Le belgo-luxembourgeois Raphaël Liégeois est l’un des cinq astronautes de carrière récemment nommés par l’Agence spatiale européenne.
Comment s’est déroulé le processus de sélection pour devenir astronaute au sein de l’Agence spatiale européenne (ESA) ? Qu’est-ce qui a fait la différence entre vous et les quelque 22 500 autres candidats ?
Raphaël Liégeois : Il y a eu plusieurs étapes, assez similaires à celles organisées pour le concours «Astronaut for a day» : envoi d’un CV et d’une lettre de motivation ; tests psychotechniques, d’anglais, de physique, de maths, avec joystick, etc. ; tests psychologiques et travail de groupe ; tests médicaux durant une semaine ; entretien avec des membres de la direction de l’ESA puis entretien final avec le directeur général de l’ESA (NDLR : Josef Aschbacher). Je ne sais pas exactement ce qui a fait la différence, je ne connais pas la combinaison secrète ! Mais je pense que l’objectif de l’ESA était de faire un scan à 360 degrés des profils et des compétences des participants. Il ne fallait donc pas avoir de trop grosses faiblesses dans toutes ces dimensions.
Avez-vous toujours voulu devenir astronaute?
Oui, bien que je n’aie jamais construit ma vie autour de cela. Je ne me suis jamais dit : « Si à 50 ans, je ne suis pas astronaute, c’est que j’ai raté ma vie! », pour reprendre la phrase d’un publicitaire… J’ai construit ma vie autour de choses qui m’intéressaient, comme la recherche en neuro-imagerie, en gardant dans un coin de ma tête ce rêve, tout en sachant que les chances d’y parvenir étaient minimes. J’y ai toujours cru, j’ai passé les sélections sérieusement, mais ce n’était pas une condition nécessaire pour réussir ma vie.
Vous qui êtes docteur en neurosciences, allez-vous mener des recherches en la matière au sein de l’ESA et au cours de vos missions spatiales ?
Les astronautes n’ont pas beaucoup d’impact décisionnel sur les recherches qui doivent être menées à bord de la Station spatiale internationale (ISS). Leur mission principale est de maintenir l’ISS en l’état et d’être prêts à exécuter les expériences sélectionnées. Ayant ce bagage en imagerie médicale, je serais ravi de l’utiliser à bord et je collabore déjà avec des groupes en charge de programmes qui visent à développer l’imagerie médicale, pour voir les effets sur le cerveau de longs séjours en apesanteur notamment.
J’ai construit ma vie autour de choses qui m’intéressaient (…) en gardant dans un coin de ma tête ce rêve
Savez-vous déjà quand vous allez partir dans l’espace ?
Je vais commencer l’entraînement de base qui dure un an. Avec les autres astronautes, nous serons ensuite assignables à une mission, mais il y a assez peu de place pour des Européens et cela va aussi dépendre de nombreux éléments, comme nos performances, des considérations politiques, des besoins de compétences spécifiques… Le temps peut être long avant d’être assigné à une mission et partir. Thomas Pesquet a attendu sept ans. Je devrais a priori rejoindre l’ISS, mais il y a vraiment peu de place pour aller sur ou même simplement autour de la Lune.
En quoi va consister votre travail au sein de l’ESA en attendant une mission spatiale ?
Il y a l’entraînement de base, puis, une fois assigné à une mission, il y a deux ou trois ans d’entraînement intensif. Si toutefois il y a beaucoup de temps, on est en « pre-assignment training », durant lequel on peut faire beaucoup de choses en fonction de nos sensibilités »: communication avec l’ISS (qui est très codifiée, une seule personne en est en charge en Europe), supervision ou vulgarisation de projets scientifiques…
Vous êtes marié et père de famille. Comment concilier ce métier extraordinaire avec une vie de famille?
Pour l’instant, ça va ! Mais il est vrai que nous avons été prévenus »: cette conciliation est un des aspects difficiles du métier d’astronaute. Il faut y être préparé. Pour le moment, j’essaie de préserver un maximum de temps avec ma famille. Mais au-delà d’une opportunité pour moi, cette expérience est une chance pour toute la famille de découvrir un nouveau pays, une nouvelle langue (NDLR : l’Allemagne). Et puis, l’ESA fait de son mieux pour nous aider à garder une vie de famille parce que c’est aussi important pour notre vie professionnelle.