Accueil | A la Une | Remo Cavallini, cœur de blues 

Remo Cavallini, cœur de blues 


(photo Rocklab)

Après sept années de silence ou passées à jouer pour les autres, Remo Cavallini revient avec un quatrième disque toujours marqué par le sceau du blues. Une passion née à l’adolescence qui n’est pas près de s’éteindre. Confidences.

Pour la quatrième fois en quinze ans, il va s’installer au Club de la Rockhal pour y faire parler sa guitare, toujours d’attaque, et dévoiler un nouveau disque sous son propre nom. Par le passé, il y a eu Authentic South (2009), Self Control (2014) et The Last Blues from 29 (2017). Vendredi, c’est The Story of the South qu’il présente, avec ses fidèles en soutien – Jeff Herr (batterie), René Macri (basse), Claude Schaus (claviers) et Priscila Da Costa (chant). Bien accompagné, Remo Cavallini l’est assurément, lui qui ne jure que par les échanges et les rencontres qu’ils cultivent depuis l’adolescence. À la tête de la Blues School de Differdange, il œuvre aussi, encore en équipe, à la transmission du blues, genre cantonné à l’underground et à un public qui a du mal à se renouveler. Ça méritait bien un cri du cœur.

Vendredi, vous sortez votre quatrième album, sept ans après le dernier. Qu’avez-vous fait durant tout ce temps ?

Remo Cavallini : C’est vrai que temps passe vite… Je m’en suis fait la réflexion il y a deux ans, en me rappelant que mon dernier album remontait déjà à 2017. Bon, il y a quand même eu la crise sanitaire qui est passée par là. Être enfermé à la maison, contrairement à d’autres, ça ne m’a pas aidé à être créatif. Moi, j’ai besoin de bouger, d’être dehors, de voir des choses, de rencontrer du monde pour l’être. Sinon, ça ne marche pas.

Justement, en 2021, vous avez participé aux concerts pilotes de la Rockhal, « Because Music Matters« , durant l’épidémie de covid. En gardez-vous de bons souvenirs ? 

C’était spécial… L’idée en soi était intéressante : inviter des musiciens de la scène blues et passer un bon moment ensemble. Bref, revivre. Mais concrètement, jouer devant un public avec des masques, éparpillé dans toute la salle, ce n’est pas ce que j’appelle un concert. Sans oublier que certaines personnes m’ont ensuite critiqué sur les réseaux sociaux. Pour eux, j’étais un clown, un fou d’avoir accepté ce genre de proposition. Bon, il faut remettre ça dans le contexte de l’époque, franchement tendu. Mais la plupart des gens présents étaient contents. Il y avait quand même du monde, mais moins que pour Serge Tonnar !

Comment, depuis, est revenue l’inspiration ?

Sous pression! J’ai simplement convenu avec la Rockhal d’une date à inscrire dans le calendrier, une deadline en somme. Du coup, je n’avais plus d’excuse : je devais m’y remettre (il rit). Sans ça, je n’aurais sûrement encore rien fait.

Comme pour votre premier disque, vous défendez un blues qui vient du Sud. Pouvez-vous préciser votre intention ? 

Quand je parle du Sud, il est d’abord question du Luxembourg, surtout de Differdange où, dans les années 1990, j’ai appris la musique avec les anciens. Les soirs, il y avait des cafés qui faisaient des jam sessions, et des musiciens qui y traînaient, jamais avares en conseils. J’avais 15 ans, et j’écoutais tout ce qui m’arrivait aux oreilles. Et le Sud me ramène également à mes origines italiennes. J’ai grandi avec cette culture et cette musique. Et parfois, dans mes sons, j’arrive à y placer un petit clin d’œil.

Qu’est-ce qui vous plaît tant dans le blues, qui vous suit depuis votre adolescence ? 

Pour vivre, au quotidien, je joue avec plein d’artistes différents, dans des styles différents. Pourtant, quoi que je fasse, le blues, à un moment ou un autre, refait surface. C’est quelque chose que j’ai en moi, enraciné depuis de nombreuses années. Ça ne demande qu’à sortir!

Arrivez-vous à expliquer cette connexion naturelle ? 

Ça tient sûrement au fait que le blues est une musique idéale pour exprimer ses sentiments, notamment les plus sombres. J’ai eu une adolescence assez compliquée, et cette musique, cathartique, m’a aidé à tout évacuer.

En concert, on remarque que le public est vieillissant, et ça fait peur !

Dans ce sens, le solo, derrière votre guitare, est-ce le moment que vous attendez le plus ? 

