Revue de presse des principaux quotidiens français ce lundi matin, au lendemain de la réélection d’Emmanuel Macron à la tête de l’État français.
« Une victoire, mille défis » à la une du Télégramme, voire « Tout reste à faire » à celle de La Croix : pour les quotidiens de ce lundi, Emmanuel Macron reconduit président doit désormais se porter au chevet d’une France aux fractures béantes.
Le Monde le résume en parlant d’une « réélection sans état de grâce », du fait notamment d’une « abstention proche des records et une extrême droite qui dépasse pour la première fois la barre des 40% des suffrages ».
Il y a bien sûr des unes très sobres, des neutres « Emmanuel Macron réélu » (Ouest-France) ou « Macron réélu 58,5% » (La Dépêche du Midi), à « Macron promet ‘cinq ans de mieux' » (Le Parisien/Aujourd’hui en France), en passant par « L’acte 2 » (Sud Ouest) ou « Macron II » (Paris Normandie), ou encore « 5 ans de plus » (Nice-Matin). Bref, comme dirait 20 minutes, « Ça marche encore ».
Et les unes, rares, où perce un certain enthousiasme, comme celles des Échos, « Un nouveau départ », avec une photo du chef de l’État tout sourire et bras levés, ou du Figaro, « Grande victoire, grands défis ».
Alexis Brézet y note qu’«en apparence, c’est une apothéose». « Chapeau, l’artiste ! Après ce quinquennat ‘maudit’ – les gilets jaunes, Samuel Paty, Notre-Dame, le covid, l’Ukraine… –, la performance n’est pas mince ». Mais « en vérité, la statue de marbre est un géant aux pieds d’argile » car « qui peut croire à la réalité de son ancrage populaire ? », nuance l’éditorialiste du quotidien de droite.
Côté opposé, Libération pose un grand « Merci qui ? » sur la tête du président, coupée en bas de page. « Macron réélu, la victoire sans la gloire », lit-on en pages intérieures du journal de gauche, où l’éditorialiste Paul Quinio liste les lourds dossiers à traiter, une mission qui s’avère selon lui « souvent à rebrousse-poil du quinquennat qui s’achève ».
« Ce vote m’oblige »
Un dessin, signé Kak dans L’Opinion, résume cette idée d’une réélection qui fait mal : on voit sur un ring une Marianne annoncer « Macron, victoire aux points » et lever le bras de celui-ci, amoché, hagard, tandis que Marine Le Pen de l’autre côté présente le même état d’hébétude, battue, mais debout.
Pas de KO, donc. Ni de chaos : « Cette élection a permis d’éviter le chaos, sûrement pas d’atténuer la colère », remarque Jean-Pierre Dorian dans Sud Ouest. D’où le scepticisme, mordicus. « Oui, mais », titre La Provence, « Et maintenant? », s’interroge Corse-Matin.
« C’est gagné, mais rien n’est fait », après une deuxième onction électorale qui « ne vaut pas quitus », rappelle Stéphane Vernay dans Ouest-France, en titrant son édito : « Réconcilier les Français… et vite ». Car il s’agit là d’une France « polytraumatisée », observe Dominique Diogon (La Montagne), et « plus que le fantasmé grand remplacement, c’est ce grand déclassement qui nourrit un ressentiment explosif ».
Luc Bourrianne pointe, lui, la responsabilité du chef de l’État dans L’Est républicain: « La stratégie du président allie brio et cynisme en se jouant des opportunismes. Mais en affaiblissant la gauche et la droite modérées, il participe à l’émergence d’aucune alternative autre que les extrémismes, la radicalité, l’affrontement ».
Après cette « victoire en trompe-l’œil », selon le titre de l’édito de La République des Pyrénées, Emmanuel Macron doit innover dans la pratique démocratique, pour « éviter une ‘giletjaunisation’ de son quinquennat », écrit Jean-Marcel Bouguereau dans ce journal. Bref, action, ou la comminatoire une de Midi Libre : « Entendez et agissez ! »
Comment ? D’abord en reconnaissant ce que traduit le scrutin dominical. « Ce vote m’oblige », a dit le Marcheur réélu, citation placée à la une des Dernières Nouvelles d’Alsace et de La Voix du Nord. Car, analyse Olivier Biscaye dans Midi Libre, « le camp des perdants a gagné. Autant que celui des désabusés, des découragés, des indifférents. Et ce n’est pas une blague ! Depuis hier soir, ils sont devenus la seule et principale attention d’un Président réélu à la tête d’un pays que l’on a l’habitude de considérer à raison comme fracturé ».
« Goitschel de la politique »
Un président à la manœuvre auprès d’«Une France à apaiser» (une de la Charente l ibre), quitte à slalomer: « Emmanuel Macron devra être la Marielle Goitschel de la politique, aussi à l’aise dans les virages à gauche, que dans ceux à droite », glisse Géraldine Baerh Pastor dans son édito « L’inratable grand virage », pour L’Union.
Et voilà le double-fond de la séquence électorale de 2022 qui se reflète déjà dans la presse, avec ce fameux « troisième tour » que représentent les élections législatives de juin, lequel, prévient Frédéric Vézard dans les DNA, « pourrait faire bouger quelques murs, voire paralyser l’action publique si aucune majorité nette ne se dégageait à l’Assemblée nationale ».
Dans le droit-fil d’un Jean-Luc Mélenchon demandant aux Français de l’élire Premier ministre, L’Humanité présente à sa une un bulletin Marine Le Pen froissé, tamponné d’un « BATTUE », au-dessus du mot d’ordre : « Et maintenant, combattre Macron ». En écho, l’édito de Sébastien Crépel a pour titre : « Le président ne perd rien pour attendre. »
« Vos gueules, les mouettes ! », lance l’édito de David Guévart dans le Courrier Picard, clin d’œil au film de Robert Dhéry : « Ils sont marrants, ces candidats déchus. Ils pérorent comme s’ils n’avaient pas perdu l’élection. » Le même quotidien, décidément cavalier, propose une citation du jour, décidément de circonstance : « Un homme mérite une seconde chance, mais gardez un oeil sur lui ». Signé John Wayne.