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Retraites : pour partir plus tôt, il faudra travailler plus longtemps


La ministre de la Sécurité sociale, Martine Deprez, s’est présentée hier devant les députés pour livrer de plus amples explications sur sa réforme des pensions. (Photo : Julien Garroy)

La ministre Martine Deprez a dévoilé, mercredi, les contours de la réforme des pensions. Seuls les salariés qui veulent partir dès leurs 60 ans à la retraite sont concernés par la prolongation de carrière.

Les chiffres sont connus. Sans ajustements, le régime d’assurance pension serait en déficit dès 2026. La réserve tomberait sous le seuil légal (équivalant à 1,5 fois les prestations annuelles) en 2038. Et la réserve serait complètement épuisée en 2044.

Afin d’éviter ce fameux «mur des pensions», le gouvernement a mis sur la table – sans accord global avec les partenaires sociaux – un projet de réforme reposant sur deux axes majeurs : rapprochement de l’âge de départ réel (60 ans) de celui de départ légal (qui reste fixé à 65 ans), et augmentation du taux de cotisation de 24 % à 25,5 %. Ces mesures permettraient de stabiliser la situation financière jusqu’à 2042, avant un épuisement prévisionnel des réserves en 2050.

«On gagne les 15 années de marge financière que l’on visait. Ce sera l’occasion de se pencher sur les autres mesures proposées dans le cadre du processus de consultation», affirme la ministre, Martine Deprez, qui a présenté les détails techniques, mercredi matin, devant les députés de la commission parlementaire de la Sécurité sociale.

Une période transitoire jusqu’au 1er juillet 2026

La mesure la plus contestée reste l’augmentation progressive de la durée des cotisations avant de pouvoir partir à la retraite. «Cela ne concerne que les salariés qui veulent profiter d’une pension anticipée à 60 ans, après avoir cotisé pendant 40 ans», précise d’emblée la ministre chrétienne sociale. Les personnes concernées devront travailler jusqu’à 8 mois de plus à l’horizon 2030 (voir ci-contre). En priorité sont visés les assurés qui disposent d’une carrière «mixte», combinant années de travail, années d’études, années d’éducation des enfants et rachat d’années de périodes d’assurance.

Il est à préciser que la prolongation de la carrière ne s’appliquera qu’à partir du 1er juillet 2026. «Il est possible de demander de partir à la retraite six mois avant la date clé. On évite ainsi aux salariés qui ont prévu de prendre leur pension au 1er février de devoir attendre un mois de plus», explique Martine Deprez.

«Bien qu’une prolongation de la carrière professionnelle vise à soutenir la pérennité du système des pensions, la mesure ne peut être juste que si elle tient compte des réalités du monde du travail (…)», précise en outre la ministre dans l’exposé des motifs du projet de loi. Deux types de pensions sont exclus de la prolongation de carrière : la préretraite pour travail posté ou de nuit, et la préretraite-ajustement.

Cette exception «se justifie par la reconnaissance des effets avérés sur la santé, la sécurité et la vie sociale de ce type de travail», défend la ministre. Pour «éviter une situation de précarité» des bénéficiaires de la préretraite-ajustement, Martine Deprez souligne le besoin de tenir compte de la «situation spécifique des travailleurs âgés (…) cessant leur activité professionnelle avant l’âge légal de la retraite dans le cadre d’une restructuration d’entreprise, d’une fermeture, ou de mutations technologiques, afin de prévenir le licenciement».

Une nouveauté est l’introduction d’une pension progressive, accordée aux salariés qui souhaitent continuer à travailler à temps partiel, tout en profitant déjà d’une partie de leur retraite. «Ce régime est inspiré de celui qui existe déjà dans la fonction publique. Dans le cadre d’un avenant au contrat de travail, le salarié concerné peut opter pour des modèles assez flexibles. Par exemple, travailler encore 75 % et toucher 25 % de son indemnité de retraite», explique la ministre de la Sécurité sociale.

«On a hâte de voir combien de personnes vont opter pour une pension progressive. Au vu des échanges avec le camp patronal, j’ai le sentiment qu’ils sont disposés à maintenir cette main-d’œuvre qualifiée dans leurs entreprises, aussi pour former leurs successeurs», note Martine Deprez.

À peine deux mois pour arriver au vote

«Afin de mieux adapter le système des pensions aux réalités contemporaines des parcours de vie et de formation», la réforme prévoit finalement une flexibilisation de la prise en compte des périodes d’études pour le calcul de la carrière de cotisation. «Un étudiant qui commence à travailler après avoir obtenu son bachelor (NDLR : formation de 3 ans) pourra commencer à suivre un master au plus tard à 27 ans (NDLR : 4 ans)», détaille la ministre.

La Chambre des députés, les chambres professionnelles et le Conseil d’État ne disposent que de deux mois pour mener à bien le travail législatif. L’objectif est, en effet, que la réforme entre en vigueur au 1er janvier prochain. «Il est difficile à dire si le vote pourra avoir lieu avant le 31 décembre. Beaucoup va dépendre de la réception des différents avis. En tout cas, il s’agit d’un énorme défi, aussi pour moi en tant que jeune députée», affirme Françoise Kemp (CSV), nommée rapporteuse du projet de loi.

Travailler jusqu’à 8 mois de plus,
hausse des cotisations et plus de flexibilité

PENSION À 60 ANS Les personnes qui veulent prendre leur retraite anticipée à 60 ans, après avoir travaillé 40 ans, devront cotiser plus longtemps : +1 mois en 2026, +2 mois en 2027, +4 mois en 2028, +6 mois en 2029, et +8 mois en 2030. Sont exclues de cette formule la préretraite de travail posté ou de nuit et la préretraite-ajustement.

PENSION À 57 ANS Les salariés ayant cotisé 40 ans peuvent toujours bénéficier d’une retraite anticipée à 57 ans.

PENSION PROGRESSIVE Sous réserve de l’accord préalable de l’employeur, un salarié en droit de départ en pension anticipée pourra continuer à travailler à temps partiel.

ANNÉES D’ÉTUDES Flexibilisation de la prise en compte des périodes d’études (non indemnisées) pour le calcul de la carrière de cotisation : 9 ans au maximum, à partir de 18 ans. L’âge limite de 27 ans est supprimé.

COTISATIONS Le taux de cotisation augmente de 24 % à 25,5 %. On passe ainsi de 8 % à 8,5 % à prendre respectivement en charge par l’État, les salariés et les patrons. La mesure sera d’application jusqu’en 2032.