Accueil | A la Une | Rapport de l’Ombudsman et de Okaju : créer des alternatives à l’Unisec

Rapport de l’Ombudsman et de Okaju : créer des alternatives à l’Unisec


L’unité de sécurité de Dreiborn fait partie d’un système diversifié de structure de prise en charge de jeunes en rupture avec la société et ses lois. (photo : claude lenert)

Les deux ombudsman veulent calmer le désordre après qu’il a éclaté à l’Unisec. Ils ont identifié l’origine des troubles, pointé les lacunes du système et avancé des solutions.

L’Unisec, l’unité de sécurité pour mineurs, du centre socio-éducatif de l’état (CSEE) était obsolète dès son ouverture en 2017 et ce n’était qu’une question de temps avant que cette poudrière n’explose. La première étincelle a émané début janvier 2021 d’une demi-douzaine d’adolescents qui ont refusé de regagner leur chambre. S’en est suivi une agression violente qui a fait des blessés parmi le personnel de Dreiborn, la police et les jeunes eux-mêmes, dont certains ont dû être transportés à l’hôpital.

« De toute évidence, le manque de personnel de sécurité, le turn-over des professionnels d’encadrement et l’hétérogénéité des profils des jeunes accueillis à l’Unisec ont nettement contribué à cette situation tendue », a déclaré le médiateur en sa qualité de contrôleur externe des lieux privatifs de liberté (CELPL), Claudia Monti.

Des actions concrètes pour chaque ministère

L’ombudsman et son homologue Okaju (ombudsman pour les enfants et la jeunesse) se sont saisis de la problématique et ont rédigé un rapport spécial et une note commune qui ont été transmis aux commissions parlementaires de la justice et de l’éducation nationale, de l’enfance et de la jeunesse, ainsi qu’à la commission de surveillance et de coordination du CSEE qui a développé un plan d’action contenant des mesures concrètes sur base des recommandations fournies qui visent à relever les défis identifiés. Des actions concrètes ont été définies pour chaque ministère impliqué.

Après s’être entretenus avec les pensionnaires de l’Unisec, « nous avons identifié trois points qui devraient pouvoir fonctionner de manière cohérente et se compléter, mais ce n’est pas le cas », estime l’Okaju (Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher), Charel Schmit.  A savoir la législation, l’infrastructure ainsi que le concept pédagogique et criminologique à appliquer. « Le succès de l’intervention à l’Unisec est tributaire de la cohérence entre une base légale respectueuse des droits de l’enfant et des droits fondamentaux, une infrastructure appropriée aux besoins des jeunes et des concepts d’actions socio-pédagogiques et criminologiques solides et bien établis. »

Une loi obsolète

Or, l’Unisec déborde et la loi actuelle est obsolète. « Elle ne règle pas les questions de la détention préventive et transmets les mauvais messages en matière de délinquance et de criminalité juvénile. Aucun cadre conforme aux droits des enfants et aux droits fondamentaux n’autorise à garder les jeunes pendant trois mois et plus dans cette structure », poursuit-il.

Les deux Ombudsman placent tous leurs espoirs dans la réforme de la loi de la protection de la jeunesse et l’introduction d’un droit pénal pour mineurs, même s’ils ont conscience que ce n’est pas pour tout de suite. « L’Unisec est une prison et théoriquement, elle ne devrait accueillir que des jeunes qui ont commis des délits, mais la loi n’est pas claire. La nouvelle loi devrait le préciser », avance Charel Schmit.

« Des profils plus complexes »

Actuellement, des jeunes aux profils divers se retrouvent à l’Unisec, qui n’a que douze places, faute de structures plus adaptées pouvant les accueillir. Cette diversité de population a fait voler en éclat les concepts pédagogiques fixés à sa création. « En 2017, les jeunes arrivaient à Dreiborn parce qu’ils avaient été expulsés d’autres structures ou après des fugues. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de jeunes délinquants et de jeunes étrangers qui n’ont jamais été encadrés par des structures ou par les services de protection de la jeunesse, comme les mineurs non-accompagnés », explique Charel Schmit.

« Les profils sont plus complexes. On retrouve également des briseurs de système qui ont un long parcours de protection de la jeunesse et sont à la limite de la psychiatrie. » Or, sans concept clair, pas de mesures claires. « Le suivi psychiatrique est inexistant. Il faudrait un psychiatre en permanence sur le site et une infirmière psychiatrique », selon l’Okaju. Ainsi qu’un suivi thérapeutique ambulant, mais « les services adaptés manquent » intra comme extra muros.

Les récents incidents au CEES pointent les lacunes de tout un système. Mais comment fixer des bases sans « chiffres ou étude criminologique pour nous aider à dégager les profils et les réponses idéales pour les différents profils », note Charel Schmit qui mise sur des programmes d’aide individualisés de l’entrée jusqu’après la sortie. « L’incarcération ne doit arriver qu’en dernier recours. » A la place de cette sanction, il mise sur des mesures « qui permettent aux jeunes d’apprendre qu’ils ne sont pas obligés d’être agressifs ou de commettre des délits ou des crimes. »

« La réclusion en dernier recours »

L’Okaju veut réhabiliter et réparer les jeunes avant qu’il ne soit trop tard. Leur apprendre à réparer leurs erreurs, à restaurer les liens sociaux rompus avec leurs victimes ou la société. Il plaide en faveur de mesures de diversion au lieu d’une peine et résume son idée : diversion, réhabilitation, réparation, restauration et réparation avant la réclusion. « La loi actuelle n’est pas suffisamment diversifiée. Il existe une palette d’alternatives avant l’emprisonnement. » Reste, pour les mettre en place, à démêler la situation à l’Unisec pour créer des concepts et recruter le personnel nécessaire à leur application.

Les pensionnaires de l’unité de sécurité ne doivent pas être mis dans le même panier. Le fourre-tout actuel complique le travail des équipes sur place qui essayent vaille que vaille de conserver la philosophie humaniste des débuts. De l’ordre doit être apporté dans la structure. « Le site de Dreiborn devra être modernisé et le centre socio-éducatif de l’état (CSEE) décentralisé de sorte que Dreiborn ne serait plus qu’un centre de détention pour mineurs », indique l’Okaju.

« Le centre socio-éducatif de l’état continuera à accueillir des jeunes de manière préventive pour leur éviter la prison et pour assurer un suivi après un séjour en prison. » Il appelle de ses vœux des projets pédagogiques à l’étranger ou des sorties pédagogiques dans le pays ainsi qu’ « une structure semi-fermée comme Givenich adaptée aux jeunes ». Malheureusement, « tout ce qui se passe à Dreiborn n’est pas décidé à Dreiborn ».