Alors qu’un cinquième de la population luxembourgeoise est susceptible de tomber dans la pauvreté, beaucoup des personnes concernées ne réclament pas les aides auxquelles elles ont droit. La faute à un manque d’information et à des démarches souvent trop complexes.
Allocation de vie chère (AVC), prime énergie, subvention de loyer, avance et recouvrement de la pension alimentaire (PALIM), crédit d’impôt monoparental (CIM), subvention pour ménage à faible revenu (SMFR)… les aides financières sont nombreuses au Grand-Duché. Pourtant, le risque de pauvreté n’y a jamais été aussi grand.
D’après une étude du Statec, il a augmenté de 1,5 point entre 2022 et 2023 pour atteindre les 18,8 %. Près d’un résident sur cinq pourrait donc tomber dans la pauvreté.
Un constat alarmant confirmé par les chiffres de la Chambre des salariés (CSL) qui a récemment rappelé que le Luxembourg était, encore et toujours, le pays européen comptant le plus de travailleurs pauvres. «En 2022, ce sont 12,4 % des salariés de 16 à 64 ans qui sont exposés au risque de pauvreté, contre 6,7 % en moyenne dans l’union monétaire», note la CSL.
Des temps d’attente trop longs
Bien conscient de la situation, le gouvernement souhaite réduire ce risque à un sixième de la population d’ici 2030 mais va devoir pour cela relever de nombreux défis. La dernière étude qualitative d’improof.lu montre en effet que malgré un large panel d’aides à disposition, beaucoup de personnes ne les demandent pas, souvent par manque d’information. On relève ainsi un taux de non-recours de 40 % pour l’AVC et de 80 % pour la subvention de loyer. «Pour les autres subventions, aucune information quantitative n’est disponible», note improof.lu.
La méconnaissance de l’existence de ces aides est l’une des premières raisons de cette demande si faible. Malgré les efforts de simplification et d’information des administrations luxembourgeoises, certaines d’entre elles restent méconnues du public. Si beaucoup connaissent l’AVC, la subvention de loyer, la PALIM ou le CIM ne bénéficient pas de la même notoriété.
Mais le manque d’accès aux aides ne s’arrête pas là. «Connaître leur existence est une condition nécessaire mais non suffisante du recours», rappelle improof.lu. Encore faut-il que la documentation et les démarches à réaliser soient compréhensibles pour ne pas décourager les demandeurs. Le temps d’attente pour obtenir une réponse et la lourdeur des renouvellements, souvent trop réguliers, sont également un frein.
Un «coût psychologique important»
D’autres raisons, allant au-delà des démarches en elles-mêmes, sont invoquées par les sondés. Chez certains, le demande d’aide peut engendrer un sentiment de honte, notamment quand elle s’accompagne d’un passage par l’office social. Ce «coût psychologique important» est parfois accentué par la manière dont les administrations répondent aux personnes qui peuvent se sentir blessées. C’est particulièrement vrai lors des refus, surtout quand aucun recours n’est possible ou que celui-ci s’avère trop compliqué. Un sentiment «d’injustice voire un rejet du système d’aide dans sa globalité» a parfois été observé.
Enfin, l’élaboration des textes législatifs peut fournir une réponse à la multiplication de ces non-recours. «Ceux-ci peuvent en effet exclure, de manière volontaire ou involontaire, certains groupes de personnes en situation de précarité et ainsi diminuer l’efficacité des dispositifs d’aide», analyse improof.lu.
Bien qu’en situation précaire, certaines personnes peuvent être exclues par les critères d’éligibilité comme les étudiants qui n’ont pas accès à la plupart des dispositifs. Certaines, comme la PALIM, ont même des critères tellement restrictifs qu’il est presque impossible d’en bénéficier, affirme improof.lu qui constate un «décalage entre la réalité administrative et la réalité vécue par les participants».
Continuer la simplification des démarches
Pour lutter contre ces obstacles, improof.lu a lancé une série de réflexions afin d’apporter des réponses. La complexité de certaines procédures est au cœur de nombreux problèmes. Il faudrait donc, entre autres, automatiser au maximum les démarches, simplifier les renouvellements, mettre en place un guichet unique, réduire les délais de traitement ou encore assurer une meilleure accessibilité des administrations (physique et téléphonique).
Ces dernières pourraient aussi identifier les pratiques stigmatisantes, notamment en veillant au langage utilisé dans leur réponse ou étudier les taux de refus ainsi que leurs raisons. Une réorganisation qui demanderait évidemment de les doter de plus de ressources humaines et matérielles.
Les politiques ont également un rôle à jouer par exemple en revoyant les seuils de revenu et les conditions d’éligibilité, en simplifiant l’accès aux épiceries sociales ou en assurant la promotion des aides sociales et leur recours. Improof.lu appelle aussi à faire attention à la crainte de la fraude.
Si celle-ci doit être combattue, cela ne doit pas conduire à des conditions trop restrictives ou contraignantes des aides. Sous peine de porter préjudice à ceux qui en ont vraiment besoin.