Alpha n’a pas voulu tuer Chrisolite. Le tribunal ne peut que retenir les coups et blessures volontaires, selon Me Stroesser qui accuse un témoin de petits arrangements avec la vérité.
Le 16 mars 2022, en fin d’après-midi, un apprenti coiffeur de 23 ans a été attaqué à coups de bonbonne de gaz hilarant dans le salon de coiffure dans lequel il travaillait à Esch-sur-Alzette. Les faits sentent le règlement de comptes entre bandes rivales. Alpha, un des deux auteurs de l’agression – l’autre reste non identifié à ce jour –, avait déjà eu maille à partir avec des amis de sa victime présumée. Le jeune homme de 21 ans les soupçonne notamment d’avoir endommagé sa voiture trois ans auparavant. Un sourire narquois et un geste brusque de Chrisolite alors qu’il les précédait hors du commerce auraient incité Alpha à passer à l’acte.
Les charges de tentative d’assassinat, de tentative de meurtre et de coups et blessures volontaires ont été retenues contre lui. Le jeune homme rejette avoir eu l’intention de tuer l’apprenti coiffeur. Chrisolite a, entre autres, subi un grave traumatisme crânien et une fracture de l’os temporal droit. La 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg a toutefois eu du mal à comprendre pourquoi il a emporté une bonbonne pesant 1,4 kilogramme s’il voulait, comme il le prétend, uniquement obtenir de Chrisolite des informations sur les auteurs des dégradations sur sa voiture. La présidente ne croit pas davantage à l’excuse du geste brusque. «La blessure à l’arrière de la tête n’est pas compatible avec un geste brusque.»
En fin d’audience mardi, la victime et la fille de la patronne du salon de coiffure ont annoncé avoir reçu des menaces de la part d’Alpha avant les faits, ainsi que le lendemain. La capture d’écran fournie par Chrisolite à son avocat n’est cependant pas datée et son auteur n’est pas identifiable. «Tu es mort. Tu vas voir ce que ta famille, tes cousines, tantes et mères, va subir si tu ne retires pas ta plainte», a lu l’homme de loi hier après-midi avant de réclamer 38 000 euros de dommages et intérêts ainsi qu’une expertise médicale pour déterminer l’étendue des séquelles dont soufre son client. Il souffre, dit-il, régulièrement de grosses crises de migraine qui «l’empêchent de vivre normalement» et «de suivre une formation».
«Une peine hors sol»
Les explications d’Alpha ne passent pas. «Le prévenu a pris la décision de se venger à chaud», a estimé la représentante du parquet qui a demandé au tribunal de ne pas retenir la préméditation. «Cette réaction va de pair avec la personnalité du prévenu qui a reconnu son impulsivité.» Elle retient une tentative de meurtre et réclame une peine de 14 ans de réclusion à son encontre. Une peine juste au-dessus du minimum légal, malgré les nombreuses circonstances aggravantes relevées comme notamment «le comportement violent et disproportionné par rapport à la situation» du prévenu, sa précédente condamnation pour extorsion et vol à l’aide de violence ou son refus de coopérer avec la police pour identifier son coauteur. «La victime doit vivre avec la peur qu’un de ses agresseurs court toujours.»
Un réquisitoire démonté par Me Stroesser, l’avocat du prévenu, de même que les témoignages livrés à l’audience, les demandes de la partie civile et le message de menace produit à l’audience d’hier. «A priori, une bonbonne de gaz est rarement utilisée en tant qu’arme létale. En 30 ans de métier, je n’avais jamais vu cela. Mon client aurait pu acheter un couteau dans un magasin. C’est plus utile pour ôter la vie à quelqu’un», note l’avocat avant de relever «des divergences entre les différents témoignages entre eux et les conclusions de l’expertise médical» qui ne retient qu’un seul coup porté la victime. Coup après l’administration duquel les jours de la victime n’auraient pas été en danger.
En aucun cas, le tribunal ne devrait par conséquent retenir l’intention de donner la mort dans le chef de son client, mais plutôt les coups et blessures volontaires avec incapacité de travail et prononcer une peine moins «hors sol» que la peine requise. La chambre criminelle doit également écarter «les soi-disant menaces qui me font sourire». « Heureusement qu’on exige des preuves un peu plus concrètes en matière pénale. Il fallait oser produire un tel document en audience», critique Me Stroesser égratignant la partie civile dont il trouve les demandes exagérées.
Le prononcé est fixé au 8 février.