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Quels scénarios économiques pour 2025 ?


Pour 43 % spécialistes interrogés, il faut continuer à baisser la fiscalité sur les personnes physiques. (Photo : julien garroy)

La Fondation Idea a dévoilé son enquête sur le sentiment de responsables politiques et économiques concernant 2025.

Perdu dans la transition («Lost in Transition» en version originale). Tel est le titre résumant le «consensus économique» d’Idea. Le document a pour but de révéler et d’analyser le sentiment d’un panel de décideurs économiques, politiques, de partenaires sociaux et d’économistes (lire encadré) sur les principales tendances d’évolution de la conjoncture, le scénario macroéconomique privilégié au Luxembourg. À travers les résultats du questionnaire se dessinent aussi que les grands défis politico-économiques pour le Luxembourg et les réponses à apporter à ces derniers. Idea a, rappelons-le, été créée à l’initiative de la Chambre de commerce en 2014. Autonome, la fondation a pour mission de susciter et d’alimenter le débat public et de proposer des solutions pour répondre aux défis socioéconomiques d’envergure.

Commerce mondial Cette année, la période d’enquête est tombée dans une situation géopolitique particulièrement troublée. Elle a eu lieu au même moment où Donald Trump a déclaré une guerre économique au monde entier et a attisé à nouveau les doutes concernant l’alliance défensive avec le Vieux Continent. Sans surprise, les personnes interrogées sont ainsi 66 % à estimer que la probabilité est plutôt élevée ou très élevée que le commerce mondial diminue cette année à cause des «taxes Trump». Ils sont, par ailleurs, une légère majorité à penser que la Chine sera le moteur de la croissance mondiale. La zone euro devrait réussir à maintenir l’inflation autour des 2 %, après la flambée des prix connus récemment, 43 % des panélistes considérant cette affirmation comme ayant une probabilité élevée contre 23 % penchant pour une probabilité faible. En revanche, précise Idea, ceux-ci sont moins confiants quant à la capacité de l’Union européenne à apporter une réponse cohérente à la guerre commerciale menée par Trump. Il existe aussi quelques doutes concernant la stabilité de nos trois pays voisins.

Pensions et impôts La réforme des pensions ne serait pas décidée d’ici la fin de l’année, selon une majorité des personnes interrogées dans le cadre du «consensus». Mais concernant la nécessité de réformer le système de pensions dans les trois ans à venir, affirmation testée l’an passé, les panélistes se prononcent majoritairement pour, et ceci encore davantage qu’en 2024, avec 43 % de répondants tout à fait d’accord en 2025 contre 35 % dans l’édition précédente. La poursuite de la baisse de la fiscalité sur les personnes physiques, alors que celle-ci a été l’une des orientations majeures du gouvernement élu fin 2023, fait débat. Ils sont ainsi 30 % des panélistes à s’y opposer contre 43 % à la souhaiter. Idea avait interrogé en 2020 les panélistes sur la pertinence de la création d’un système européen d’assurance chômage. Cinquante pour cent d’entre eux considéraient un tel dispositif européen comme plutôt pas nécessaire, 24 % était neutre et 26 % l’estimait plutôt nécessaire. cinq ans plus tard, le constat demeure le même.

Qui a été interrogé?

Près de 265 décideurs économiques, politiques, partenaires sociaux et économistes du Luxembourg issus de quatre grandes catégories ont été sélectionnés par Idea pour composer le panel : les entreprises (y compris le secteur financier), les institutions publiques et de recherche, les responsables politiques et les partenaires sociaux (organisations patronales et salariales). La démarche de sélection des membres du consensus répond à un simple critère, souligne Idea : exercer une profession ou un mandat représentatif nécessitant, a priori, de connaître ou d’analyser régulièrement les grandes données macroéconomiques luxembourgeoises.

Cent quinze personnes ont répondu au questionnaire personnel et anonyme (11 questions en ligne), soit un taux de réponse de 43 %, en léger retrait par rapport au taux observé pour le consensus de février 2024 (50 %), mais avec un nombre total de répondants similaires. Le profil des répondants s’accorde avec celui du panel, avec une légère sous-représentation des membres du groupe «responsables politiques» et une surreprésentation du groupe «partenaires sociaux». La participation des experts des «institutions publiques et de la recherche» a augmenté par rapport à l’édition précédente.

