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Réforme des retraites : la CGFP lance les hostilités


Les quelque 500 manifestants ont été rejoints par une dizaine de députés venus écouter Romain Wolff, le président de la CGFP.

La manifestation organisée par la CGFP contre la réforme des retraites a réuni près de 500 personnes ce mercredi devant la Chambre des députés. Comme un avertissement avant la manifestation nationale du samedi 28 juin.

Deux jours après la fête nationale, les drapeaux tricolores flottent encore sur le parvis de la Chambre des députés ce mercredi, mais l’ambiance festive du week-end est déjà loin. Réunis à l’appel de la Confédération générale de la fonction publique (CGFP), environ 500 manifestants sont mobilisés contre la réforme des retraites. Sur place, on distingue notamment les cheminots (Syprolux), les employés communaux (FGFC), les enseignants (SNE), les facteurs (P&T) et les employés de la Spuerkeess (APBCEE).

«Nous sommes très satisfaits de la mobilisation, car l’idée était de faire une petite manifestation, mais je pense que la résonance sera très bonne», se réjouit Romain Wolff, le président de la CGFP. Petite en comparaison avec la mobilisation annoncée pour la manifestation nationale de la toute nouvelle «Union des syndicats OGBL et LCGB» organisée ce samedi, mais loin d’être insignifiante. Au premier rang devant la tribune, une dizaine de députés représentant le LSAP, déi Lénk, le Parti pirate et le DP sont présents et peuvent constater la colère des fonctionnaires. Des délégations de l’OGBL, du LCGB et de l’ALEBA sont également du nombre en guise de soutien.

«L’arrogance du gouvernement»

Au micro, Romain Wolff est remonté et insiste à plusieurs reprises sur «l’arrogance du gouvernement». «C’est de l’arrogance lorsque l’on dit que le dialogue social fonctionne parfaitement, mais qu’en réalité, cela ne fonctionne pas du tout. On nous laisse parler, puis le gouvernement fait ce qu’il veut», dénonce-t-il.

Plus d’un mois après le discours sur l’état de la Nation, prononcé le 13 mai, les propos du Premier ministre, Luc Frieden, provoquent encore une vive colère. Au cours de son allocution, le chef du gouvernement avait présenté des faits accomplis et une solution pour la réforme des retraites «qui n’avaient rien à voir avec la phase de consultation». «Cette méthode, ce n’est pas un dialogue social», martèle-t-il encore. Selon lui, les pistes avancées par les syndicats dans l’avis du Conseil économique et social ont simplement été ignorées.

Concernant l’allongement de la durée de cotisation souhaité par la coalition CSV-DP, le président du CGFP parle de «politique irréaliste et contre-productive». Et il critique la volonté d’aménager les aides sociales et non d’augmenter la pension minimum : «Reléguer les retraités au rang de bénéficiaires de l’aide sociale est hors de question! Les retraites sont un droit, pas un privilège.» Romain Wolff ajoute : «Le gouvernement refuse de puiser dans les 30 milliards d’euros de réserves investis dans le Fonds de compensation. Il reste à espérer que ces fonds ne seront pas détournés pour financer la hausse des dépenses militaires.»

Une dernière chance

Malgré la colère, le président de la CGFP assure que son syndicat se rendra à l’invitation de Luc Frieden, qui souhaite réunir, le 9 juillet, autour d’une table les partenaires sociaux. L’objectif est de reprendre les discussions autour de la réforme, notamment avec l’OGBL et le LCGB, qui avaient claqué la porte le 23 mai et dont la réponse se fait attendre. Le syndicat de Romain Wolff compte «donner encore une chance» au gouvernement : «Nous verrons si c’est un vrai dialogue.» Il prévient : «Si cela ne l’est pas, ce sera la dernière fois.»

