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Rap ou dérapage? Tun Tonnar au tribunal pour « FCK LXB »


Le rappeur Tun Tonnar était convoqué au tribunal à cause de certaines paroles de sa chanson "FCK LXB" (Féck Lëtzebuerg). (Photo : archives lq/Didier Sylvestre)

On aura rarement vu autant de monde s’entasser dans la petite salle d’audience 1.07 du tribunal d’arrondissement. Le procès du rappeur Tun Tonnar qui invoque la liberté d’expression a fait salle comble jeudi après-midi. Une demi-heure avant, ses supporters avaient pris place. Le camp des plaignants, issu des mouvements de la droite populiste, était aussi présent.

«Selon moi, je n’ai injurié personne. C’est une œuvre artistique.» C’était le refrain de Tun Tonnar (25 ans), jeudi après-midi. Le fils du musicien Serge Tonnar, actuellement étudiant en production musicale, au micro à la barre de la 13e chambre correctionnelle devait s’expliquer sur la chanson FCK LXB (Féck Lëtzebuerg) qu’il a publiée en octobre dernier, quatre jours avant les élections législatives. La vidéo a récolté de nombreux clics sur les réseaux sociaux. Sur la plateforme YouTube, elle affiche quelque 16 400 vues. Jeudi après-midi, le public était au rendez-vous. Le procès du rappeur a fait salle comble. Dans les rangs se trouvaient également les plaignants Dan Schmitz (condamné à plusieurs reprises pour incitation à la haine) et Joe Thein (déi Konservativ) visés dans le clip. Fred Keup (ADR/Wee2050) était absent, mais représenté par son avocat.

« Pour moi, Féck n’est pas une injure »

Tun Tonnar dit n’avoir injurié personne. Il aurait voulu livrer une réponse aux discours xénophobes circulant sur les réseaux sociaux «sans [se] cacher derrière l’anonymat d’internet». Sa chanson n’aurait toutefois pas dû être prise à la lettre. «Elle visait toute l’idéologie que ces personnes soutiennent», a-t-il ajouté. «Le mot « Féck » en combinaison avec un nom, plus personnel, cela ne va pas», est intervenue la présidente. Sa réponse : «C’est mon droit en période d’élections de leur tenir tête.» Et d’insister : «Pour moi, « Féck » n’est pas une injure.»

Pas moins de 33 fois, Tun Tonnar a employé le mot «Féck», cela correspond à environ 10 % des 346 mots de la chanson labellisée comme satire. «Si j’avais formulé différemment, je n’aurais pas eu le même impact», a argué l’artiste. «Et que fait la Cour dans tout cela?», a fini par l’interroger la présidente. Car là, cela ne fonctionne plus avec l’opinion politique que vous vouliez dénoncer…»

La défense a plaidé l’acquittement. «Mon client n’a injurié personne. Dans sa chanson, il a juste charrié certaines personnes et symboles du pays», a soutenu Me Philippe Penning, invoquant la liberté d’expression. En s’emparant d’un genre de musique, le rap, où il est habituel de critiquer et où le code du genre exige que l’artiste s’exprime à l’aide d’une certaine vulgarité artistique, Tun Tonnar n’aurait eu aucune intention de nuire. «C’est un jeune homme engagé qui a le droit de donner son avis.»

Le parquet requiert 1 500 euros d’amende

Du côté du parquet, un autre son de cloche s’est fait entendre. «Le mot « Féck » n’est pas employé isolément. Il est mis en combinaison avec une personne. Cela donne un sens bien particulier.» Dans sa plaidoirie, la défense avait rapporté un certain nombre d’avis et définitions du mot «Féck». Elle avait également appelé le cabarettiste luxembourgeois Jemp Schuster. «Ce n’est pas la définition d’il y a 50 ans qu’il faut regarder, mais celle du grand public aujourd’hui. « Féck » en combinaison avec un nom est une affirmation vulgaire et péjorative dans le but de dénigrer quelqu’un et de l’insulter en public », a rétorqué la parquetière. Même si le code pénal prévoit jusqu’à deux mois de prison pour l’injure, le parquet estime qu’une peine de «prison serait démesurée». Il a proposé de condamner Tun Tonnar à une amende 1 500 euros. «On ne peut pas prêcher la tolérance et soi-même user d’une autre mesure», a conclu sa représentante.

Prononcé le 8 mai

Les trois plaignants se sont constitués parties civiles. «S’il veut leur tenir tête, qu’il vienne alors à une table ronde», a estimé Me Alex Penning, représentant Fred Keup. Ce dernier, comme Joe Thein, demande 5 000 euros de dommages et intérêts. Dan Schmitz réclame 10 000 euros. Il exige, par ailleurs, une excuse publique et que la chanson soit supprimée.

Prononcé le 8 mai.

Fabienne Armborst