La fin de «l’âge d’or»

Pour la plupart des personnes interrogées, les changements concernant le télétravail des frontaliers (34 jours actuellement) et des seuils sociaux en vigueur (112 jours) n’auront pas non plus lieu cette année. Pourtant, il s’agit là d’un sujet toujours brûlant. De plus, selon eux, l’emploi ne devrait pas retrouver sa dynamique passée à plus de 2 % de croissance. Ils sont 55 % à considérer cette possibilité comme très faible ou plutôt faible contre seulement 8 % à lui attribuer une probabilité plutôt élevée ou très élevée. Une défiance liée au ralentissement du commerce mondial, mais aussi aux difficultés du marché du logement luxembourgeois ou les dynamiques internes de certains secteurs économiques dans le pays.

Croissance Le scénario central du Statec, dans sa note de conjoncture du deuxième semestre 2024, anticipe un taux d’inflation de 2,1 % et une croissance du PIB luxembourgeois de 2,5 % en 2025. Les panélistes penchent vers ce scénario, même si une partie non négligeable d’entre eux (23 %) le considère comme très faiblement ou plutôt faiblement probable. Onze pour cent du panel pense qu’un scénario avec 0 % de croissance a une probabilité plutôt élevée de se concrétiser. En tout cas, aucun des 115 répondants au consensus d’Idea n’imagine le Luxembourg retrouver dans les cinq années à venir les niveaux de croissance de sa période d’âge d’or (entre 1996 et 2007). Ils sont une majorité significative de 70,4 %, à anticiper pour les cinq prochaines années un taux de croissance du PIB de 2 %, soit la moyenne de ces 15 dernières années, remarque Idea. Toutefois, près d’un panéliste sur cinq estime que la croissance sera inférieure à 1,5 %, des niveaux qui pourraient accélérer les trajectoires de déficits futurs des pensions et plus globalement de la Sécurité sociale, souligne le document. Enfin, 10,4 % des répondants au consensus projettent une croissance annuelle solide de 3 % qui ferait repartir la «machine économique» luxembourgeoise après la période de polycrise.

Taux d’intérêt Le panel avait très exactement deviné le taux d’intérêt moyen pour les nouveaux crédits immobiliers supérieurs à 10 ans de 3,6 % pour l’année 2024. En ce qui concerne 2025, la poursuite de la tendance baissière se confirmerait selon eux, avec un taux d’intérêt égal à 3, %, soit un niveau largement supérieur à celui connu entre 2015 et 2021. De bon augure : la Banque centrale a de nouveau abaissé hier son principal taux d’intérêt directeur de 0,25 point de pourcentage, pour soutenir l’économie de la zone euro menacée par la guerre commerciale menée par les États-Unis. Cette septième baisse depuis juin 2024, qui abaisse le taux de dépôt à 2,25 %, accompagne un processus de désinflation «en bonne voie», selon la BCE.

Une IA «disruptive» dans la finance

L’intelligence artificielle (IA) ne pouvait être absente du questionnaire cette année, selon Idea. Les panélistes ont ainsi été interrogés sur l’impact qu’aurait l’IA dans les trois prochaines années au Luxembourg. Pour les huit domaines testés – le monde du travail, la place financière, la compétitivité, les entreprises, l’administration publique, la compétitivité, l’enseignement et la formation, le secteur de la santé et la démocratie –, en moyenne, 11 % des répondants estiment que l’IA aura peu d’impact et 7 %, qu’une révolution totale du domaine va s’opérer.

La vision de l’impact de l’IA diffère entre les différents domaines bien sûr. C’est la place financière qui serait la plus bouleversée, avec 10 % des panélistes prévoyant une révolution totale due à l’IA et 46 % une transformation de la majeure partie de l’activité. La place financière fait ainsi partie des domaines pour lesquels l’IA pourrait être disruptive, selon Idea, c’est-à-dire causer une rupture avec ce qui se faisait avant. C’est aussi le cas, dans une moindre mesure, pour le secteur de la santé et la compétitivité.

À l’opposé, l’administration publique, bien que concernée par l’IA, serait le domaine le moins transformé. Selon les panélistes, le monde du travail et les entreprises verraient certainement une évolution, voire une transformation, de leurs activités due à l’IA, mais, certainement en raison de leur ampleur et de leur hétérogénéité, il n’est pas considéré qu’ils puissent être révolutionnés dans leur globalité, ajoute le texte d’Idea. Concernant la démocratie et l’enseignement et la formation, les avis des panélistes sont plus polarisés, puisqu’une partie d’entre eux anticipent peu d’impact quand d’autres entrevoient une révolution totale consécutive au développement de l’IA dans la société.

«Ces différences d’opinion sont le reflet d’une technologie au potentiel encore flou et pour laquelle les visions de la population sont diverses, entre promesses et appréhensions, fantasmes et premières limites entrevues», précise Idea.