Le gouvernement a pris ses responsabilités face aux partenaires sociaux irréconciliables et a proposé des mesures à l’issue d’un troisième round de négociations ce mercredi après-midi. Les partenaires sociaux n’ont pas la même lecture des choses.
Les syndicats ne se sont pas sentis suffisamment écoutés et le patronat s’est peut-être lancé un peu trop confiant dans la bataille en raison des propositions de départ du gouvernement Frieden. Ce dernier rejette l’absence «d’accord global» sur les positions diamétralement opposées des partenaires sociaux et s’est félicité d’avoir finalement pris ses responsabilités en arrêtant des conclusions.
Le Premier ministre disait vouloir créer des ponts, il a finalement tranché dans le vif en invoquant «l’art du compromis». Son «sous-chef», Xavier Bettel a admis que le document soumis aux partenaires sociaux ce mercredi matin représentait «une évolution, pas une révolution».
Les heures et les heures de discussion de ces trois réunions se sont finalement soldées par un « échec » pour Nora Back, Patrick Dury et Romain Wolff. Michel Reckinger, le représentant des patrons, reconnait «ne pas avoir obtenu ce que nous voulions», mais devoir «l’accepter».
Selon Nora Back des propositions leur auraient été soumises en début de rencontre mercredi matin par le gouvernement qui n’aurait, durant les six heures de discussions qui ont suivi, pas voulu bouger d’un pouce.
Le dialogue social est renoué. Des compromis ont été effectués, mais au final, personne n’en ressort satisfait. Les salariés devront bien travailler plus et plus longtemps. Les syndicats se sentent floués et déplorent l’urgence soudaine des débats repris presque «à zéro» par rapport à là où ils les avaient laissés le 14 juillet dernier.
En résumé, le gouvernement ne devrait pas toucher à l’âge légal de départ à la retraite fixé à 65 ans, il ne devrait pas non plus raccourcir le montant des pensions, mais fera des modifications progressives par étapes de l’âge de la retraite effective pour atteindre une durée supplémentaire de cotisations de huit mois sur les cinq prochaines années, sauf exceptions, ainsi que des abattements fiscaux et une retraite progressive pour les salariés désirant travailler plus longtemps. Des ajustements seront toujours possibles par la suite.
Ces mesures devraient permettre au gouvernement de gagner quatre ans sur le déficit. Dès 2026, les recettes des cotisations ne suffiront plus à couvrir les dépenses du système de retraite. La ministre des Affaires sociales, Martine Deprez, a annoncé un déficit d’environ 100 millions d’euros pour l’année prochaine et de près de 400 millions d’euros pour 2027. Les réserves de 27 milliards d’euros devraient, selon les analystes, être épuisées d’ici à une vingtaine d’années.
Il y a urgence. D’autant que 74 % des travailleurs luxembourgeois prennent leur retraite de manière anticipée. En moyenne cinq ans avant d’atteindre l’âge légal de 65 ans, révèle le rapport annuel de la CNAP.
«Au même point dans trois ans»
Les discussions ont été «compliquées, mais constructives», les échanges «respectueux», selon le Premier ministre qui a rappelé son attachement au dialogue social. Malgré cela, le gouvernement a dû «adapter ses positions» pour obtenir des conclusions à présenter au Parlement le plus rapidement possible pour ne pas perdre de temps dans leur mise en œuvre législative. Ce matin, il était toujours question de la réforme des retraites, mais aussi du travail du dimanche et des heures d’ouverture des magasins.
«Nous constatons avec satisfaction que le gouvernement a pu avancer sur tous ces sujets, Nous voulions obtenir des changements et nous avons bien avancé sur tous ces points», a estimé Luc Frieden.
«Les conclusions que nous avons tirées il y a une demi-heure sont raisonnables, responsables et courageuses. Nous avons allié le progrès et le compromis. Nous avons tenté de créer des ponts entre les partenaires sociaux et entre nous et les partenaires sociaux. Cependant les positions des deux partenaires sociaux étaient très éloignées.»
Il est convaincu que les conclusions permettront de maintenir la paix sociale et de relancer l’économie. Pour Xavier Bettel, «le gouvernement ne doit pas avoir honte. Nous avons eu le courage d’engager une réforme que nous savons impopulaire. Si la politique n’est faite que de mesures populaires, elle n’est pas responsable.» La décision prise aujourd’hui est qualifiée de «pacte entre générations».
Qui n’aurait pourtant rien de définitif. Le président de l’UEL en est convaincu. «Dans trois ans, nous nous retrouverons au même point. Utilisons ces trois ans à venir pour trouver des solutions concrètes et définitives», a-t-il estimé, déçu, que le gouvernement ne soit, à ses yeux pas allé assez loin.
Du côté des représentants des salariés, on regrette la tournure prise par les débats. Nora Back dénonce de nouvelles propositions du gouvernement apparues ce matin ou l’absence de considération à l’égard des leurs.
Le gouvernement n’aurait jamais été dans «un esprit de compromis», mais plutôt «responsable d’avoir exacerbé les antagonismes». Patrick Dury, Romain Wolff et elles ont toutefois soulevé quelques «petites victoires» qu’ils commenteront «après avoir consulté leurs bases». Dans l’ensemble cependant, ils annoncent «des dégradations pour les salariés et les retraités».