Clairement. C’est à travers cet exercice que je lâche prise, que j’arrive le mieux à m’affirmer. Beaucoup de gens disent de moi que je suis une personne calme, posée. Je leur réponds que c’est grâce à la musique : après un solo de guitare, plus rien ni personne ne m’énerve. Un peu comme le sport pour certains, quoi.

Vous n’êtes pas nombreux au pays à représenter le blues, comme Kid Colling ou Lata Gouveia. Comment expliquez-vous que ce style n’ait pas une résonance plus forte ?

C’est un sujet que j’aborde souvent, notamment après un concert. On y remarque que le public est vieillissant, et franchement, parfois, ça fait peur. Où est la relève? Et comment, alors, attirer les jeunes vers le blues? Ce sont des questions à approfondir, et à mes yeux, deux chemins sont possibles : soit aller vers les lycées, notamment à travers des ateliers que l’on organiserait avec la School of Blues de Differdange. Soit c’est à nous, musiciens, d’évoluer, et peut-être de mettre un peu de funk ou d’électronique dans notre blues. En restant, bien sûr, honnête, et sans se dénaturer.

Justement, vous êtes directeur de la School of Blues. La transmission, est-ce important pour vous ? 

Oui. Ce qui est intéressant avec cette école, c’est que l’on a un public de tout âge. En gros, entre 15 et 77 ans ! Et les voir sur scène, en répétition ou au Blues Express, ou juste à échanger ensemble, c’est un grand plaisir. Surtout que de ces moments collégiaux, de nombreux groupes naissent. Il faut défendre cela, surtout quand on se demande ce que le blues sera demain. Oui, l’espoir reste de mise!

Quel serait le profil type d’un élève ? 

(Il souffle) C’est compliqué à définir… Il y a, par exemple, beaucoup de chanteuses qui viennent pour se frotter à d’autres musiciens, à d’autres styles. Ou des guitaristes qui, habituellement, font du rock, et là, se laissent aller, s’amusent avec les solos. Chez nous, la rencontre est essentielle.

Vous arrive-t-il d’aller voir et écouter certains groupes passés par l’école ? 

Quand je le peux et j’ai le temps, oui. Certains ont depuis arrêté, d’autres continuent. Mais quand on les découvre sur scène, il y a une certaine fierté : celle d’avoir été là pour leurs débuts et de se rendre compte de leur évolution. Quand on voit ça, les moments de doute s’évaporent et on se dit que l’on a bien fait de s’accrocher à cette école. Je m’en souviens d’un, plus particulièrement : les Coal Street Minors. J’étais présent lors de leur premier concert, pas trop convaincant d’ailleurs. Je leur ai alors dit de persévérer, qu’avec le travail, on arrive toujours à grandir. Il y a deux ans, je retombe sur eux à la Schungfabrik et là, je suis bluffé. Il y avait du groove, de l’énergie… De toute façon, il n’y a pas de secret : plus on joue, plus on évolue, et meilleur on est !

En tant que musicien, une vie ne suffit jamais à atteindre ce que l’on veut, pour peu qu’on le sache vraiment

Vous retrouvez cette semaine le Club de la Rockhal, où vous avez sorti vos trois premiers albums. Vous souvenez-vous de la release party du premier, le 12 décembre 2009 ?

Comme si c’était hier! Je ne peux pas oublier ce qui m’est passé par la tête à ce moment-là : est-ce que les gens vont venir? Vont-ils aimer ce que je fais? Était-ce une bonne idée de se lancer en solo après toutes ces années à accompagner les autres? Ce show, c’était le lancement de quelque chose, un nouveau départ. Il m’a alors conforté dans mon choix. C’était le petit coup de pied au cul nécessaire pour faire d’autres albums.

Comment, depuis, avez-vous évolué en tant que musicien ? 

Si je défends ma carrière solo, mon évolution tient aussi à mes projets annexes, à mes rencontres qui me remettent en question. Prendre sa guitare acoustique pour accompagner une chanteuse ou se mêler à la scène jazz du Luxembourg, c’est toujours très formateur. En tant que musicien, une vie ne suffit jamais à atteindre ce que l’on veut, pour peu qu’on le sache vraiment…

Il y a quinze ans, dans nos colonnes, vous aviez dit attendre vos cinquante ans pour jouer du « vrai blues ». C’est pour bientôt, non ?

(Il rit) Pour faire du blues traditionnel, celui des racines, il faut avoir du vécu, de l’expérience. J’ai déjà composé quelques chansons dans ce sens, et j’attends aujourd’hui le moment propice pour les sortir. Peut-être l’année prochaine, qui sait. En même temps, j’ai seulement 44 ans : ça me laisse six années pour y réfléchir!

«The Story of the South» (Album Release). Vendredi à 20 h 30. Rockhal – Esch-Belval. Support : Heavy Petrol