Des experts de l’ONU sont venus évaluer les efforts du Luxembourg pour faire respecter les droits humains par les entreprises. De gros défis restent à relever.
Pour la première fois, et sur invitation du gouvernement luxembourgeois, le Groupe de travail des Nations unies sur les entreprises et les droits humains s’est rendu au Luxembourg afin d’évaluer les efforts déployés dans le pays, tant par le gouvernement que par les entreprises publiques et privées, pour identifier, prévenir et traiter les effets négatifs des activités des entreprises sur les droits humains.
Initialement prévue en juillet, la visite a finalement eu lieu du 1er au 9 décembre. Neuf jours durant lesquels cinq experts indépendants ont pu rencontrer des responsables du gouvernement et des autorités locales, des représentants d’entreprises et de syndicats, et bien sûr, des membres d’organisations de la société civile.
Vendredi dernier, veille de la journée internationale des Droits de l’homme, le représentant de ce groupe, Robert McCorquodale, professeur en droit international et juriste, a rendu les premières conclusions tirées de ces observations. «Le fait d’avoir invité le Groupe de travail des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme en tant que premier mandat des procédures spéciales à se rendre au Luxembourg montre l’engagement du pays envers l’agenda des entreprises et des droits de l’homme», a-t-il déclaré en préambule.
Toutefois, si les experts ont salué un certain nombre de bonnes pratiques, comme par exemple l’élaboration de deux plans d’action nationaux (PAN) pour la mise en œuvre des principes des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme ou encore l’assistance fournie aux réfugiés et aux survivants de la traite des êtres humains, ils ont aussi relevé plusieurs défis d’ampleur pour le Grand-Duché, dont certains constituent une véritable priorité de travail.
En premier lieu desquels, un meilleur accès à la justice pour les plaignants et l’application de sanctions dissuasives envers les entreprises contrevenantes. À cet égard, le Groupe de travail des Nations unies invite en parallèle à rendre plus visible le Point de contact national, un mécanisme non judiciaire «chargé de répondre et de traiter toutes les demandes qui lui sont soumises au sujet de la conformité du comportement d’une entreprise multinationale» vis-à-vis des principes directeurs.
Le système législatif luxembourgeois est en effet solide, mais les recours sont très peu nombreux et «les peines avec sursis et les amendes faibles ne sont pas suffisamment dissuasives pour les entreprises qui tirent profit de pratiques de travail abusives», estime le Groupe de travail des Nations unies, qui encourage aussi le gouvernement à adopter «sans délai» les projets de loi en cours sur les lanceurs d’alerte, le projet de loi sur les minerais de conflits et le projet de loi sur les recours collectifs.
«Il y a de bonnes pratiques mises en place par le gouvernement – les contrats de développement font référence à cette problématique – mais ce n’est efficace que s’il y a un groupe de surveillance et des orientations claires lorsque quelque chose survient», ajoute Robert McCorquodale.
«Leader mondial de la finance durable»
Autre point soulevé, et si caractéristique du Luxembourg : la question de la responsabilité du secteur financier, y inclus les fonds de compensation, pourtant signalés «comme particulièrement exposés au risque de violations de droits humains» dans le PAN 2020-2022.
Le Groupe onusien a d’ailleurs relevé qu’aucune entreprise du secteur n’est signataire du Pacte national «Entreprises et droits de l’homme» (signé par une cinquantaine d’entreprises luxembourgeoises seulement). «Le Luxembourg doit inclure le secteur financier, et saisir l’opportunité de devenir un leader mondial de la finance durable, terme qui inclut les droits de l’homme, les questions environnementales et le changement climatique», insiste l’expert.
L’engagement du Luxembourg en matière de respect des droits humains par les entreprises est d’autant plus essentiel que l’UE travaille actuellement à mettre en place une directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (lire notre édition du 24 février 2022). Il est donc dans l’intérêt des entreprises, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes («Toutes sont susceptibles d’avoir un impact à un moment ou un autre de leur chaîne») de se mettre au plus vite à la page.
Le rapport complet, incluant les recommandations du Groupe de travail des Nations unies, sera présenté au Conseil des droits de l’homme de l’ONU en juin 2023. Si les conclusions, publiques, n’auront pas de conséquences punitives, c’est bien la «réputation» du Luxembourg qui est en jeu.