Militante de longue date en faveur des réfugiés, Marianne Donven, 58 ans, démissionne des fonctions qu’elle occupait auprès de l’État pour protester contre la politique d’immigration.
Les cas d’expulsion des demandeurs déboutés qui occupent encore les foyers de l’Office national de l’accueil (ONA) sont rapportés trop régulièrement et la presse est souvent alertée quand ils se produisent. Ce fut encore le cas, hier, concernant une maman et ses deux enfants scolarisés depuis 2020 au Luxembourg, et menacés d’être ramenés dans leur pays d’origine.
Il reste cependant une chance de pouvoir garder cette famille au Grand-Duché grâce au CDI que la maman a décroché. Elle devra quand même trouver un logement et sortir des structures de l’ONA qui n’arrive plus à accueillir les nouveaux demandeurs de protection internationale.
Ces situations, et bien d’autres encore, Marianne Donven les vit depuis qu’elle s’est lancée à corps perdu dans la cause humanitaire et en particulier l’aide aux réfugiés. Au service du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération depuis 2005 et son premier poste de «coordinatrice tsunami», elle dispose depuis 10 ans d’un congé sans solde. Aujourd’hui, elle renonce à son poste d’employée de l’État, «révoltée» par la politique du gouvernement en matière d’immigration.
Un discours de plus en plus sécuritaire
Dans un premier courrier adressé au vice-Premier ministre, Xavier Bettel, elle dénonce les «délais interminables de réponse, en matière de régularisation des apprentis et de regroupement familial» et les nombreuses expulsions des foyers de l’ONA «touchant de jeunes apprentis, des femmes, des enfants et des bébés en plein hiver».
Elle ne peut plus travailler pour un gouvernement qui semble avoir opté pour une «approche inhumaine et sans pitié à l’égard des plus vulnérables qui va à l’encontre de la sauvegarde de la dignité humaine», écrit-elle au ministre des Affaires étrangères. Elle ne peut plus servir au sein d’une fonction publique «dont les valeurs ne correspondent plus aux miennes», conclut-elle.
Dans un second courrier, adressé cette fois à Léon Gloden, elle annonce démissionner de sa fonction de membre du conseil supérieur de la sécurité civile. Elle reproche au ministre de l’Intérieur un discours de plus en plus sécuritaire, illustré par l’interdiction de mendier et une politique générale qui consiste à faire traîner en longueur les demandes d’asile des réfugiés et à les expulser des foyers sans autre perspective que celle de se diriger vers la maison du retour, avant d’être ramenés dans leur pays d’origine, comme le rappelle le ministre de la Famille, Max Hahn, auprès de nos confrères du Tageblatt.
Personne au bout du fil
Fondatrice de l’initiative «Open home», destinée à accueillir des réfugiés chez des particuliers, Marianne Donven en héberge régulièrement chez elle. Collaboratrice de la Croix-Rouge luxembourgeoise, elle est à l’origine de la création de Hariko, un lieu d’échange, de partage et de création entre artistes et jeunes de 12 à 26 ans. Elle y a associé tout naturellement les réfugiés.
En 2018, Hariko a dû quitter Bonnevoie et s’est installé à Esch-sur-Alzette et à Ettelbruck.
Marianne Donven, très engagée pour le droit au travail des réfugiés, dirige depuis 2017 la chaîne de restaurants «Chiche!» qui emploie exclusivement des réfugiés. Elle avait repéré, parmi eux, des talents en matière de gastronomie.
Sa lutte pour l’intégration des réfugiés se heurte aujourd’hui à une politique plus rude en matière d’immigration; «Ces derniers temps, c’est de plus en plus difficile pour moi», admet-elle à l’adresse du Tageblatt. Elle se plaint de ne plus parvenir à joindre quelqu’un dans les services de l’État en charge de l’immigration et la semaine dernière, elle s’est mise en colère après qu’une jeune mère de deux enfants en bas âge a été jetée à la rue par l’ONA.
Au moins cinq apprentis qui se rendaient chaque jour à l’école et chez leur employeur ne savaient plus où dormir.
En publiant sur les réseaux sociaux une copie de ses lettres de démission, Marianne Donven cherche à crier sa révolte et espère, comme à son habitude, faire bouger les lignes.