Le Conseil supérieur du développement durable et le Jugendrot tirent la sonnette d’alarme concernant les retraites. Il faudra en 2070 près de 1,7 million de cotisants pour conserver le système.
Les chiffres donnent le tournis. Le Luxembourg va célébrer le 20 février une journée dont tout le monde aurait aimé se passer : le «Luxembourg Overshoot Day», la journée du dépassement luxembourgeois. Après cette date, le pays vivra à crédit. En effet, le Grand-Duché, ses résidents et ses entreprises consomment l’équivalent de 7,7 planètes Terre par an rapporté au nombre d’habitants et à la taille du pays.
À l’occasion de cette journée, le Conseil supérieur pour un développement durable (CSDD) et le Jugendrot (qui rassemble 30 organisations de jeunesse) s’inquiètent de cette situation et surtout de l’inertie concernant cette problématique. Cette année, les deux organisations se sont attardées sur le système de pensions luxembourgeois qui est l’exemple de cette fuite en avant. En effet, l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS) calcule qu’en l’absence de réforme, il faudrait en 2070 plus de 1,7 million de cotisants pour maintenir le niveau actuel du régime social.
Un «modèle de croissance exponentielle irréaliste»
Pour les deux organisations, notre «modèle de croissance exponentielle irréaliste» doit être transformé en «un modèle économiquement, socialement et écologiquement durable qui, à long terme, est compatible avec la vision One Planet Luxembourg». En effet, le Grand-Duché se retrouve à nouveau sur le podium des pays avec la plus grande empreinte écologique par résident. Selon le CSDD et le Jugendrot, il est «indiscutable que les seuls résidents du Luxembourg consomment toujours beaucoup trop».
Selon eux, l’empreinte dans le contexte luxembourgeois s’explique par plusieurs facteurs : la nature des activités économiques, la taille des secteurs économiques, le niveau de vie et le pouvoir d’achat de la population. Des facteurs qui sont à la base de la croissance économique et qui sont nécessaires pour soutenir le régime de sécurité sociale, et en particulier le régime de pensions.
Pour maintenir le niveau de son régime de sécurité sociale, le modèle de croissance que le Luxembourg doit poursuivre est de nature exponentielle, selon le CSSD et le Jugendrot. Ils expliquent : «Une croissance exponentielle signifie une augmentation continue et accélérée du produit intérieur brut (PIB), d’année en année. Il s’agit d’une croissance qui implique donc une consommation et une production toujours plus importantes, avec un impact sur l’environnement et une empreinte écologique qui augmentent tout autant. C’est un modèle de croissance qui n’a pas de place dans un monde limité d’un point de vue des ressources et des capacités de production, et dans lequel l’environnement est déjà sous pression».
2,7 millions d’habitants en 2070?
L’évolution démographique et la croissance du PIB accélèrent depuis une vingtaine d’années dans le pays. Jusqu’au ira cette fuite en avant? Le CSDD et le Jugendrot soulignent que dans les années 2000, une première projection d’un État de 700 000 habitants avait été présentée pour l’année 2050. Fin 2022, soit seulement à mi-chemin, ce seuil était presque atteint, avec une population luxembourgeoise de 660 809 habitants. Cela sans compter les quelque 221 251 travailleurs frontaliers et cotisants. La perspective des 700 000 habitants se réalisera en 2026 ou 2027, pile l’année durant laquelle le système des retraites devrait basculer en déficit.
L’emploi intérieur (264 000 en 2000, 359 000 en 2010, 471 600 en 2020 et 502 600 en 2022) suit la même tendance que l’évolution de la population, à savoir celle d’une croissance exponentielle. Va-t-on arriver à 1,715 million de cotisants en 2070? Avec l’intégration de 555 000 retraités pour la même année, on arrive à une population de 2 270 000 au minimum au Luxembourg. Et les organisations de continuer leurs calculs : si l’on présume alternativement que le nombre de frontaliers plafonnerait autour des 500 000, une population active de 1 215 000 au Luxembourg reviendrait, dans les proportions d’aujourd’hui, à une population totale d’environ 2,7 millions.
Un système qui craque de toutes parts
Pour elles, cette projection rappelle le «système de Ponzi» dans lequel, si l’on contextualise, le niveau de vie d’une génération est assuré grâce à la richesse générée par la prochaine, qui devra grandir de façon exponentielle. Logements, mobilité… le système craque déjà aujourd’hui de toutes parts. Il risque d’imploser dans quelques années. Au-delà de l’empreinte carbone, ce développement exponentiel, soumis en plus aux fluctuations économiques mondiales qui le fragilisent encore davantage, ne semble plus tenable.
Le CSDD et le Jugendrot plaident pour un «dialogue social élargi et inclusif, intégrant notamment la jeune génération, et un débat courageux et ouvert aux concepts innovateurs» afin de remédier à ces défis. Pour les organisations, «le Luxembourg a aujourd’hui l’occasion d’être un précurseur, d’explorer les conditions d’un modèle innovateur et alternatif remplaçant la croissance exponentielle par une transformation exponentielle vers un avenir durable pour le Luxembourg». Sinon gare au crash.
Faut-il le mensionner quand-même: Les années précédentes, le « Overshoot day » était déjà le 15 ou 16 février. Il y a donc un minuscule progrès, mais il est vrai que le Luxembourg n’a jamais osé remettre en question son modèle économique… Et pour cause: il est bien trop pratique de maintenir la paix sociale dans le pays avec le chèquier! C’est bien la raison que les fameux 700000 résidents qui faisaient encore monter le tollé en 2001 sont devenus une réalité du quotidien! Il est donc aproprié que les 2 organisations dessinnent ce spectre dramatique de 2.2 millions de résidents pour faire comprendre l’ampleur du problème!
Les tenants de la décroissance et de la misère croissante, elle, ont embouché leurs trompettes.