Alors que le Royaume-Uni s’impose comme le seul pays européen à déployer massivement des technologies de reconnaissance faciale en temps réel, le Luxembourg confirme sa ligne de prudence.
Si le Luxembourg reste «ouvert aux technologies innovantes», pas question d’utiliser la reconnaissance faciale. Voilà en quelques mots la réponse adressée à la députée CSV Nancy Arendt par le ministre de l’Intérieur, Léon Gloden, et la ministre de la Justice, Elisabeth Margue.
Tous deux ont rappelé qu’aucun projet concret de reconnaissance faciale n’est actuellement envisagé au Luxembourg. «Tout éventuel projet pilote ne serait envisageable que sous des conditions juridiques, techniques et éthiques strictes», ont-ils précisé, rappelant que l’article 43bis du Code de la police interdit explicitement le recours à une telle technologie au Luxembourg.
Le contraste est frappant avec Londres, où la police a déjà scanné 4,7 millions de visages en 2024, notamment lors d’événements de masse comme le carnaval de Notting Hill. Les caméras sont installées sur le toit d’un van où opèrent des agents de police et lorsqu’un suspect passe à proximité, le système utilisant l’intelligence artificielle déclenche une alerte permettant de l’interpeller immédiatement.
Selon le chef de la police de la capitale anglo-saxonne, ces dispositifs ont permis plus de 1 000 arrestations depuis début 2024. Le ministère de l’Intérieur britannique prévoit désormais d’installer des caméras fixes dans certains quartiers, en complément des vans mobiles déjà utilisés.
Le recours à ces technologies a donc déjà considérablement augmenté depuis trois ans, passant de dix opérations entre 2016 et 2019 à une centaine depuis début 2025.
L’UE fait marche arrière
Une pratique qui inquiète surtout les ONG et défenseurs des droits humains, qui dénoncent l’absence de cadre légal clair et les risques de discriminations. Le régulateur britannique des droits humains a même jugé récemment l’usage de ces technologies «illégal».
«Le Royaume-Uni se transforme en un pays de suspects», s’inquiète ainsi l’organisation Big Brother Watch. «Il n’y a pas de base législative (…) donc la police a le champ libre pour écrire ses propres règles», a déclaré Rebecca Vincent, sa directrice intérimaire.
Son usage privé par des supermarchés ou des magasins d’habillement pour lutter contre des vols à l’étalage en forte augmentation les préoccupe particulièrement, avec «très peu d’informations» sur la collecte des données.
Dans l’Union européenne, la tendance est inverse : le règlement sur l’intelligence artificielle («AI Act»), entré en vigueur en février, interdit en principe la reconnaissance faciale en temps réel dans l’espace public, sauf exceptions très limitées (notamment en matière antiterroriste).
Les systèmes de reconnaissance faciale y sont classés «à haut risque» et soumis à des exigences strictes de transparence, de sécurité et de conformité aux droits fondamentaux.
«Chaque usage doit respecter les droits fondamentaux et garantir la proportionnalité», insiste Léon Gloden, écartant pour l’instant toute expérimentation sur le territoire luxembourgeois. Une position qui situe clairement le pays dans le camp européen de la prudence, au moment où le Royaume-Uni, affranchi du cadre juridique de l’UE, choisit de doubler l’usage de ces technologies.
(Avec AFP)