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Raqa libérée : «C’était la plus belle des villes!»


Une femme pleure en découvrant les destructions dans la ville syrienne de Raqa. (Photo : AFP)

Quand Asya a découvert les vitrines brisées et les devantures éventrées des magasins de ce qui était sa rue commerçante préférée à Raqa, les larmes ont perlé sur son visage moucheté de taches de rousseur.

«C’était la plus belle des villes, mon Dieu», confie cette Syrienne de 35 ans, assise à l’arrière d’une voiture sur le boulevard Tal Abyad, autrefois grouillant d’activité et aujourd’hui jonché de gravats.

«Maintenant regardez autour de vous, regardez nos maisons», gémit-elle.

Asya fait partie des rares civils qui ont pu accéder au centre de Raqa, depuis qu’une alliance de combattants kurdes et arabes soutenue par les Etats-Unis en a chassé le groupe Etat islamique qui en avait fait sa «capitale» autoproclamée.

Si ces forces antijihadistes ont organisé une cérémonie vendredi pour officialiser la capture de la ville, dévastée après cinq mois de combats, l’océan de mines laissées par l’EI empêche encore les habitants d’y remettre les pieds.

Quelques membres des familles des combattants et des responsables locaux ont toutefois obtenu un laissez-passer d’un jour pour assister à la cérémonie et en ont profité pour tenter d’apercevoir ce qu’il reste de leur maison.

Des mois de conflits ont transformé la ville en ruines. (Photo : AFP)

Des mois de conflits ont transformé la ville en ruines. (Photo : AFP)

C’est le cas d’Asya et de ses quatre enfants, entassés dans une voiture conduite par son mari, un combattant antijihadistes. Après la cérémonie, ils ont voulu aller voir leur quartier d’Al-Roumeila, dans l’est de la ville.

«Ma maison a été bombardée, je l’ai compris en voyant nos affaires éparpillées dehors», raconte Asya. «J’aurais préféré que tout soit volé mais que les murs restent debout».

«Destruction, douleur, tristesse»

Elle qui pensait se réinstaller avec sa famille dans sa ville natale, après l’avoir fuie en début d’année, «ne veut plus revenir».

«Tous nos beaux souvenirs ont été transformés en tragédies», assure Asya, les cheveux couverts d’un foulard couleur moutarde.

Sur le boulevard autour d’elle, des magasins sont encore identifiables malgré les destructions: un panneau brisé devant une clinique pour enfants, des présentoirs vides dans une bijouterie, des rouleaux de tissu et des machines à coudre chez un tailleur.

Mais l’essentiel de la ville est aujourd’hui méconnaissable.

Pour des membres du Conseil civil de Raqa, une administration provisoire à laquelle l’alliance kurdo-arabe va remettre la ville quand elle l’aura déminée, le court séjour dans la cité n’aura été qu’un moment doux-amer.

«Oui, nous sommes heureux d’être revenus, mais il y a la destruction, la douleur et la tristesse», confie l’avocate Fadila Hamad al-Khalil, qui avait fui Raqa en avril.

«Je ne pensais pas que les destructions étaient si étendues. C’est irréel, il n’y a plus un bâtiment ni une infrastructure debout, il n’y a aucun signe de vie», remarque cette femme venue assister à la cérémonie comme membre du Conseil civil.

Mme Khalil aurait aimé pouvoir venir avec sa famille et des amis d’enfance mais il faudra des jours, peut-être des semaines, voire des mois, avant que le déminage soit terminé et que les habitants puissent revenir Raqa.

«Réduite à ça»

Cette brève incursion dans la ville a permis à Mahmoud Mohammed, membre du comité chargé de la reconstruction au sein du Conseil civil de Raqa, de mesurer l’ampleur de la tâche qui l’attend.

Depuis quelques semaines, un groupe d’ingénieurs comme lui élaborent des plans pour la remise en état des réseaux d’eau et d’électricité.

Maintenant, le jeune homme de 27 ans comprend qu’ils ont été un peu optimistes.

«On voyait des images de Raqa (pendant les combats) mais on ne savait pas et on n’anticipait pas qu’elle serait réduite à ça», dit-il en prenant des photos des dégâts sur le boulevard Tal Abyad où sa famille possédait des magasins, ouverts même du temps de l’EI.

«L’ampleur des destructions va bien au-delà de ce que nous imaginions. Le plan (de reconstruction) a complètement changé quand nous sommes entrés dans la ville», ajoute-t-il, la tête basse et l’air sombre.

Un pick-up blanc passe derrière lui, sur le boulevard. La sono braille un air de fête et à l’arrière, des combattants antijihadistes dansent et font des V de la victoire.

L’un d’eux montre son fusil et interpelle alors Mohammed: «Mon frère, Raqa a été libérée!».

Le Quotidien/AFP