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Renoncer à une répression administrative


Le bâtiment du Conseil d'État à Luxembourg.(photo: le Quotidien)

Le Conseil d’État a bien conscience que les communes souffrent de ces petites incivilités rarement sanctionnées, mais il peine à accepter la sanction administrative communale. Il a une alternative.

Finalement, le mieux serait d’y renoncer. Le Conseil d’État, qui avait déjà généreusement critiqué le projet d’élargissement des compétences des agents municipaux, ne se montre pas plus convaincu par la nouvelle mouture qui valide «l’émergence d’un ordre répressif administratif», en introduisant les sanctions administratives communales.

Face aux critiques, le projet de loi sur les compétences élargies des agents communaux avait été retiré du rôle des affaires. Mais le gouvernement en a mis un autre dans les tuyaux, car son objectif de vouloir combattre les petites incivilités reste intact. Le Syndicat des villes et communes (Syvicol) attend une réponse au problème.

Lequel? Le problème tient au fait que les règlements communaux de police générale ne sont pas sanctionnés et que les communes sont dans l’impossibilité de les faire respecter.

«La police ne dispose pas de suffisamment de moyens pour être efficacement au service des missions communales, et les autorités judiciaires classent bien souvent sans suite des infractions qu’elle considère comme d’importance mineure», constate amèrement le Syvicol dans son avis sur le projet de loi qu’il accueille «favorablement», tout en critiquant certaines «incohérences».

Si le Conseil d’État a frappé le texte de plusieurs oppositions formelles, elles ont trait à des insécurités juridiques et ne rejettent pas le principe d’un catalogue d’infractions que constitue par exemple le fait d’uriner sur la chaussée ou celui de ne pas déneiger son trottoir.

Mais la démarche perturbe «la répartition traditionnelle dans l’ordre juridique luxembourgeois entre le rôle des autorités administratives et celui des autorités judiciaires, en particulier du parquet», comme le souligne la Haute Corporation.

«Une multitude de droits pénaux»

Mine de rien, ce nouveau régime, aussi anodin qu’il en ait l’air, pourrait «ouvrir la voie à des développements futurs et à un empiétement progressif d’une répression administrative sur le terrain de la répression pénale traditionnelle», craignent encore les Sages.

Et ils y ajoutent le risque de voir se développer «une multitude de droits pénaux à assise communale», comme ils avaient déjà eu l’occasion de le souligner en avisant le projet de loi sur l’élargissement des compétences des agents communaux.

Les communes pourront établir des infractions par la voie de règlements de police générale en puisant dans le catalogue proposé par le législateur. Le Conseil d’État y voit un problème dans la mesure où le régime des infractions administratives variera sur le territoire national.

«Se pose encore la question du sort des règlements de police traditionnels sanctionnés de peines de police», souligne la Haute Corporation.

Pour faire plus simple, le Conseil d’État propose de renoncer tout simplement au principe des amendes administratives communales et de s’orienter vers «un système de contrôle et de sanction automatisés comme une amende forfaitaire sous la responsabilité du procureur», comme c’est prévu pour les avertissements taxés que reçoivent les automobilistes flashés par un radar.

Pour rester cohérent

Le Conseil d’État préconise en effet d’étendre ce régime nouveau de sanctions à d’autres matières, telles les infractions aux règlements communaux.

«Cette solution aurait l’avantage de maintenir l’unicité et la cohérence du mécanisme de répression, de ne pas doubler le système de sanctions pénales par un régime de sanctions administratives avec tous les problèmes de cohérence et tout le potentiel de conflits que cela peut générer, et de garder l’ensemble du système dans les compétences des autorités judiciaires», plaident les Sages.

Du reste, «on pourrait ainsi faire l’économie de la création d’un fonctionnaire sanctionnateur, institution inédite en droit luxembourgeois», complète le Conseil d’État.

Pour le ministre de l’Intérieur, Dan Kersch, il existe deux pistes à suivre : soit la logique du texte actuel est maintenue et il s’agit de trouver des réponses aux oppositions formelles. Soit la logique change suivant la suggestion du Conseil d’État.

our l’instant, le gouvernement n’a pas encore tranché, informe la Chambre des députés.
Selon l’assemblée parlementaire, les députés se sont avant tout prononcés en faveur d’un système «pragmatique et fonctionnel sur le terrain».

Geneviève Montaigu