Originaire de Diekirch et habitant d’Ettelbruck, Frankie Hansen a mené une existence digne d’un scénario de film durant la Seconde Guerre mondiale.
Résistant luxembourgeois de la première heure, prisonnier des nazis puis évadé miraculé d’un camp SS en Pologne avant de devenir un héros de guerre sous l’uniforme américain, c’est une fresque digne d’un film de Quentin Tarantino que nous donne à voir le parcours de Frankie Hansen.
Pour mettre en lumière la vie hors norme de ce Luxembourgeois originaire de Diekirch et habitant d’Ettelbruck, sa famille a décidé de raconter l’existence qu’il a menée entre 1941 et 1945 sur un site internet : frankiehansen.org. Mis en ligne le 21 mai, jour de l’anniversaire de cet «antifasciste légendaire», ce récit narre avec des détails fournis une partie de la vie de celui qui nous a quittés en 1981, à l’âge de 59 ans.
Nous ne pensons pas que Frankie et son histoire appartiennent au passé
Une publication qui résonne avec le 80e anniversaire de la capitulation nazie, un choix qui intervient « à une époque qui voit le retour en force du fascisme contre lequel mon père a lutté de façon si exemplaire», explique la fille de Frankie Hansen, Sonia Hansen-Mitralia. «Nous ne pensons pas que Frankie Hansen et son histoire appartiennent au passé. Nous croyons qu’ils sont très actuels.»
Des recherches outre-Atlantique
C’est un colossal travail de mémoire que Sonia, son mari Georges Mitralia et son frère Frankie Hansen Jr ont abattu pour décrire ces quatre ans de vie extraordinaires passés dans un monde dévasté par la guerre et le nazisme. Pour ce faire, ils ont compilé tous les documents, textes et photographies conservés par la famille. Les articles de presse et les interviews réalisées par leur père ont complété cette importante masse d’informations. Une bibliographie ainsi que plusieurs photocopies des documents qui ont participé à reconstituer la chronologie du soldat sont disponibles sur le site.
Pour certaines périodes de l’histoire de leur paternel, il a fallu enquêter bien au-delà des frontières de l’Europe. En novembre 1944, Frankie Hansen parvient à intégrer comme volontaire le premier bataillon du 28e régiment de la 8e division d’infanterie, sous l’identité du soldat Gordon Bayes, mort au combat.
Pour se documenter sur ces années, les sources sont venues de l’autre côté de l’Atlantique grâce à l’armée et au Sénat américains. Les échanges ont été facilités par les faits de bravoure de Frankie Hansen durant la guerre, celui-ci ayant reçu de nombreuses décorations, dont la Silver Star, en 1947. D’après les recherches menées par sa famille, il est «le premier civil étranger enrôlé» à recevoir cet honneur à titre exceptionnel pour mérites au combat.
«Les témoignages de ses compagnons de la déportation au camp de concentration SS-Sonderlager Dobrowicza à Lublin en Pologne et des brochures et livres sur l’histoire des opérations de la division US sur la Rour en février 1945 ont été d’autres sources importantes dans nos recherches», ajoute Sonia Hansen-Mitralia.

Sur les lieux du carnage
Mais ces fastidieuses investigations ne se sont pas cantonnées à de la documentation. En mars dernier, Sonia et son frère se sont rendus à Vossenack, dans l’ouest de l’Allemagne, pour y visiter le Museum Hürtgenwald 1944. Géré par une association de bénévoles, ce lieu abrite une exposition photos, des documents et des maquettes ainsi que des uniformes et des armes en rapport avec les événements tragiques survenus à Hürtgenwald pendant la Seconde Guerre mondiale.
Du 19 septembre 1944 au 10 février 1945, près de 30 000 soldats de la Première Armée américaine y furent tués, blessés ou y ont disparu. Les pertes allemandes sont, elles, comprises entre 12 000 et 14 000 hommes. Frankie arrivera dans cet enfer truffé de mines antipersonnel et de soldats nazis embusqués en octobre 1944. Il le quittera début février 1945.