D’ici là, la prochaine grande échéance a lieu ce samedi avec la manifestation nationale à laquelle «la CGFP ne participera pas de façon active». «Mais beaucoup d’entre nous seront présents à mon avis.» Romain Wolff espère que ces deux protestations en quatre jours permettront «d’obtenir quelque chose avant le 9 juillet». «Il faut que le gouvernement nous prenne au sérieux!» Parmi les députés présents, le socialiste Franz Fayot estime, lui aussi, que les deux manifestations sont «un signal» et «qu’il faut que le gouvernement change son fusil d’épaule».

Du côté de l’OGBL, la belle mobilisation de la fonction publique est «un bon signe pour samedi», prédit Stefan Osorio, secrétaire central adjoint du syndicat Chimie. De quoi renouer le dialogue après le 28 juin ?

«Le gouvernement décide et impose sans prendre en compte notre avis»

Les manifestants de la fonction publique ont pu témoigner de leur désaccord avec la manière de faire du gouvernement. Ils demandent un dialogue social.

Après qu’ils ont fini d’applaudir le président de la CGFP pour son discours, les manifestants sont quelques-uns à camper sur la place et à échanger entre eux. Vêtus de dossards et de casquettes floqués aux couleurs de leurs syndicats, ces derniers ont tous le même mot à la bouche, celui du «dialogue». Parce que c’est bien ce qui a réuni les trois syndicats du secteur public hier pour la manifestation : montrer leur désaccord avec le «monologue» du gouvernement.

«La CGFP veut être à la table du gouvernement pour discuter de la réforme avec lui, contrairement aux deux autres syndicats qui refusent désormais tout dialogue», raconte une manifestante coiffée d’une casquette CGFP. Elle est enseignante pour les élèves à besoins spécifiques, et ce qu’elle déplore le plus aujourd’hui, c’est bien le manque de dialogue social tant au niveau national et général, que dans le monde de l’enseignement : «Le gouvernement décide et impose sans prendre en compte notre avis.»

Cela, couplé au surmenage et aux burn-out déjà présents dans l’enseignement, va mener selon elle à une situation toujours plus «difficile». «La réforme des pensions n’est pas la bonne solution pour garantir l’équilibre vie privée-vie professionnelle… Elle n’est pas réelle par rapport aux conditions de travail sur le terrain. Cela va aussi démotiver les jeunes à prendre cette voie.»

Un manque de dialogue qui crée du flou

Même son de cloche dans la fonction communale. Une pensionnée arborant un dossard rose floqué FGFC, anciennement fonctionnaire à la Ville de Luxembourg, livre ses craintes : «On sait tous qu’il faut changer des détails dans les lois sur les pensions… Mais il faut le faire tout en les gardant vivables.» Et si elle reconnaît que les fonctionnaires s’en sortent mieux, elle craint tout de même que cela devienne moins évident. «Les gens doivent travailler plus longtemps certes, mais à quel montant auront-ils droit pour vivre leur retraite?», souffle-t-elle.

La retraitée témoigne aussi du décalage entre la réalité du terrain et la réforme : «Bien souvent, ce sont des carrières qui n’entrent pas dans les barèmes de salaires et qui nécessitent des examens pour évoluer… Et si je prends mon exemple personnel, je suis incapable de comparer ce que je gagne à ce que l’on touche dans le secteur privé.» D’où une certaine crainte que la réforme des retraites dresse le public contre le privé. «Nous souhaitons discuter pour adapter au mieux la réforme aux réalités des différents terrains», appuie-t-elle encore.

D’autres manifestants déplorent aussi le flou que crée ce manque de dialogue. «Je ne saurais pas dire exactement ce qu’il faut vraiment», raconte un manifestant, tout juste retraité depuis deux semaines. Mais une chose est sûre selon lui : «Il faut absolument un dialogue convenable pour rechercher les pistes faisables et les besoins réels.» Pour le moment, la réforme va donc dans le mauvais sens. «Il faudrait qu’ils reçoivent les syndicats avant de prendre des décisions, mais là ce n’est pas le cas.» Et l’enseignante d’ajouter : «La réforme n’est pas claire du tout, notamment sur l’âge de prise d’effet… Ce serait bien de savoir où ça va et savoir quand nous pourrons aller à la retraite après une vie de travail.»

Camille Vari