur un ou deux matches mais moi je préfère une analyse objective et sur quatre des cinq derniers matches, c’est lui qui a obtenu le meilleur index de tous les joueurs de son équipe. Bien sûr qu’il a du déchet et j’en prends note mais sur cinq ballons qu’il touche dans les trente derniers mètres, il y a danger sur quatre. Vu l’intensité qu’il met dans ses courses et dans ses passes, c’est normal qu’il y ait parfois des pertes de balle, mais dès que ça réussit, avec lui, c’est danger immédiat. Vous l’aviez souligné : il est impliqué dans 85 % des buts de son club depuis son arrivée. Ce n’est pas rien !

Nos confrères du Tageblatt indiquaient récemment qu’un ancien pensionnaire du CFN, Mirza Mustafic, passé par Metz puis Mönchengladbach, aujourd’hui à Elversberg, se sentait enfin prêt à jouer pour les Roud Léiwen. Intéressé ?
Il a un peu disparu de la circulation. J’avais entendu son intérêt depuis un certain moment mais je le répète, il y a des gamins qui font le choix d’attendre dans l’espoir de jouer pour une autre sélection (NDLR : la Bosnie dans le cas de Mustafic). Il n’est ni le premier ni le dernier à faire ce mauvais choix. Pendant qu’il restait à la maison, d’autres que lui prenaient de l’expérience, se développaient par rapport aux exigences du très haut niveau. Il fait partie de ceux, donc, qui n’ont pas toujours fait les bons choix et c’est pour ça qu’aujourd’hui, il est à Elversberg et pas ailleurs. Aujourd’hui, nous avons un groupe de bonne qualité et il n’est pas évident de postuler quand on est au quatrième échelon allemand et que devant vous il y a Olivier Thill qui joue en D1 russe, Leo Barreiro qui joue en D1 allemande, Chris Philipps qui joue en D2 belge, « Kiki » Martins qui joue en D1 suisse. Donc…

Entretien avec Julien Mollereau