Se rendre sur place a permis à la famille Hansen de voir les lieux de la bataille, les routes, les sentiers ainsi que la ville de Vossenack. «C’est d’ailleurs comme ça que nous nous sommes souvenus que l’armée américaine avait demandé en 1947 à mon père d’aller sur place pour aider l’opération de déminage», indique la fille du héros de guerre.
Un exemple pour les jeunes
Sonia Hansen-Mitralia habite à Athènes depuis 1975. Elle y a fondé une famille et continue de transmettre l’histoire de son père à ses enfants et petits-enfants. Elle garde le souvenir de quelqu’un «d’origine très modeste qui avait appris très tôt à se défendre», «d’un homme capable de réagir et de prendre des initiatives», mais aussi «d’une personne populaire qui se sentait bien avec les gens simples».
Son histoire est aujourd’hui partagée sur la toile en cinq langues (anglais, français, allemand, grec et portugais), mais de son vivant, Frankie Hansen restait plutôt discret sur son parcours durant la Seconde Guerre mondiale. D’après sa fille, il se livrait à sa compagne et parfois à son fils ou à son gendre, mais très rarement à elle. «Il en parlait seulement par hasard, lorsque quelque chose dans la vie de tous les jours le lui rappelait», précise-t-elle.
Si la famille a sorti de la sphère privée ce récit fait de courage et de bravoure, c’est parce qu’il «pourrait servir d’exemple et inspirer des jeunes dans toute l’Europe».
Frankie Hansen
en cinq dates
1922 Frankie Hansen naît le 21 mai 1922 à Diekirch, au Luxembourg. Il n’a même pas 18 ans, le 10 mai 1940, quand la Wehrmacht envahit le Grand-Duché.
1942 Il est arrêté par la Gestapo le 1er septembre après avoir participé à l’organisation de la grève générale en distribuant des tracts dans les villes et villages dans le nord du Luxembourg. À Diekirch, dans l’imprimerie où il est apprenti typographe, il sabote les machines sur lesquelles est imprimé du matériel de propagande du régime d’occupation. Il sera dénoncé par son employeur.
1943 Au terme d’un long voyage à travers les prisons de l’Allemagne nazie et de la Pologne occupée, il est interné en février 1943 dans un camp SS près de Lublin, en Pologne. Arrivé dans un état de santé désastreux, il parvient à reprendre des forces. Il s’active à remédier à la famine en menant des actions pour chaparder de la nourriture. Il parviendra à s’en échapper en juillet 1944 au moment de l’offensive russe sur Lublin et de la retraite de la Wehrmacht.
1944 Après son évasion, Frankie Hansen traverse la Pologne et l’Allemagne nazie bombardée, il réussit à rejoindre Ettelbruck avant la libération par l’armée américaine en septembre 1944. Par la suite, il rejoint un groupe de réfractaires et de déserteurs de la Wehrmacht. Ils se procurent des armes et entreprennent de lutter contre les occupants en pleine débandade.
1945 Après avoir intégré comme volontaire l’armée américaine, il se distingue lors de l’offensive vers Cologne, en plein mois de février 1945. Il traversa la Rour à la nage durant une nuit et sous le feu ennemi avant de réussir à déminer un pont d’importance cruciale pour la percée américaine. Cette action lui valut la Silver Star, une médaille décernée pour la première fois à un civil étranger enrôlé à titre exceptionnel pour mérites au combat.
Un nouvel outil
pédagogique
Depuis ce mercredi, le carnet d’activités Op eemol war alles anescht. Op de Spuere vum Zweete Weltkrich est disponible dans toutes les écoles fondamentales. Ce nouvel outil pédagogique à destination des élèves du cycle 4 a été développé en partenariat par le Comité de la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale (CM2GM) et le Zentrum fir politesch Bildung (ZpB).
Disponible en trois langues, ce carnet reprend les récits de quatre enfants qui racontent la guerre, la persécution des juifs, le déplacement forcé de familles et la résistance. Chaque chapitre est suivi d’activités abordant des thèmes comme l’oppression, la liberté, la paix ou encore la sauvegarde de la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale.