Les sept partis représentés à la Chambre vont se positionner ce mercredi sur un ajustement du régime des pensions. Le gouvernement veut éviter un dérapage du système, désormais annoncé pour 2026.
La ministre de la Sécurité sociale, Martine Deprez, avait lancé le débat un peu malgré elle, début décembre, quelques semaines après sa prise de fonction. Après de premières explications données en commission parlementaire, les députés de l’opposition avaient fait retentir la sonnette d’alarme. L’intention du gouvernement serait d’affaiblir la pension légale pour renforcer les régimes de pension complémentaires (lire également ci-contre).
«Nous pouvons rendre plus attrayants les piliers non obligatoires pour certaines catégories de personnes, sans affaiblir le premier pilier pour d’autres personnes», s’était alors défendue la ministre chrétienne-sociale, fustigeant des conclusions «trop simplistes» de la part de certains élus. Depuis lors, l’exécutif conservateur-libéral ne s’est plus vraiment positionné sur les contours d’une réforme cherchant à viabiliser à long terme le régime d’assurance pension. Seule précision : le Premier ministre, Luc Frieden, a évoqué le 1er janvier, sur le plateau de RTL, que l’idée est de miser sur un modèle «Cappuccino», soit le café formant la pension de base, avec en surplus le lait et la chantilly représentant les pensions complémentaires.
Les échéances critiques : 2026, 2039 et 2045
Près de 15 mois après le premier clash, la ministre Martine Deprez sera de retour, aujourd’hui, devant la Chambre pour un débat sur l’avenir du système des retraites. Elle devrait à cette occasion rappeler les plus récents chiffres de l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS), qui concluent que l’équilibre financier est mis en péril à partir de 2026, et non pas 2028, comme cela avait été projeté en juillet 2024 (voir ci-dessous). La réserve légale, correspondant à 1,5 % du montant des pensions à verser annuellement, serait dépassée dès 2039 (contre 2041) et la réserve globale, qui se chiffre à plus de 27 milliards d’euros fin 2024, serait épuisée en 2045 (contre 2047). Sans aucune nouvelle recette, la manne financière existante est suffisante pour financer pendant plus de 4 années les pensions à verser.
Toutes ces projections (2024-2070) – qui incluent les adaptations de la dernière réforme de 2012 – reposent sur une politique inchangée. Elles sont contestées par le camp syndical. L’OGBL rappelle ainsi que «plusieurs analyses dans les années 1990 ont prédit (…) un « mur des pensions » dès le début des années 2020». En réalité, les différentes échéances critiques ont pu être repoussées entre 10 et 15 ans.
Malgré tout, Martine Deprez et l’IGSS sonnent l’alerte de leur côté. La principale cause qui menace l’équilibre financier du système serait la vague de départs à la retraite de personnes embauchées dans les années 90. Le nombre de pensionnés risquerait ainsi de passer, selon les tout derniers chiffres disponibles, de 225 000 en 2024 à 755 000 en 2070. De l’autre côté, le nombre de cotisants passerait de 505 000 en 2024 à 675 000 en 2070. En 2022, le ratio projeté en 2070 était encore de 745 000 pensionnés pour 705 000 cotisants.
Le gouvernement a lancé le débat sur une réforme des pensions avec l’hypothèse d’un solde négatif (courbe verte) en 2028 (projection juillet 2024), entretemps avancé à 2026 (février 2025). Les deux autres échéances critiques, sans réajustement du système, se sont aussi rapprochées : de 2041 à 2039 pour le seuil minimal de 1,5 % des pensions à verser (courbe orange pointillée) et de 2047 à 2045 pour l’épuisement de la réserve (courbe rouge). Les chiffres actualisés reposent sur un rendement du fonds de pension stable de 4 % entre 2025 et 2070. Peu importe les scénarios, les dates critiques restent situées aux alentours des années 2028, 2040 et 2045.
Un projet de réforme attendu pour l’été
Quelles sont les solutions pour rectifier le tir? Les députés vont mener aujourd’hui un débat marathon lors duquel les différents partis vont présenter leurs propositions. Ces dernières semaines, au terme d’une large phase de consultation, bon nombre d’autres acteurs ont déjà soumis leurs propositions, dont les représentants de la jeune génération, mais aussi les partenaires sociaux.
On entre désormais dans le vif du sujet. Après avoir écouté les élus, la ministre Martine Deprez va enchaîner les consultations avec trois groupes d’experts, qui vont se pencher sur l’âge de départ (21 mars), l’équité du système (4 avril) et la durabilité du régime (24 avril).
Une augmentation de l’âge de départ à la retraite semble exclue. Le gouvernement paraît toutefois peu enclin à augmenter les recettes, en l’occurrence les cotisations, une option privilégiée par les syndicats, mais rejetée par le patronat.
Un plan de réforme final doit être dévoilé d’ici cet été.
Le système de retraite en bref
ÂGE DE DÉPART LÉGAL À partir de 65 ans, avec possibilité d’un départ à la retraite anticipée à 57 ou 60 ans, si l’assuré a cotisé au moins 40 ans.
COTISATIONS Le taux de cotisation annuel est de 24 %, équitablement réparti entre salariés (8 %), employeurs (8 %) et l’État (8 %). Les travailleurs indépendants versent 16 % et l’État 8 %. Dans la fonction publique, l’État prend en charge 16 %.
PENSION DE BASE L’État garantit le paiement d’une pension de base (1er pilier), composée d’une part fixe (nombre d’années travaillées) et d’une part variable (revenus cumulés). S’ajoute une allocation de fin d’année (958,92 euros maximum). La pension est indexée et régulièrement ajustée en fonction de l’évolution des salaires réels.
PENSIONS COMPLÉMENTAIRES L’employeur peut, sur une base volontaire, proposer à l’employé une pension complémentaire (2e pilier). Chaque salarié a également le droit de cotiser de manière individuelle à un plan de pension complémentaire (3e pilier).